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EAN : 9782259310185
432 pages
Plon (03/03/2022)
4.34/5   55 notes
Résumé :
À l'été 1919, Léon Cognard, ex-officier de gendarmerie idéaliste et fort en gueule, change de vie, direction l'Amérique du Sud.
Mais, bloqué à Saint-Nazaire, il se retrouve au cœur de la liquidation des stocks américains. Les troupes alliées rentrent en effet au pays, abandonnant derrière elles 600 millions de tonnes d'objets divers. Devant cette manne, la région de Saint-Nazaire se transforme en Far West, avec colonnes de camions qui se volatilisent et nivea... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Que j'aime lorsque les auteurs s'emparent d'une thématique historique qui dépasse le simple décor contextuel et y déployent une intrigue embrassant toute les problématiques possibles avec profondeur. Patrice Quélard a choisi de structurer son roman autour d'un sujet fort, celui des bagnes coloniaux guyanais. Sujet à l'imaginaire fort, de Dreyfus sur l'île du Diable à Papillon / Henri Charrière à Saint-Laurent-du-Maroni.

Les incorrigibles, ce sont les fortes têtes, ceux qui se sont évadés plusieurs fois, ceux qui refusent le travail forcé et tiennent tête aux gaffes ( les matons ). Ils sont envoyés au bagne de Charvein, surnommé le « camp de la mort » pour être cassés, matés, voire pour s'en débarrasser, sans aucune volonté de les amender. En 1919, débarque en Guyane l'ancien lieutenant de gendarmerie Léon Cognard ( déjà personnage principal du précédent roman de l'auteur, Place aux immortels ) à la recherche d'un bagnard qu'il veut aider, Talhouarn. C'est pourtant lui qui l'a arrêté, mais désormais, il est persuadé de l'injustice de son sort.

Patrice Quélard alterne les deux récits : le parcours de Cognard et celui de Talhouarn. Ce dernier était engagé volontaire dans l'infanterie coloniale, condamné en 1908 pour outrage à un sous-officier puis en 1909 pour incendie volontaire. Ces deux voix permettent à l'auteur de ressusciter tout cet univers carcéral d'un autre temps. La reconstitution est passionnante, d'une grande méticulosité, embrassant un vocabulaire riche. Ce souci du détail et de l'exactitude apporte énormément de densité et d'intensité au texte.

le lecteur découvre effaré un système bagnard réellement terrifiant. D'abord les conditions de (sur)vie des forçats dans les différents bagnes guyanais entre sous-alimentation, maladies en tout genre, sévices, humiliations permanentes et exploitation tellement dure qu'elle confine l'espérance de vie moyenne à moins de six ans. Sans parler d'une corruption généralisée d'un système complexe de classement des prisonniers. Tout indigne et révolte, notamment la loi sur la relégation des récidivistes ( 1885 ) qui réprime en exilant définitivement sur le sol colonial sans espoir de retour en métropole. Ainsi la ville pénitentiaire de Saint-Laurent-du-Maroni, parfaitement reconstituée, n'est peuplée que de gardiens ou de bagnards libérés coincés en Guyane à l'expiration de leur peine.

Dans ce cadre déjà fort dense, l'auteur ne cherche pas à surcharger le récit de péripéties. le rythme est parfois lent, permettant un 360° afin de bien saisir le contexte et surtout de comprendre son formidable personnage, Léon Cognard. Un idéaliste atypique, anticonformiste qui déboule en Guyane à la Jean Valjean. Son humanisme lumineux croît à mesure qu'il s'implante en ces lieux désespérants, hors de toute civilisation. Son humour, couplé à sa lucidité, fait mouche dans de savoureux dialogues. Mais ce n'est pas un contemplatif éthéré. Son idéalisme, terrien, s'inscrit dans un pragmatisme mis au service des autres, en créant une coopérative agricole presque utopique qui réinsère les relégués et fonctionne tel un phalanstère fouriériste.

Un personnage qui fait du bien et parvient à percer la noirceur du cadre. Jusqu'au magnifique final qui passe le relais à Albert Londres, célèbre journaliste qui tirera de son séjour à Cayenne en 1923 un reportage dénonçant les horreurs commises sur les bagnards.
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Doux amer.

