AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070369386
378 pages
Gallimard (01/03/2000)
3.85/5   177 notes
Résumé :
Conseil de famille chez les von Gerlach : le père a convoqué sa fille Leni, son fils cadet Werner et johanna, sa bru, pour leur dicter ses dernières volontés. Il n'a plus que six mois à vivre, les médecins l'ont condamné. Après lui, Werner dirigera l'empire industriel des von Gerlach mais doit s'engager à ne jamais quitter Altona. Pourquoi cette condition sinon pour protéger Frantz, le fils aîné, qui se claustre dans sa chambre depuis treize ans et passe pour mort a... >Voir plus
Que lire après Les séquestrés d'AltonaVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
3,85

sur 177 notes
5
4 avis
4
4 avis
3
1 avis
2
2 avis
1
0 avis
La pièce Les Séquestrés d'Altona est la dernière oeuvre théâtrale écrite par Jean-Paul Sartre et elle a été représentée pour la première fois en 1959. Quel plaisir pour moi de la relire et de me replonger dans mes anciennes notes d'étude et de lecture !
Cette pièce est ancrée dans L Histoire et l'actualité ; même si l'action se situe dans l'Allemagne nazie, après la Seconde Guerre mondiale, il s'agit pour l'auteur de dénoncer et de condamner les tortures perpétrées par les Français en Algérie ; il a lui-même déclaré en 1965 : " J'ai écrit Les Séquestrés d'Altona pendant la guerre d'Algérie. A cette époque on commettait là-bas en notre nom d'inexcusables violences et l'opinion française, inquiète et mal informée, ne réagissait guère. C'est ce qui m'avait donné le besoin de présenter la torture sans masque et publiquement. Point de thèse : il me paraissait qu'il suffisait de la montrer nue pour la faire condamner ".
La transposition en Allemagne donne une portée universelle à la pièce en mettant en lumière la répétition de l'Histoire tandis que le choix d'une période encore dans les mémoires insiste sur le fait que tout le monde est engagé et responsable de ce qui se passe.

Cette pièce est complexe ; les personnages sont ambivalents, ambigus et évoluent dans une ambiance sombre. C'est ce qu'on peut appeler un drame bourgeois, mais particulièrement long, trop sans doute pour une représentation. C'est une pièce à lire, plus qu'une pièce à voir.
Le serment du début est une parodie qui d'emblée sème le doute dans l'esprit du lecteur ou du spectateur. Par la suite, nous verrons que les personnages sont incapables de communiquer entre eux, que les couples sont mal assortis (Johanna et Werner) ou incestueux (Frantz et Léni). le thème du mensonge est récurrent tout au long de la pièce.

Frantz est une allégorie de la folie : il communique avec des personnages imaginaires et fantastiques à la nature indéfinie, hybride, mi hommes, mi crabes. À travers eux, il s'exprime et témoigne d'une histoire où il a lui-même été acteur. Il lui arrive même de s'identifier à eux. le crabe devient symbole de déraison avec sa démarche en biais. Sartre reconnaît que Frantz est une voix de l'écrivain et le définit ainsi : " mon principal personnage est un ancien officier allemand, auquel j'ai prêté beaucoup (le courage, la sensibilité, la culture, une morale puritaine) et qui prétend avoir été jusqu'au crime pour sauver son pays d'un danger mortel. Son acte est d'autant plus condamnable : on peut lui trouver des explications, pas une seule excuse. D'autre part sa séquestration volontaire, l'empressement qu'il met à se mentir et sa prétendue folie - qui n'est qu'un vain effort pour s'embrumer l'esprit - tout prouve qu'il a depuis longtemps pris conscience de son crime et qu'il s'épuise à se défendre devant des magistrats invisibles pour se cacher la sentence de mort qu'il a déjà portée sur lui-même".
Le Père, avec une majuscule, représente le type même du Pater familias ; c'est un véritable chef qui règle tout militairement, par la crainte et la fascination. Il est autoritaire, attaché à des valeurs obsolètes, mais également castrateur, empêchant toute liberté d'action sous des dehors protecteurs. Dans la pièce, il mène le jeu, comme un dramaturge intra-diégétique.
Johanna est l'épouse et la belle-fille : étrangère à la famille et à la maison, elle est moins facile à manipuler même si elle n'échappe pas au destin tragique de la fratrie. Elle sert de révélatrice ; sa prise de conscience porte les événements à la connaissance du public ; elle pose les bonnes questions.
Léni personnalise la passerelle entre la complexité de la pièce et les spectateurs ou lecteurs ; elle donne des clés d'interprétation ; il n'est pas anodin que son prénom soit l'anagramme du mot " lien ".
Werner, quant à lui, illustre la soumission au père, l'obéissance passive, le respect filial inconditionnel. Pourtant, son bureau moderne donne une image de la reconstruction de l'Allemagne, comme un sas entre l'enfermement familial et le monde extérieur.

