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Correspondance (Léautaud) tome 1 sur 2

Marie Dormoy (Éditeur scientifique)
EAN : 9782264032263
662 pages
10-18 (07/06/2001)
4.42/5   6 notes
Résumé :
Recueillie par Marie Dormoy, le recueil contient la correspondance nourrie échangée par Paul Léautaud avec de nombreuses personnes - connues ou anonymes. Du directeur des chèques postaux à Jean Cocteau en passant par Paul Valéry ou Jean Paulhan, c'est presque quatre-vingts ans de la vie de Paul Léautaud qui défilent devant nos yeux.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Paul Léautaud est un écrivain, critique, pamphlétaire (collaborateur au Mercure de France pendant 45 ans où il est en charge de la réception des manuscrits) de moins en moins lu et pourtant je pense qu'il faut le lire pour son esprit singulier, pour revivre à travers ses écrits une grande partie de cette intense vie culturelle du début du XXe siècle et surtout pour trouver là une écriture limpide et juste. Son oeuvre la plus importante d'écrivain est certainement son « Journal littéraire », soit dans l'édition originale : 18 tomes plus un tome d'index (plus de 6 000 pages), journal qu'il a tenu chaque jour pendant plus de 60 ans.

« La correspondance », que je présente aujourd'hui, est un « petit complément » très intéressant : 1217 pages de lettres que Paul Léautaud a précieusement gardées de 1878 (né en 1872, il a alors 6 ans !) à 1956, année de sa mort. Et encore il n'y a pas ici les « Lettres à Marie Dormoy » qui font l'objet d'un tome supplémentaire. Marie Dormoy, l'écrivaine, muse, conservatrice de l'oeuvre de Léautaud comme le fut une autre Marie, Marie de Gournay, pour un auteur à l'esprit autrement plus solide, Michel de Montaigne... Une oeuvre imposante qui n'est pas sans évoquer les milliers de pages d'écrivains du XIXe siècle, je pense entre autres à George Sand et à Victor Hugo (aux caractères moins acides mais ayant également par leur énorme production rendu compte de leur époque). Parmi ses correspondants : Maurice Barrès, Paul Valéry, Pierre Louÿs, Henri de Régnier, Léon Blum, André Gide, Maurice Martin du Gard, Louis Aragon, Sacha Guitry, Alain Fournier, Guillaume Apollinaire, Louis Jouvet et des dizaines d'autres personnalités célèbres.

Quel individu singulier… Déjà garder toute cette masse de lettres…Et cette vie d'ermite… Mais un ermite observateur très impliqué dans le monde culturel. Il aimait la vie et détestait par bien des aspects les hommes. A-t-il eu besoin d'une revanche sur son enfance, sur une mère artiste aussitôt partie après sa naissance, sur un père souffleur à la comédie française qui ne s'occupe pas de lui ? Ecrire semble pour lui une manière de prouver qu'il existe. Outrancier parfois dans ses choix, provocateur, c'est un être sensible capable d'amitiés durables (André Billy a été l'ami de toujours) mais qui restera profondément seul toute sa vie. Revient sans cesse ce besoin de secourir et protéger les animaux, les sans voix et les sans défense. Peut-être s'est-il senti délaissé, sans personne pour le secourir, lui aussi, dans son enfance ?

Il aurait recueilli dans toute sa vie quelques 300 chats, 150 chiens, et même une guenon échappée d'on ne sait où, qu'il avait trouvée dans son jardin. Avec en moyenne 15 chats et 3 où 4 chiens à la fois ! Belle ménagerie qui l'a privé de tout confort matériel. Il faut bien dire que Paul Léautaud aime se mettre en scène, aime donner la leçon même s'il revendique l'humilité et aime être ce personnage marginal, vivant petitement dans sa solitude.

C'est une expérience (littéraire) unique que d'être ainsi avec lui pendant tant d'années, soixante dix huit ans exactement ! Il a un style, Paul Léautaud, un vrai grand style, sans fioritures…
« Je puis de plus vous assurer que mes travaux littéraires ne m'ont jamais fait négliger mon travail de bureau et que vous pourriez compter sur tout mon zèle à remplir les fonctions quelles qu'elles seraient que vous me confieriez.»
Quelles qu'elles seraient que vous me confieriez… où la musique simple et charmante, un mot qu'il emploie souvent. Même les lettres les plus banales, par ce talent d'écrire, sont de vrais joyaux. Comme j'aurais aimé pouvoir m'imprégner de cette musique tout au long de ces pages pour, peut être, dans mes phrases, en garder une toute petite parcelle.

Il y a des lettres émouvantes, quand il se raconte sa timidité, sa difficulté à être à l'aise au milieu des autres, tout ce qui fait qu'il se trouve « peu distrayant » (lettre à Paul Valéry du 3 janvier 1903). Il y a des lettres de l'homme éloquent telle celle du 26 août 1921 à Gaston Gallimard, un modèle de l'art de bien plaider sa cause. Il y a des lettres drôles et tragiques à la fois : lettres à Mme Cayssac qu'il commence par « ma chère amie », pour mieux l'aligner ensuite. Voici ce que dit très justement Henri Lhéritier : « Il y en a des tonnes des lettres de ce genre, de la mesquinerie, de la mauvaise foi, de la méchanceté, de la misanthropie, de la misogynie et beaucoup, beaucoup, beaucoup de littérature. ». Il y a aussi des lettres qui sont de vraies lettres d'amour même si l'incompréhension règne entre eux et, à cause de cela, sont bourrées d'ironie. D'autres d'une hargne insupportable, telle cette lettre du 25 juin 1932... Mais quel texte ! Je ne la cite pas, espérant donner envie d'emprunter ou d'acquérir ce livre.
D'autres lettres mettent mal à l'aise quand il fustige les résistants, mettant dans le même sac (au mieux ?) les nazis et ceux qui luttent arme à la main contre eux.
Cela n'empêche pas de temps à autre une clairvoyance mordante, une éclaircie soudaine dans un ciel bien sombre, par exemple quand il écrit au maire de Fontenay Aux Roses en 1948 (la guerre est alors terminée…) :
« J'ajouterai que la nouvelle du passé et la nouvelle menace dans lesquelles nous venons d'être mis du fait des américains, bien qu'elles ne soient que le pendant de l'après-guerre 1914-1918, ne me les rend pas sympathiques. Dans la guerre comme dans la paix, ils ne sont que des hommes d'affaires, (les leurs). L'aide qu'ils nous donnent, soyez tranquille, ils sauront en retirer de grands avantages. Nous n'avons vraiment rien de commun avec eux. »