On retrouve notre héros si attachant, attachiant aussi, dans quelques épisodes de sa vie d'avant guerre, aux brigades du Tigre, dans le cadre d'une aventure post retraite, avec départ en Guyane pour y aller réparer une injustice. La Guyane après la première guerre mondiale, un autre héros incontournable sera donc le système carcéral français et son célèbre bagne.

Encore une fois, l'auteur extrêmement bien documenté met en lumière des anecdotes pittoresques ou dramatiques de l'époque qui s'intègrent parfaitement à son histoire. Encore une fois, on se rend compte à travers son récit, que si chaque époque a ses particularités et ses excès, rien ne change vraiment.

j'ai trouvé que la première partie, édifiante quant aux comportements humains était un peu décousue et manquait un peu d'enjeu, mais elle est nécessaire pour comprendre et bien appréhender la seconde partie nettement plus attractive.
De l'humour, de l'action, mais aussi de la tristesse. Exit la gendarmerie. Cognard mérite-t-il un peu de bonheur ? Spoiler Alert : Oui.
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Quelle bonne surprise pour moi , la semaine dernière , de découvrir , parmi les invités du premier salon polars de la Ferté Saint Aubin , un auteur qui m'avait vraiment enthousiasmé par son roman précédent , " Place aux immortels ". Garçon charmant , Patrice Quélard est un homme de convictions qui a fait de l'écriture sa "bulle de respiration " par rapport à son enthousiasmante mais exigeante profession , une bulle dans laquelle je veux bien , comme beaucoup de lecteurs , le suivre .
Bon , tout ça pour dire que j'ai aujourd'hui en ma possession son dernier né , " Les incorrigibles " , assorti d'une magnifique dédicace . Oui , je l'ai , parceque , pour ce qui est de la lecture du roman , c'est fait !!!
Alors ? Dommage que l'on ne puisse pas attribuer un gros "6" quant à la note .
C'est un roman incroyable dans lequel on va retrouver , pour notre plus grand plaisir , un ancien officier de gendarmerie dont on a déjà pu apprécier le caractère entier et intègre .
Prêts à prendre sa trace ? Bon , alors en route .Premier évènement majeur , le trafic autour du matérel de guerre abandonné ( contre rétribution , of course ) par l'armée américaine sur le sol français .Et là , bingo , voici un pan d'histoire bien méconnu , mis au grand jour grâce au talent d'un auteur naturellement brillant , travailleur et original dans ses choix . le problème résolu , c'est Cayenne qui vous tend les bras et où Coignard va vous emmener ...Mais pourquoi Cayenne , en 1920 ? Ben parce que là bas , il y a le bagne et que Coignard veut retrouver un forçat qu'il a obligé , en l'arrêtant , à y séjourner . Pourquoi ?" J'voudrais bien vous le dire , mais j'peux point ".
La seule chose que je puisse vous dire , c'est " bienvenue en enfer ".Vous avez lu " Papillon ?" d'Henri Charrière ? Vu le film avec Steeve Mac Queen et Dustin Hoffman ? Et bien , c'est le même thème , mêlant habilement documentaire et fiction .On pourrait intituler ça " la vie quotidienne des bagnards à Cayenne". Tout y est fidèlement rapporté , les renseignements figurant en fin d'ouvrage nous en apportant une preuve indéniable .
Alors , oui , c'est dur .Tout le monde est contre tout le monde , aucun "gentil" ou si peu .On a honte de savoir que l'état français ait pu se comporter d'une telle façon envers des êtres humains dont les fautes pouvaient être trés graves ou , souvent assez " légères " .Dura lex , sed lex .
Ce qui est extraordinaire , c'est que ce livre est passionnant ( je pèse mes mots ) malgré une intrigue qui ne constitue pas l'essentiel .Pourtant , je vous l'assure , c'est un roman que je n'ai pas pu lâcher , un ouvrage dans lequel j'ai vraiment cotoyé les forçats dans leur combat pour survivre aux agressions , aux humiliations , aux injustices ( Oui , je sais , en même temps c'est plus facile depuis son canapé ).J'ai encore adoré retrouver Coignard dont le caractère s'affine encore , dont le charisme va " crescendo ".
C'est un de mes coups de coeur de cette année et , si j'en crois la fin " ouverte " on devrait retrouver Léon....Tant mieux . Quant à moi , si l'occasion m'en est à nouveau donnée , ce sera un grand plaisir de passer remercier Patrice Quélard pour le grand moment qu'il m'a donné .
PS : s'il me lit , je tiens à associer à mon commentaire mon libraire qui , comme moi , a beaucoup , beaucoup apprécié et , comme moi a trouvé cet opus encore meilleur que le premier .
Enthousiaste , moi ?Ah oui , alors et j'assume !
Merci monsieur Quélard .
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« Tu montes, chéri ?
Non merci, madame. Je préfère éviter la syphilis qui donne de terribles éruptions cutanées et a tué des génies comme Maupassant ou Baudelaire. Je me réserve pour la malaria. »

