AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782226476395
240 pages
Albin Michel (31/08/2022)
3.67/5   72 notes
Résumé :
L'amour ? Désormais c'est Tinder ! Le bureau ? En télétravail ! Un nouveau job ? Ce sont les algorithmes qui recrutent ! Les partis politiques ? C'est sur Twitter !
Au centre de ce nouveau monde : Homo Numericus, un être submergé de contradictions. Il veut tout contrôler, mais il est lui-même irrationnel et impulsif, poussé à des comportements addictifs par ces mêmes algorithmes qui surveillent les moindres détails de son existence.
Faut-il désespérer... >Voir plus
Que lire après Homo numericus : La civilisation qui vientVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
3,67

sur 72 notes
5
4 avis
4
3 avis
3
5 avis
2
1 avis
1
0 avis
Une fois n'est pas coutume : je sors de la littérature pour me tourner vers un essai (j'en lis quelque fois) avec un besoin d'essayer de comprendre « la civilisation qui vient ».

Daniel Cohen est reconnu pour ses capacités à décrypter l'économie et pour son talent de pédagogue.
En quelques chapitres très simples, et dans une première partie intitulée ""L'illusion numérique", il revient sur des notions fondamentales, comme un rappel nécessaire sur ce qu'est l'homme – un corps et un esprit – alors que le « capitalisme de surveillance » se déploie et que »l'anomie politique » nous guette.

Il fait appel à des éléments très concrets de notre vie de tous les jours, comme la référence à la série anglaise « Back Mirror » ou à des auteurs complémentaires, comme Michel Desmurget pour son livre « La Fabrique du crétin digital ».

« L'homme numérique (...) est à la fois solitaire et nostalgique, libéral et antisystème. Il est pris dans le piège d'une société réduite à l'agrégation d'individus voulant échapper à leur isolement en constituant des communautés fictives." nous explique-t-il.

« Les hommes vivent au-dessus de leurs moyens psychiques » dit aussi le psychanalyste Pierre Legendre dans son introduction.

Daniel Cohen réussit à nous présenter la situation très paradoxale dans laquelle nous baignons actuellement. « Décrire la révolution numérique n'est pas faire le récit d'un destin annoncé ou subi » - Ouf ! – « C'est en explorer les virtualités, en mesurer les risques, pour se donner les moyens de la dominer. Là est le véritable enjeu. » Oui, mais comment ?

Joli défi donc qui passe par le rappel qu'un homme est corps et esprit, contrairement à la machine. Il nous rappelle côté esprit notre différence avec les animaux, y compris les singes, en parlant par exemple de l'immense qualité qu'à l'homme de produire de la fiction.
On pense sur ce sujet par exemple au génial « L'espèce fabulatrice » de Nancy Huston - et à notre goût commun pour la littérature entre Babeliotes ...

Mais il nous rappelle aussi que nous sommes des émotions et de l'importance du ressenti, contrairement à la machine qui n'a ni corps, ni sentiment, ni imagination. Certes l'intelligence artificielle permet à une machine d'apprendre à apprendre, et elle peut battre un champion d'échec en multipliant l'évaluation de très nombreuses combinaisons en quelques instants. Mais ces machines n'atteindront jamais le nombre de synapses et de neurones qu'utilisent le cerveau humain. Que fait-on de tout cela ?

« Quoi qu'il en soit, la révolution numérique est en marche », nous rappelle-t-il, et on ne peut plus s'y opposer. Il cite également l'excellent Bruno Patino, dont il faut lire « La Civilisation du poisson rouge » et maintenant « Tempête dans le bocal », et explique les phénomènes d'addiction aux réseaux sociaux, et l'impact sur la capacité d'attention. Il parle de Facebook, bien sûr, dont on connaît maintenant le rôle toxique sur les cerveaux, mais aussi des ravages de Tinder côté sexualité.

Un chapitre complet est consacré au « capitalisme de surveillance », dont on pourrait croire naïvement être épargné, contrairement à la Chine ou à d'autres dictatures : pas du tout, nous y sommes nous aussi – un chapitre à méditer, tout celui parle de l' »anomie politique » et ce mouvement de fond qui balaie la société d'aujourd'hui (incapacité de réagir), alors que l'humain perd de plus en plus de valeur économique.

