Aujourd'hui j'ai le grand honneur de vous parler d'un manga qui a changé l'Histoire du Manga, et plus encore…
https://www.youtube.com/watch?v=iR3EPigmdJY
"La Rose de Versailles" / "Lady Oscar" est plus qu'un shojo pionnier et référence, c'est une oeuvre culte qui grâce à son adaptation animée est entrée dans l'éternité ! (je vous dis ça, pourtant je n'aime pas le shojo hein ^^) Et puis osons le dire : avec "Versailles no Bara",
Riyoko Ikeda a plus fait pour la promotion et le rayonnement de la culture française dans le monde que tout ce qu'a pu faire en 40 ans le Ministère de la Culture français… Faut-il en rire ou en pleurer ???
Je suis obligé de contextualiser un peu pour expliquer l'ampleur du phénomène…
En 1968 année révolutionnaire s'il en est ^^, le manga Ashita ni Joe met le gouvernement dans l'embarras en lui mettant le nez dans son caca. Pour avoir la paix, les autorités décident de mettre fin aux mangas traitant de sujets sociaux… Pas de bol car les gekidas renaissent aussitôt sous l'étiquette seinen, et
Go Nagai qui a des comptes à régler avec le Japon bien-pensant et coincé du cul cartonne avec ses shonens antisociaux. Mais ouf, on peut toujours compter sur les shojos et leurs inoffensives romances à l'eau pour calmer le jeu parmi le lectorat féminin… Oui mais non,
Riyoko Ikeda révolutionne le genre et crée un phénomène de société avec sa saga consacrée à la Révolution Française ! Mort de Rire ^^
Riyoko Ikeda appartient au « Groupe de l'An 24 », avec
Moto Hagio, Keiko Takemiya, Ryōko Yamagishi, Yumiko Ōshima,
Yumiko Igarashi, auxquelles on peut facilement rajouter Chieko Hosokawa et
Machiko Satonaka…
Ces auteures s'emparent du genre shojo qui à leur époque était encore largement écrit par des hommes (mais n'accablons pas
Shotaro Ishinomori qui faire émerger des héroïnes fustigeant le rôle de femme au foyer, de Leiji Mastumoto qui transforme ses sylphides tantôt en déesses tantôt ou en démones, ou
Buichi Terasawa qui transforme ses bimbos en détresse en bimbos strong independant women ^^), et lui offrent de nouveaux thèmes et de nouveaux codes tant graphiques que scénaristiques.
Le manga paru en 1971-1972 dans le magazine Margaret raconte initialement l'histoire de la reine du rococo
Marie-Antoinette en s'inspirant de la biographie (hagiographie ?) du romancier autrichien
Stefan Sweig. le triangle amoureux formé avec Oscar et Fersen reprend tout les codes de l'amour courtois donc on se croirait dans une chanson de geste avec les alter egos d'Arthur, Guenièvre, Lancelot et Hélène. Mais peu à peu l'histoire se recentre sur Oscar qui devient la véritable héroïne du drame. La sixième fille d'un général est élevée en homme pour assurer les obligations d'une vieille famille aristocratique, et on part de "Princesse Saphir" d'Ozamu
Tezuka pour mélanger le mystérieux
Chevalier d'Eon agent spécial de Louis XV et le Chevalier de Jarjayes fidèle d'entres les fidèles de la dynastie Bourbon. Et puis dès le départ elle fait aussi la part belle à l'héritage de
Victor Hugo et
Emile Zola avec les soeurs Jeanne et Rosalie, la brune qui n'est qu'ambition et perfidie et la blonde qui n'est qu'altruisme et modestie…
Oui cela reste girly avec des personnages kawaii aux yeux de gobis, des trames étoilées ou enflorées, tout plein d'étranges émois, des sentiments exacerbés, des amours enflammées, des belles gosses et des beaux gosses en veux-tu en voilà, et les connaisseurs de l'anime seront surpris par les partis pris humoristiques rendant hommages aux gimmicks cartoonesques des 1950/1960 (j'avoue que j'ai bien ri aux crêpages de chignon des chipies, aux bouffées délirantes du Cardinal de Rohan ou aux raclées que grand-mère fout à André ^^)… Mais à l'aube du féminisme on nous offre un formidable portait de femme, et à l'aube de la démocratisation on nous offre le formidable portrait d'une aristocrate patriote qui fait le choix de défendre l'avenir de son pays plutôt que son passé. Femme passionnée, Oscar de Jarjayes ira jusqu'au bout de ses convictions tant dans sa vie privée que dans sa vie publique… Puisque chacun et chacune d'entre vous est allé à l'école autant vous dire que ça ne se finit pas bien, mais alors là pas bien du tout ! (et oui, encore un série sponsorisée par les mouchoirs kleenex…) Finalement, seule une poignée de personnages échappent à la guillotine pour participer à la suite intitulée "Eroica" dont bordel de merde on attend toujours la traduction dans la langue de molière !!!