Et puis, ce n'est pas du tout son genre à Léon, prude comme il est.
S'il est à St Nazaire, Léon, c'est dans le but d'embarquer pour la Guyane pas pour la gaudriole.
Une carrière de capitaine de Gendarmerie et un détour par la grande guerre ont forgé un homme qui sait se faire respecter et pour qui les valeurs humaines d'honnêteté, de droiture et de loyauté sont les références fondamentales.

Depuis son engagement dans l'armée coloniale pour échapper à un père alcoolique et brutal, Marcel, pauvre bougre ne subit que brimades et humiliations sans réel fondement. Il n'a que sa mère gravée dans le coeur et « Pas de chance » tatoué sur le torse.
Pour des broutilles de désobéissance, la sanction sera aussi exemplaire que l'on aime les exemples.
De mal en pis, tel de Charybde à Scylla, de Biribi à Cayenne, Marcel va subir des sévices inconcevables de sadisme et d'horreur autant par les gaffes que par les fagots eux-mêmes. (Comprenez les surveillants et les forçats).
Je m'interroge comment des hommes si endurcis soient-ils puissent endurer de tels supplices particulièrement bien traduits par un auteur parfaitement documenté ?

L'injustice est trop forte pour Léon qui sait le calvaire de Marcel et pour lequel il se sent quelque peu responsable…

Ce roman est un plaisir de lecture, au-delà de l'intrigue principale, Patrice Quélard me régale avec de truculents détails de l'après-guerre comme l'existence à St Nazaire d'un colossal stock de matériel de guerre que l'armée américaine nous a laissé et revendu à milliards exagérés. La France l'a si mal géré que la corruption l'a digéré. La plus grande gabegie de l'histoire.

Ce roman est aussi une dénonciation de l'injustice et des abus de toutes sortes qui règnent et qui régissent les bagnes de Cayenne et des iles du Salut et qui selon l'auteur est une honte pour la France. Albert Londres en sera avisé et écrira « Au Bagne » en 1923 et sera un des plus virulents lanceur d'alerte des ignominies et autres abjections de cette faune pervertie du directeur du bagne au dernier des porte-clefs. (Forçat privilégié, destiné à ouvrir et fermer les ferrures durant la nuit.)

J'ai également goûté à la découverte de cette Guyane méconnue qui me semble tellement inhospitalière avec sa jungle agressive, ses marais putrides et ses mangroves peuplés de myriades de moustiques, d'araignées et de serpents que sans être bagnard, j'aurai trop envie de m'évader.

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Pourquoi lire Les incorrigibles ? Parce qu'une thématique transversale et forte du roman est celle de la puissance des mots, de la parole, de la littérature, et que cela ne pouvait que me toucher.

➡️Au bagne, les évadés sont protégés par les autres s'ils s'acquittent d'un prix : « raconter ».⠀
➡️Quand Cognard essaye de sauver un voleur, c'est en se référant à Jean Valjean.⠀
➡️Et quand il rencontre une femme, tout se débloque quand elle trouve comment qualifier le silence entre eux : « Rien ne mettait Cognard plus mal à l'aise que les histoires sans paroles. Seul le verbe lui permettait de manoeuvrer, de tourner en dérision, de dédramatiser finalement, là où le silence le laissait désarmé. »⠀

Si vous êtes amateur de romans historiques, alors vous savez déjà qu'on peut faire confiance à Patrice Quélard pour ressusciter le passé, qu'il s'intéresse au Moyen-Age ou à la première guerre mondiale : quand il écrit un roman historique, on peut être certain que le cadre est impeccable et aussi fouillé que celui du Pierre Lemaître de Au revoir là-haut.⠀