Quel que soit le secteur considéré, moins une firme emploie de personnels, plus elle réussit », nous explique l'économiste, ou comment Netflix ou Google peuvent doubler leur chiffre d'affaires sans personnel supplémentaires.
L'économiste Thomas Piketty l'a souvent répété : aux Etats-Unis le fléau des temps modernes est cette chute vertigineuse des revenus de la moitié inférieure de la population – qui ne pèse plus que 10% du revenu national, alors que les 1% les plus riches passent de 10 à 20 : les inégalités explosent. La France est en train d'emboiter le pas de ce grand mouvement, alors qu'on tombe dans une « anomie sociale », ou sentiment d'avoir perdu son appartenance à la société, de ne plus comprendre quel rôle on peut y jouer.

Sur le plan politique, cela a aussi des conséquences désastreuses, avec une « haine de la démocratie » qui monte dans bien des états. Au profit de la monté de la « Vox populi » ou, comme le dit Edgar Morin, « à la progression du manichéisme, des visions unilatérales, des haines et des mépris. »
Heureusement Daniel Cohen, une fois ce constat préoccupant posé, propose une seconde partie intitulée « le retour du réel ». Il rappelle quelques principes humains, comme ce chiffre de 150 personnes comme étant le noyau dur maximum de personnes avec qui on peut interagir – n'en déplaise à Facebook. Il parle aussi de la « réciprocité » qu'aucune machine ne pourra adopter.

Et l'auteur revient sur notre passé pour mieux décrire une société de type « Horizontal/laïque » vers laquelle nous nous dirigeons. Nous sommes dans une mentalité « Postmoderne » avec l'épuisement des grands mythes, l'incrédulité, la fin de la vérité, le savoir devenu marchandise et la culture triomphant définitivement de la nature.

Est-ce si vrai ? On peut en douter, et c'est ce que fera l'auteur dans les 50 dernières pages.

Il prône tout d'abord le retour à un certain « archaïsme », comme tout ce qui peut créer de la cohésion sociale : les partis, les syndicats, ou même les entreprises. Il aimerait que la société de contrôle contemporaine se penche sur la notion environnementale – l'environnement étant le grand absent de la réflexion sur la déferlante numérique. Il aimerait qu'un service d'agences de presse renforcées puisse certifier les sites d'information. Que les appels à la haine ou au meurtre soient dument punis par la loi. Qu'il y ait plus de démocratie numérique.

« Tout a été démocratisé, l'accès au savoir, à la culture… sauf la démocratie elle-même » dit très bien Gille Mentré. Un comble ! Et ce paradoxe encore relevé, qui fait que la société numérique « fait naître une aspiration à la discussion ouverte » (on pense aux mouvements défunts « Nuit debout ») « mais s'avère incapable d'organiser la confrontation nécessaire d'idées contraires. »

Pour conclure l'auteur nous annonce que « Winter is coming ».
La crise du COVID, la Guerre en Ukraine, et surtout les risques climatiques (de mon point de vue pas suffisamment mis en lumière par l'auteur, même s'il consacre un chapitre intitulé « L'horloge climatique ») nous amène à « l'ère des catastrophes ». Si nous n'y prenons garde, nous filons tout droit vers l'effondrement. Et nous sommes tous comme les acteurs du film « Don't look up » à se tenir dans un déni cosmique sans réagir.

Dans un monde où « cinquante concepteurs prennent des décisions pour 2 milliards de personnes », nous avons laissé filé notre liberté et se sommes livrés pieds et mains liés à un avenir dont nous ne voulons pas.

Que reste-t-il comme espoir ? Les femmes, et leur possibilité de choisir de concevoir, l'amour maternel, qui ne pourra jamais être reproduit, et des institutions qu'il faut sauver, comme celle l'université, la démocratie et enfin la capacité de l'homme à comprendre ce qui se passe - et ensuite à agir.

Un ouvrage nécessaire donc, pour trouver une voie qui nous permette d'accomplir l'utopie à laquelle la révolution numérique nous a fait rêver : celle d'un monde de liberté.