Graphiquement les auteures du « Groupe de l'An 24 » étaient très proches les unes des autres. Reprise d'un style antérieure, émergence d'un style dominant, auteures influencées les unes par les autres, auteures ayant consciemment ou inconsciemment élaboré un style communément… Impossible de trancher, mais ceux qui écrivent « oh, c'est juste repompé sur Candy » me paraissent quand même assez incultes… Toujours est-il que ce style a été déterminant pour tous les grands charadesigners de l'âge d'or de la japanime et ce n'est dans doute pas un hasard si Michi Himeno a été infidèle à
Shingo Araki en travaillant en solo sous la direction d'Osamu Dezaki à l'adaptation animée de ce manga culte…
Ce qui distingue l'auteure de ses consoeurs, c'est la manière dont elle modernise énormément ses graphismes en très peu de temps : quand les choses s'animent on passe volontiers du découpage rectiligne au découpage oblique, pour les souligner les moments les plus intenses les innovations se multiplient et quand la passion l'emporte sur la raison les planches pètent la classe de ouf comme chez
Shotaro Ishinomori et
Go Nagai… J'imagine facilement que l'auteur de "Devilman" lui a rendu la pareille avec son récit court "La Sinistre Reine de Versailles"… ^^
Difficile de savoir pourquoi
Riyoko Ikeda est ensuite passée d'un charadesign foncièrement féminin (qui sera repris par la plupart des auteurs des années 1970/1980, à commencer par
Masami Kurumada pourtant inconditionnel des shonens virilistes ^^) à un charadesign foncièrement masculin. Les autres oeuvres de l'auteure n'ont pas été éditées en France, mais en cherchant un petit peu on s'aperçoit qu'elle pose les bases du style de
Kaori Yuki avant
Kaori Yuki ("Angel Sanctuary"), et les bases du style de
Fuyumi Soryo avant
Fuyumi Soryo ("Cesare").
Chapitre 6 : "Le Feu brûlant de la révolution"
La France s'enfonce dans la crise financière et économique, et face aux versatilités dépensières de la cours le brave Necker ne peut rien faire malgré le soutien du peuple… Oscar éprouve toujours moult difficultés à commander ses gardes français, alors que le Général de Jarjayes change son fusil d'épaule en voulant que sa fille quitte l'armée pour se marier (ce revirement sera expliqué ultérieurement) : le premier de ses prétendants est son ancien lieutenant de la Garde Royale, le beau-gosse Vincent Clément de Girodelle. Au grand bal donné en son honneur, Oscar crée le scandale et c'est la foire d'empoigne entre les prétendants d'Oscar et les fangirls d'Oscar… Et dans un moment d'égarement, André tente de rejouer le dénouement de Roméo et Juliette mais le drame est évité de justesse…
Girodelle n'est pas dupe, et comme il aime sincèrement l'héroïne à la blonde chevelure il accepte de se retirer car il sent bien qu'Oscar ne fera jamais rien qui fera du mal à son André… Et pour Oscar c'est une révélation sur le chemin de Damas
La tension monte dans toute la France : la team Oscar est prise à parti par des émeutiers et échappe au lynchage grâce à l'intervention de Fersen, le gouvernement complètement dans l'impasse est obligé de convoquer les Etats Généraux, le Dauphin atteint de tuberculose osseuse sait que ses jours sont désormais comptés et organise et sollicite un tête-à-tête avec Oscar pour lui demander un baiser (remember François Ier et Diane de Poitiers ^^)… En d'autres circonstances Oscar aurait pu devenir Reine de France !
Une phase du récit essentiellement centré sur les différences de rang, et qui fait la part belle la "La Nouvelle Héloïse" de Jean-Jacques Rousseau.
Chapitre 7 : "La Belle promesse d'amour"
Alors que la France retient son souffle, le drame frappe la team Oscar… Trahie et abandonnée par son fiancé pour de sombres mobiles financiers, la jeune Diane s'est suicidée, sa mère a sombré dans la folie et son frère Alain de Soissons se laisse mourir d'inanition… Et il faut des trésors de persuasion pour inciter ce dernier à ne pas commettre son tour l'irréparable
4 mais 1789 : les députés du Tiers-Etat suscite l'admiration, les députés de la noblesse suscite l'indifférence ; le roi est acclamée, la reine est humiliée… le chagrin s'abat sur la France avec la mort du Dauphin, enfant innocent par le destin frappé durement, et l'Autrichienne qui a dépensé des millions et des millions en robes et en bijoux n'a plus d'argent pour organiser son enterrement !