Sartre utilise l'espace de la scène et les décors avec originalité ; les didascalies sont développées et précises. Ainsi, la chambre de Frantz a des allures de cellule mais avec un désordre trahissant le luxe bourgeois. La salle de bain devient l'endroit où on se cache comme dans un vaudeville. La pendule joue un rôle de dérèglement essentiel.
La division de l'espace met en lumière la difficulté des échanges ; les portes sont closes entre le salon du rez-de-chaussée et la chambre de l'étage. le salon illustre le cadre " bourgeois conventionnel " et conservateur par excellence avec son luxe factice ; la chambre symbolise l'univers désintégré de la folie.
Les jeux de lumière sont importants dans tout le déroulement de la pièce.
Le thème de la claustration est récurrent : tous les personnages sont en effet enfermés dans la maison de famille et donc dans la cellule familiale, sauf le Père qui peut voyager à Leipzig pour les besoins de son entreprise ; le Père veut les retenir même après sa mort en les faisant s'engager par la parole donnée au début. Quant à Frantz, il est en état de séquestration volontaire, forme minimale de survie. de plus, la configuration de la famille, particulièrement asphyxiante est l'occasion pour Sartre de proposer une critique de l'univers étouffant des familles bourgeoises en montrant surtout les conséquences désastreuses du comportement paternel.

La littérature critique rapproche naturellement Les Séquestrés d'Altona du nouveau théâtre et d'auteurs proches de Ionesco ou Beckett en se basant notamment sur les contrastes dans les décors, sur la question de l'enfermement et sur la satire des valeurs bourgeoises et familiales. Ma formation plus classique m'entraine plutôt à rapprocher cette pièce de la tragédie : unité de lieu, de temps et d'action, cinq actes… une prédestination puisque rien ne peut plus être tenté pour réparer la faute commise, que la mort du Père est annoncée dès le début de la pièce… un choix " cornélien " pour Frantz (mettre en danger ses soldats ou torturer des partisans).

Pour conclure sur cette oeuvre magistrale, j'ai bien envie de reprendre la démarche didactique de Sartre en le citant : " aucun de nous n'a été bourreau mais, d'une manière ou d'une autre, nous avons tous été complices de telle ou telle politique que nous désavouerions aujourd'hui. Nous aussi nous nous fuyons et nous revenons sans cesse à nous demander quel rôle nous avons joué - si petit qu'il ait été - dans cette Histoire qui est la nôtre, que nous faisons et qui déchire et dévie des actions que nous devons pourtant reconnaître pour les nôtres. [...] comment les magistrats invisibles - nos petits fils - nous jugeront-ils ? En ce sens, Frantz, cas limite, fuyard qui se questionne implacablement sur ses responsabilités historiques devrait, si j'ai de la chance, nous fasciner et nous faire horreur dans la mesure même où nous lui ressemblons ".
Il s'agit bien pour l'auteur de mettre en lumière une culpabilité collective, notre proximité avec des monstres, de montrer le rôle que chacun tient dans le théâtre du monde, de réfléchir non seulement sur notre responsabilité dans L Histoire mais aussi sur l'effet de l'Histoire sur nos comportements, et peut-être sur sa possible absurdité.
Commenter  J’apprécie          133
Les Séquestrés d'Altona est une pièce en cinq actes de Jean-Paul Sartre, représentée pour la première fois au théâtre de la Renaissance le 23 septembre 1959
Après l'insuccès de Nekrassov en 1955, qui l'a meurtri, Jean-Paul Sartre revient au théâtre. On sait que de gaulle est revenu au pouvoir en 1958, avec « les pleins pouvoirs », justement et que les troubles en Algérie ne font que s'aggraver…Sartre décide de traiter à travers cette pièce « Les sequestrés d'Altona » de la guerre d'Algérie en général, et en particulier de la torture…