A nous de jouer.
Commenter  J’apprécie          3322
A lire les deux autres critiques favorables sur Babelio, je me dis que je n'ai sûrement rien compris et que mes maigres connaissances en économie ne m'ont pas permis de comprendre. Car j'ai trouvé cet essai terriblement fouillis et confus. Alors oui, il y a énormément de références, mais qui alourdissent le propos. Parfois, sur plusieurs pages, l'auteur ne s'exprime qu'à travers des références, d'ailleurs parfois douteuses, comme certains films ou séries. de Levi-Strauss à Game of throne en passant par Proust, on a parfois du mal à saisir où l'auteur veut en venir, même si on comprend bien qu'il parle de l'aspect négatif du numérique sur les sociétés humaines. Oui, les jeunes générations ont beaucoup de mal à rester dans le réel. J'ai parfois l'impression d'être un égaré du XXe siècle lorsque je vois les gens au travail ou dans la rue avec leurs écouteurs greffé sur les oreilles et leur téléphone prolongeant leur main comme une prothèse. Mais je me plais à cultiver cette différence dans la mesure du possible, pour rester en contact avec la vie réelle. Alors je partage effectivement le questionnement et la mise en garde de Daniel Cohen à propos de la civilisation du numérique qui ne va d'ailleurs que s'intensifier, quoi qu'on fasse, et accroître la déshumanisation déjà à l'oeuvre.
Commenter  J’apprécie          312
A la vitesse ou les algorithmes nous fabriquent, Economistes, politiques, journalistes, écrivains, que savent ils?..Sauf a travailler pour les services de l'état écrire un livre de propagande à destination des inquiets?... Ils ne savent rien de rien..
Qui peut dire à ce jour a quoi ressemblera la société dans moins de 10 ans à part les informaticiens Googoliens et autres qui s'activent dans les couloirs du temps très court qui reste a l'humanité archaique?... Hé oui, voici le nouveau Dieu qui sait déjà tout de nous. Un Dieu qui a imposé sa puissance sans guerre ni aucune difficultés, en quelques années avec la complicité des idiots "modernes", lesquels en attendant d'être implantés n'ont plus qu'une crainte.. Perdre leur téléphone.... – oui tu, tu comprends ?...me disait une amie récemment, faut absolument que je le retrouve parce que toute ma vie est là dedans...
Terrifiant?... Vous croyez?.. Les humains volontairement serviles depuis l'origine seront sans doute heureux de l'abondance, des conforts et services nouveaux , bref satisfaits d'une vie de zombie ou un Dieu les protège 24/24, de toutes tentations d'appartenance à un quelconque groupe "d'opposition" car les derniers "rebelles" n'auront que quelques heures avant l'isolement numérique, et la chute finale....
Allez?..Haut les coeurs!.. On chante les potes?.. C'est la chuuuute finaaaaale.....Meilleur Dieu à tous . Pour nous les vieux, la fin du film est proche....Pouah!..Quel lâche je fais, mais bon, Google le sait déjà........ Ahahaha...
Commenter  J’apprécie          183
J'ai souvent aimé entendre Daniel Cohen, particulièrement lors des émissions animées par Karim Rissouli et Thomas Snégaroff et c'est donc avec un grand intérêt que je m'engageais dans la lecture de son dernier et ultime ouvrage.
Mais j'ai assez rapidement déchanté tant l'auteur a quelques difficultés à rester concentré sur son propos. C'est du moins l'impression qui fut la mienne. On y aborde à mon avis trop de sujets pour illustrer le délitement social, la dématérialisation des relations humaines tout comme les prouesses de l'intelligence artificielle. On y aborde les gilets jaunes, le Covid, l'amour selon Tinder, les nouveaux ghettos numériques, le déficit de concentration de nos ados, l'homophobie, la xénophobie, la politique des USA, les conduites addictives et j'en passe.

Notre économiste en chef nous fait tantôt du Jean Viard, tantôt du Serge Tisseron ou du Edgar Morin selon le sujet abordé et bien souvent j'ai eu le sentiment qu'il enfonçait quelques portes ouvertes : particulièrement sur le rapport compulsif aux nouvelles technologies, le néotribalisme ou culture de l'entre soi et la perte d'influence de l'entreprise, du parti politique ou du syndicat.

Tu n'étais pas très optimiste sur la civilisation qui vient comme on aurait pu s'en douter.
Allez, ça va pour cette fois Daniel. Repose en paix.

Challenge Multi-Défis 2024.
Commenter  J’apprécie          120
On prête parfois un défaut à ce genre d'essais. Il suffirait d'en lire l'introduction, la conclusion, le reste en diagonale, pour en avoir fait le tour. Deux ou trois idées-force les sous-tendraient, que leurs auteurs délaieraient de manière plus ou moins habile pour boucler les 250 pages de rigueur. Fait aggravant : ces auteurs, le plus souvent connus et interviewés en conséquence dans les médias, y révèleraient tout. Alors à quoi bon les lire si l'affaire est entendue ?

Daniel Cohen a entamé cette série qui mêle économie, philosophie, anthropologie, littérature, cinéma (liste non limitative) en 2009 avec la Prospérité du vice. Homo numericus est le cinquième opus, et il est passionnant comme l'étaient ses précédents.