Les débats sont vifs, et comme les politicards de Versailles misent très largement sur le pourrissement de la situation, quittes à mettre la main à la pâte en multipliant brimades et humiliation contre ceux qui ne pensent pas comme eux (refrain connu)… Mais après le Serment du Jeu de Paume, les députés du Tiers-Etat haussent le ton : « nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la forces des baïonnettes ! »
Le ton monte : Oscar va jusqu'au clash avec son père, Oscar dit ses quatre vérité à l'Autrichienne, Oscar doit s'interposer entre La Fayette et Girodelle pour éviter un bain sang, Oscar doit faire intervenir Camille Desmoulins pour faire libérer les hommes d'Alain de Soissons accuser de trahison pour avoir refuser d'obéir à des ordres iniques… (ça et la rencontre avec un dénommé Bonaparte au regard d'aigle, et avec Saint-Just, son alter ego du Côté Obscur de la Force ^^)
Et alors que des troupes montent de tout la France vers la capitale, Oscar et André s'avouent enfin leurs sentiments !!!
Chapitre 8 : "Le Destin qu'on s'est choisi" (ATTENTION SPOILERS !!!)
Oscar et André consomment leur amour sans modération, mais tandis que la première est gagnée par la maladie le deuxième est gagné par la cécité (refrain connu des amants maudits).
Le gouvernement ordonne au Royal Allemand de mater Paris à n'importe quel prix, mais les gardes françaises s'interposent entre le peuple et les mercenaires tant qu'André s'interpose entre Oscar et l'ennemi au péril de son vie…
Dévastée, Oscar devient Colère : elle rejoint le peuple puis mène l'assaut parmi les assaillants de la Bastille dans l'espoir de rejoindre au plus-vite André malgré les efforts d'Alain de Soissons qui voulait réaliser le même sacrifice que son rival… Nous sommes le 14 juillet 1789…
ça y est, vous pouvez aller chercher une boîte de mouchoirs kleenex ^^
Chapitre 9 : "Auprès de Dieu" (attention spoilers si vous n'avez jamais été à l'école…)
C'est une révolte ? Non, c'est la Révolution !
Abolition des privilèges, Déclaration du Droit de l'Homme et du Citoyen, rapatriement de la famille royale à Paris, ascension du Club des Jacobins, drapeau tricolore, Marseillaise, Liberté, Egalité, Fraternité…
Les rats aristocrates quittent le navire et nous suivons le chant du cygne de la dynastie Bourbon, avec la complicité silencieuse de tous les monarques européens, trop contents de voir ainsi affaiblie la première puissance de l'époque (les crevards ne perdent rien pour attendre : Napoléon est coming ! ^^), et la tragique descente aux enfers de Marie Antoinette (normal, vu qu'au départ la saga "Versailles no Bara" lui était dédiée ^^)…
Nous sommes donc presque dans les chroniques du passage de l'ère des rois à l'ère des peuples, et on attend presque une saison 2 tellement on insiste sur les destins à venir des grandes figures de la République voire de l'Empire. Mais la part belle est faite aux derniers loyalistes menés par Fersen et le Général de Jarjayes, qui tentent de protéger les membres de la famille royale (parfois y compris d'eux-mêmes), la mangaka a décidant de donner à la fuite de Varennes tous les accents d'une tragédie antique…
Le mot de la fin ? Fou de chagrin le chevalier blanc Hans Axel von Fersen bascule du Côté Obscur de la Force avant d'être à son tour emporté par la tourmente révolutionnaire…
Vous pouvez aller cherchez une 2e boîte de mouchoirs kleenex ^^
Chapitre 10 : "La Comtesse en noir" (histoire annexe)
L'auteure a choisi que continuer à faire vivre la saga d'Oscar et André par des récits courts se situant entre le début de l'Affaire Masque Noire et le retour de Fersen des Amériques, et ici on transpose les crimes de la monstrueuse hongroise
Elisabeth Bathory dans la campagne française…
On se retrouve donc avec un très plaisant récit gothique entre enquête, fantastique et cape et épée, mais il ne faut pas en être surpris car les deux thèmes de prédilection du Groupe de l'An 24 c'est l'Histoire et l'Horreur ! ^^
C'est aussi l'introduction de l'espiègle et potentiellement horripilante nièce d'Oscar dénommée Loulou de la Rolancy, mais j'en reparlerai pour le tome 3
PS: dans cette 2e intégrale, les graphismes évoluent déjà du shojo au josei, et dégagent un esprit sixties/seventies très agréable, limite disco-funk avec Oscar et André très fashion en chemises col pelle à tarte et pantalons patte d'eph (John Travolta aurait débarque de "La Fièvre du samedi soir", je n'aurais guère été surpris ^^)
Challenge Pavés 2016-2017 2/3