Quant à tout comprendre à ses prises de position, quel sens cela peut-il avoir pour cette personnalité prônant la solitude et, en même temps, laissant autant de signes de sa présence au monde ? Anticonformiste, anarchiste, égotiste, provocateur génial ? Pour avoir une position claire, il aurait fallu qu'il se préoccupe des autres alors qu'il était surtout centré sur lui-même. Peut-être l'amertume d'une enfance gâchée l'empêche-t-elle de se mêler vraiment des affaires du monde autrement que par une ironie amusée et lointaine, à se préoccuper en priorité de ses chats et de ses chiens (attitude répandue à notre époque).
C'est un écrivain attachant malgré sa mesquinerie, sa mauvaise foi, sa misogynie, sa méchanceté souvent et un précieux témoin de son temps ! Un créneau qui est occupé encore actuellement... J'ai des noms. Et vous, des noms vous viennent-ils à l'esprit ?
******
N'hésitez pas à visiter mon blog car vous y trouverez des illustrations, notamment une chronique complémentaire à propos de cet auteur étonnant intitulée "Paul LEAUTAUD, Georges BRASSENS, Pierre PERRET, Marie DORMOY, une comédie humaine du dernier siècle !". Merci de m'avoir lu et belle journée !


Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Je re-relis la Correspondance de Léautaud. Toujours séduite par ce style incroyable, cette tenue et, en même temps, ce naturel. Il écrit comme on fait la conversation. Ce quelque chose de 'très français'. Banal de dire ça, mais c'est vrai. Il y avait un art, un genre de la correspondance – avant le téléphone, on écrivait pour un oui, pour un non – que les mails font revenir, peut-être.

Je suis d'avis que Léautaud a une des meilleures plumes françaises. Et ses saillies à mourir de rire, si fines, qui font mouche :

""Une revue faite en dehors de tout intérêt", disait-il. Je me suis retenu pour ne pas le complimenter sur cette si juste appréciation."

(…)
Lien : http://sohrawardi.blogspot.c..
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
J'ai pour les bêtes, toutes les bêtes, un coeur de concierge, et de vieille concierge. Si j'avais l'habitude des phrases poétiques, je dirais que je me sens le frère de ces vieilles femmes à cabas qui portent le soir à manger, aux grilles des jardins publics, aux chats sans patrons. Je ne donne jamais un centime aux pauvres, le spectacle des gens écrasés m'est indifférent, les gens qui pleurent aux enterrements me semblent très laids, et quand ma chère bien-aimée est malade, je vais me promener. Mais mon chat est le maître chez moi, mes fenêtres sont pleines de pain pour les oiseaux, je pars chaque matin avec des provisions de pain que je distribue à tous les moineaux de ma route, je donne du sucre aux chevaux de fiacre dont la misère finira par m'empêcher de sortir, j'achète de la viande aux chiens perdus que je rencontre, et si je m'écoutais, et si je le pouvais, ma maison serait pleine de bêtes, au lieu que j'y sois seul, car vous pouvez vous en douter, vous, un de ses oncles ! est bigrement loin d'être une bête. Que de cochers de fiacres j'ai dans mes relations, pour bavarder de temps en temps avec eux, et que de bonnes bêtes, dans mon quartier, qui me connaissent.
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... Mme Angèle m'a raconté qu'un aveugle à canne blanche, dans les couloirs du métro, faisait peine aux passants qui lui cédaient le pas et le regardaient avec tristesse. Soudain on le surprend qui, lunettes relevées, déchiffre un plan sur un mur. Ce n'était qu'un myope un peu poseur. Ceux qui le plaignaient, qui l'aidaient, se précipitent sur lui, le giflent, le houspillent. En somme, et tout compte fait, ils le punissaient d'y voir...
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Les actrices se croient généralement obligées, dès qu'elles jouent des personnages antiques ou mythologiques, de prendre des poses plastiques, hiératiques, de psalmodier comme des prêtresses. Elles veulent jouer aux vases grecs, et font les cruches.
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J’ajouterai que la nouvelle du passé et la nouvelle menace dans lesquelles nous venons d’être mis du fait des américains, bien qu’elles ne soient que le pendant de l’après-guerre 1914-1918, ne me les rend pas sympathiques. Dans la guerre comme dans la paix, ils ne sont que des hommes d’affaires, (les leurs). L’aide qu’ils nous donnent, soyez tranquille, ils sauront en retirer de grands avantages. Nous n’avons vraiment rien de commun avec eux.
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On m'a rapporté - ce n'est pas l'intéressé - que lors de la rupture, elle lui écrivit pour le consoler et lui remontrer qu'après tout il n'était pas à plaindre, ayant joui du "joli jardin de sa chair". Joli, si on veut, mais jardin, quand on la connaît ?... Une plate-bande, tout au plus.
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