Daniel Cohen a des qualités de tout premier ordre : il embrasse large, il voit loin devant parce qu'il voit loin derrière et parce qu'il voit loin autour, il lit et observe beaucoup, il vulgarise sans simplifier et tel Baudelaire établit, sur presque tout, des correspondances originales, piquantes, vraies - car il y a aussi ceci qui emporte l'affaire : il vous rend intelligent.

On peut ne pas être d'accord avec toutes les analyses et les prédictions de Daniel Cohen (il en formule peu d'ailleurs, se contentant le plus souvent de tracer des possibles) mais il faut reconnaître qu'à chaque page il est stimulant, tour à tour rassurant et inquiétant - comme l'est Yuval Noah Harari, auquel il pourrait être comparé, un Harari avec un peu de Daniel Sibony dedans.

À lire absolument.
Commenter  J’apprécie          90

Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Le paradoxe central du monde contemporain, peut ainsi se résumer de la manière suivante. L’entre-soi règne, accomplissant de manière étroite la promesse d’horizontalité qui se cherchait dans les années soixante. Ce faisant, les inégalités explosent, aucune force de rappel ne liant plus les couches sociales comme le faisaient hier les grandes entreprises industrielles. Dans le domaine des mentalités, une boucle perverse se met en œuvre entre la ghettoïsation de la société et la méfiance générale à l’égard d’autrui. Celle-ci n’est pas directement causée par les réseaux sociaux : elle est le résultat de forces lourdes qui ont commencé à se mettre en œuvre bien avant qu’ils n’apparaissent. Mais loin de créer des ponts entre les communautés, ils donnent un écho assourdissant à la méfiance publique, poussant à l’extrême l’incommunicabilité des différents groupes sociaux.
Commenter  J’apprécie          80
La haine de la démocratie

La violence nouvelle de chaque camp politique à l'égard de l'autre est également la marque d'un profond déclin de l'idéal démocratique. À la question : « La démocratie est-elle le meilleur des systèmes ou un autre système pourrait-il être aussi bon que la démocratie ? », plus d'un Français sur trois considère qu'un autre système pourrait être aussi bon. Le jugement des électeurs sur leurs représentants est cruel : pour 87% des citoyens européens et 88% des citoyens américains, « la plupart des responsables politiques défendent surtout leurs intérêts et ne se préoccupent pas des gens comme moi ». En termes de taux de confiance, les hôpitaux et les PME sont à 75%, le Parlement à 35 % et les partis politiques à 15% ! Les responsables politiques sont considérés comme corrompus par 77 % des citoyens européens, avec un record à 91% en Hongrie et en Pologne, et par 79% des Américains. La radicalisation de la vie politique se retrouve dans une abstention grandissante et un vote jamais atteint pour les partis les plus radicaux.
Commenter  J’apprécie          20
Les croyances n'aident pas à interpréter le monde, elles aident à y vivre. Je suis heureux de croire au Père Noël, c'est une idée réconfortante, et cela me chagrine d'apprendre qu'il n'existe pas. Aussi longtemps que je le pourrai, je chasserai la mauvaise nouvelle. Les gens traitent de manière totalement asymétrique les bonnes et les mauvaises nouvelles : ils écartent les mauvaises et se concentrent sur les bonnes.
Commenter  J’apprécie          60
C'est contre la double dissolution numérique du rapport à autrui et au monde réel qu'il faut lutter. C'est avec les vivants et sur cette planète qu'il faut accepter de vivre.
Commenter  J’apprécie          150
Une autre expérience renforce cette conclusion. Des enseignants ont essayé d'apprendre le mandarin à des bébés américains âgés de 9 mois. Comme dans l'expérience (involontaire) de Ferrari, les bébés ont été éduqués pour les uns par un être humain, pour les autres par une vidéo du même professeur, enseignant exactement les mêmes choses. Résultat : l'éducation par vidéo s'est révélée totalement stérile. Il manque entre la vidéo et l'enfant ce lien imperceptible et décisif qui conduit l'enseignant à s'interrompre lorsque l'enfant cligne des yeux, à moduler sa voix face à l'émotion qu'il décèle chez l'élève. La vidéo ne s'adapte pas aux messages émotionnels qu'envoie le bébé, et probablement, la réciproque devient vraie aussi : le bébé comprenant que la vidéo est insensible à ses propres émotions se désintéresse de celle-ci.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Daniel Cohen (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Daniel Cohen
« Homo numericus » de Daniel Cohen lu par Cyril Romoli et Marie-Eve Dufresne l Livre audio
autres livres classés : économieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (212) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
852 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..