L'action de la pièce se situe dans une famille d'Allemagne de l'Ouest, treize ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. le père est mourant. Il convie son fils cadet, Werner, pour lui signifier qu'il sera l'héritier de ses affaires... en même temps qu'il devra prendre l'engagement solennel que lui et sa femme Johanna resteront habiter à vie dans la maison familiale dans le but de s'occuper de Frantz, l'aîné de la famille qui vit cloîtré dans sa chambre, au grenier, depuis qu'il est rentré du front soviétique, et qu'il a été déclaré mort.

« Les séquestrés d'Altona », c'est « Huis-clos » élargi, car il s'agit bien là d'un huis-clos… Quel est le secret de Frantz ? On sera amenés à le découvrir dans toute son horreur. Un secret qui ne peu que conduire à une fin tragique, on s'en doute…

Pour ma part, une des meilleures pièces de Sartre.
Commenter  J’apprécie          170
Je n'ai pas les mots pour décrire la nausée que me donne ce huis clos infernal. Une chose est sûre, Frantz n'est pas le seul à avoir les mains sales.
C'est à se demander qui, du Diable ou du bon Dieu, tire les ficelles !
Une lecture qui vous met au pied du mur et qui vous force à voir les séquelles de la guerre plongeant l'homme entre l'être et le néant.
Commenter  J’apprécie          216
Séquestré dans une chambré depuis 13 ans Frantz, fils d'une famille d'industriels allemands est témoin de l'histoire dont il a été l'un des funestes compositeurs.
Dans le huis clos d'une immense maison, la pièce a pour cadre un mélodrame familial avec un patriarche, capitaine d'industrie au service des nazis puis de la reconstruction de l'Allemagne qui se sait condamné et qui organise sa succession en jouant sur des rivalités entre ses trois enfants (Frantz, Werner et Léni).
Frantz, son préféré devenu fou, s'est clos dans sa chambre pour une raison mystérieuse après la fin de la guerre; Werner, avocat a épousé Johanna, une ancienne actrice; Leni, la fille, s'occupe de Frantz avec lequel elle a une relation incestueuse. le père désire avant sa mort revoir son fils Frantz qu'il n'a pas vu depuis treize ans, En manipulant Johanna, le père parvient à ses fins, les retrouvailles conduisant le père et le fils au suicide.
La pièce écrite pendant la guerre d'Algérie est une dénonciation de la torture et reprend les thèmes récurrents sartriens : l'illusion de liberté humaine, la relativité du Bien et du Mal....
Au final, au sortir de la pièce, un peu fourre-tout de pensées philosophiques, on est heureux de retrouver une "relative" liberté de penser....
Commenter  J’apprécie          111
Ah la la... C'est avec l'étude de cette oeuvre que je découvrai cet auteur, et j'avais été transcendé, il y a de cela quatre ans. Malheureusement, les cours ont ensuite été annulés, et je n'ai jamais pu avoir d'analyse aboutie professorale. Mais elle avait su faire son impact. le souvenir est un peu flou, je me rappelle surtout de mes impressions de lecture.