Cette fois, il s'est appuyé sur une abondante documentation sur la Guyane et les bagnes, où se déroule l'essentiel de l'intrigue : notamment, Au bagne et L'homme qui s'évada (Adieu Cayenne) d'Albert Londres, qui avait rencontré lui-même plusieurs ex-bagnards dans les années 1920. Grâce à cela, il ressuscite littéralement les « incos », bagnards évadés plusieurs fois et emprisonnés dans le pire camp de Guyane.⠀

Mais c'est aussi un roman qui porte les valeurs humanistes de son auteur. Les termes dans lesquels son personnage prône l'éloignement d'une civilisation qui a basculé il y a un siècle dans « la mort industrielle » résonnent particulièrement au moment où sort le livre, évidemment. Tout comme résonne l'idée qu'en Guyane, il a certes trouvé l'inhumanité du bagne, mais aussi la possibilité d'un « réel bonheur […] dans l'osmose avec la nature préservée »...
Lien : https://www.20minutes.fr/art..
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Saint-Nazaire 1919 - Les troupes américaines quittent la France

Ce sont des patrouilles conjointes entre des policiers du commissariat et des MLP américains car le racolage s'adresse essentiellement à nos amis d'Outre-Atlantique. Pour les bons franchouillards, il y a les maisons closes mais les Ricains sont interdits de bordels depuis l'hiver dernier. Comme ça choquait la morale puritaine de leur commandement, ils ont d'abord essayé de les faire fermer mais le sous-préfet a refusé, arguant que c'était un "mal nécessaire". Et puis y en a trente, hein, avec les pénuries c'était pas le moment de mettre tous ces braves gens à la chôme, tu comprends! Bref, depuis que les boys n'ont plus le droit d'aller faire mumuse avec les officielles encartées qui sont quand même soumises à un minimum de surveillance sanitaire, le problème a été déplacé, et ça a attiré toute une faune interlope qui vient braconner jusque dans les endroits les plus inattendus comme tu peux le voir. Leurs officiers voulaient empêcher les Ricains de rentrer par la grande porte pour qu'ils n'attrapent pas la chaude-pisse, mais ils ressortent par la petite fenêtre avec la vérole.

page 98
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Jamais Léon n’y avait cru, jamais il n’y croirait. Pour lui, les paroles d’un alcoolique ne dépassaient jamais sa pensée. Jamais. Au contraire, l’alcool libérait par la parole ses opinions les plus intimes et les plus véridiques, quel que fût leur degré d’ignominie.
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Construisez des hôpitaux militaires, vous fermerez des écoles*. Bon sang, Victor se retournerait dans sa tombe s'il voyait ça! Quel progrès social la guerre!
* Référence à la phrase de Victor Hugo : Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons.
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La réputation de Charvein, surnommé «le camp de la mort», était telle que ceux qui revenaient d'un séjour là-bas étaient regardés par leurs pairs avec respect et considération. L'administration du bagne y envoyait ceux qu elle surnommait «les incorrigibles », et qui n'avaient pas tardé à s'approprier cette appellation non sans une certaine fierté peut-être - en utilisant le diminutif «incos». Cétaient les fortes têtes. Ceux qui s'étaient évadés plusieurs fois. Ceux qui refusaient de travailler, qui tenaient tëte aux matons. Ceux qui faisaient trop souvent du cachot, semi-obscurité et pain sec deux jours sur trois. On envovait les incos à Charvein pour les mater, les casser, les mettre au pas, les ramener à de meilleurs sentiments». Et s'en débarrasser, pourquoi pas, si possible définitivement . Après tout, le simple fait de les appeler "incorrigibles " n'était il pas l'aveu qu on avait perdu tout espoir, toutes envie ? De les amender?
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On présentait la guillotine à ces hommes damnés comme une menace suprême censée les paralyser d’horreur, eux la considéraient comme l’auréole des martyrs.
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Video de Patrice Quélard (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Patrice Quélard
Après avoir délibéré il y a quelques semaines, le jury du ✨"Prix du roman de la Gendarmerie Nationale​"✨ composé de gendarmes​, de personnalités du monde culturel et des Editions PLON, a récompensé Patrice Quélard pour son œuvre romanesque "Place aux immortels". Vidéo mise en ligne sur la chaîne YouTube de la Gendarmerie nationale.
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