Le concept, un personnage fou, Hamletien, enfermé dans sa chambre, traumatisé à jamais par la seconde guerre mondiale, avec la maison qui fait semblant de vivre autour de lui, ne pouvait que me plaire. J'ai surtout été marqué par le conflit avec son père, le salut qu'il pouvait potentiellement trouver dans une histoire d'amour impossible avec Johanna (prénom féminin magique) et la fin magnifique, évoquée par la force des mots, qui a lieu en dehors de la scène... Un des classiques de mes débuts à la fac, à relire dans un contexte plus éduqué!
Commenter  J’apprécie          110

Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
J'ai cru forger le nom de Gerlach. Je me trompais : c'était une réminiscence. Je regrette mon erreur d'autant plus que ce nom est celui d'un des plus courageux et des plus notoires adversaires du National-Socialisme.
Hellmuth von Gerlach a consacré sa vie à lutter pour le rapprochement de la France et de l'Allemagne et pour la paix. En 1933, il figure en tête des proscrits allemands ; on saisit ses biens et ceux de sa famille. Il devait mourir en exil, deux ans plus tard, après avoir consacré ses dernières forces à secourir ses compatriotes réfugiés.
Il est trop tard pour changer le nom de mes personnages, mais je prie ses amis et ses proches de trouver ici mes excuses et mes regrets.
(Note préliminaire insérée en début de l'édition parue chez "Folio" en 1972)
Commenter  J’apprécie          30
Je te l’interdis ! Je mourrai, je suis déjà morte et je t’interdis de plaider ma cause. Je n’ai qu’un seul juge : moi, et je m’acquitte. O témoin à décharge, témoigne devant toi-même. Tu seras invulnérable, si tu oses déclarer “J’ai fait ce que j’ai voulu et je veux ce que j’ai fait“.
Commenter  J’apprécie          70
-Les fous disent la vérité, Werner.
-Vraiment ? Laquelle ?
-Il n’y en a qu’une : l’horreur de vivre.
Commenter  J’apprécie          110
Le Mal, Messieurs les Magistrats, le Mal, c'était l'unique matériau. On le travaillait dans nos raffineries. Le Bien, c'était le produit fini. Résultat : le Bien tournait mal. Et n'allez pas croire que le Mal tournait bien.
Commenter  J’apprécie          40
Elle voulait tout, je suppose : c’est jouer au perdant. Elle a tout perdu et s’est enfermée dans sa chambre pour faire semblant de tout refuser.
Commenter  J’apprécie          60

Videos de Jean-Paul Sartre (206) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Paul Sartre
Le livre est disponibles sur editions-harmattan.fr : https://www.editions-harmattan.fr/livre-sartre_et_les_psychanalyses_essais_cliniques_claude_lorin-9782336414836-78338.html ___________________________________________________________________________
Jean-Paul Sartre fut l'instigateur d'une forme de psychanalyse existentielle originale peu discutée jusqu'alors. Il existe actuellement de nombreuses techniques de psychothérapie et il n'est pas toujours facile de s'y retrouver. Aussi, l'auteur résume-t-il ici dix principales formes de psychanalyse pratiquées dans le monde, y compris la psychanalyse existentielle de Sartre dont il s'est inspiré dans diverses situations cliniques à l'hôpital psychiatrique. Ces recherches innovantes, qui nous révèlent un « autre Sartre », relèvent ici de l'hommage et du devoir de mémoire et remettent en question certains concepts orthodoxes dominants. Elles portent aussi un regard critique sur cet ensemble très hétéroclite depuis ses tout débuts que l'on nomme à tort « La » psychanalyse.
Retrouvez nous sur : https://www.editions-harmattan.fr/index.asp Les librairies L'Harmattan près de chez vous : https://www.editions-harmattan.fr/index.asp Faire éditer votre livre : https://www.editions-harmattan.fr/envoi_manuscrits
Facebook : https://www.facebook.com/Editions.Harmattan/ Twitter : https://twitter.com/HarmattanParis/ Instagram : https://www.instagram.com/editions.harmattan/
Bonnes lectures !
Crédit : Ariane, la prise de son, d'image et montage vidéo
+ Lire la suite
autres livres classés : théâtreVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (612) Voir plus



Quiz Voir plus

L'oeuvre littéraire et théâtrale de Jean-Paul Sartre

Dans Huis Clos, l'enfer c'est...

Les oeufs
Les autres
La guerre
Les voisins

8 questions
347 lecteurs ont répondu
Thème : Jean-Paul SartreCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..