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EAN : 9782251200378
384 pages
Les Belles Lettres (13/06/2013)
3.92/5   12 notes
Résumé :
Après Les Somnambules et Le Cri d'Archimède, ce livre d'Arthur Koestler achève sa puissante trilogie «Génie et folie de l'homme.»
Dans les deux premiers, il s'agissait des découvertes scientifiques, de l'art, de l'inspiration — tout ce qui fait la grandeur de l'homme. Le troisième, au contraire, comprend un examen des misères de l’individu, plus précisément de la pathologie mentale. La cruauté et la démence caractérisent notre espèce depuis ses origines : il ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je crois n'avoir jamais lu, parmi toutes mes lectures universitaires, professionnelles, de recherche ou de loisir, d'opus aussi ambitieux. de surcroît, cet essai – dont le titre français : « Le Cheval dans la locomotive » me paraît très insatisfaisant, voire prêtant à confusion grave – constitue le dernier tome d'un triptyque dont le premier, The Sleepwalkers, était consacré à l'épistémologie de la découverte scientifique et le deuxième, The Art of Creation, à l'inspiration artistique, soit aux deux pinacles des réalisations humaines. Ce « Spectre dans la Machine », par contre, est présenté par l'éditeur et sans doute répondait au départ à l'intention de se pencher sur le côté obscur du génie humain, sur sa folie destructrice et auto-destructrice, l'homme étant, à l'exception du rat et d'un nombre infime de familles de fourmis, le seul animal pratiquant la lutte intra-spécifique. Mais, en réalité, cette problématique, qui découle avec une rigueur impeccable d'une démonstration extrêmement complexe et touffue sur les 15 chapitres précédents, n'est traitée que dans la troisième partie de l'ouvrage ; en particulier, elle n'est énoncée, dans la façon très suggestive suivante, qu'en ouverture de l'ante-pénultième chapitre :

« Let me recapitulate : when one contemplates the streak of insanity running through human history, it appears highly probable that homo sapiens is a biological freak, the result of some remarkable mistake in its evolutionary process. The ancient doctrine of original sin, variants of which occur independently in the mythologies of diverse cultures, could be a reflection of man's awareness of his own inadequacy, of the intuitive hunch that somewhere along the line of his ascent something has gone wrong. » (p. 267)

Par conséquent, ce livre doit être considéré comme l'exposé d'une théorie générale de l'ontologie du vivant, synthèse philosophique et scientifique qui entend s'appliquer aussi bien au niveau de la cellule et de l'organisme, qu'à celui de l'individu et de la société, que – par analogie – à celui du phonème et de la langue, se voulant valable autant pour le psychisme individuel et la psychologie de la masse que pour l'évolution cérébrale, aussi bien dans sa phylogenèse (évolution de l'espèce) que dans son ontogenèse (développement du corps). Pour tenter de décider si cette théorie générale, qui m'a fait penser, en beaucoup plus intéressant, lisible et argumenté, à celle de Ludwig von Bertalanffy (utilisée notamment en biologie, en sociologie théorique et en cybernétique), est à la hauteur de ses colossales ambitions, il faut la situer honnêtement au moment de son élaboration, en 1966 : le monde académique anglo-saxon était dominé par le behaviourisme, dont tout le monde s'accorde aujourd'hui à le qualifier de réductionniste ; le darwinisme, en particulier l'évolutionnisme stochastique, n'avait pas encore été corroboré par l'interprétation déterminante de Richard Dawkins – on dirait que l'Horloger aveugle, jusques et y compris dans son titre, est une réponse au présent essai ; et enfin la psychanalyse de Freud n'avait pas encore été soumise à cette formidable exégèse, entre autres par Lacan en France, qui l'a renforcée grandement depuis. Autre emprise de son temps sur l'ouvrage : les inquiétudes démographiques et la panique de la course aux armements nucléaires en pleine Guerre froide, qui aujourd'hui ont perdu de leur actualité. de nos jours, où la figure même et le statut de l'intellectuel ont changé au point que je ne saurais penser à un équivalent d'Arthur Koestler pour ses contemporains, où le taux de publication scientifique, comme ce livre l'anticipait déjà, est incomparable à toute époque de l'histoire de l'humanité, où la prétention non seulement encyclopédiste mais aussi de spécialisation absolue dans quelque domaine que ce soit, aussi restreint soit-il, est douteuse, l'ambition de provoquer, seul, un changement de paradigme est complètement obsolète. Peut-être ce triptyque, et ce livre-ci en particulier, à l'instar du grand'oeuvre d'Edgar Morin, en est-il l'une des dernière tentatives.

La théorie s'articule en trois parties : « L'ordre », « Le devenir », « Le désordre ».
L'ordre. Tout système se fonde sur une « hiérarchie ouverte » ou à régression infinie. Toute partie de cette hiérarchie, dite un « holon », possède deux faces, tel Janus (« Janus Principle ») : l'une dirigée vers le niveau inférieur, l'autre vers le supérieur. le terme de holon « peut s'appliquer à tout sous-ensemble biologique et social stable, montrant un comportement gouverné par des règles et/ou une constance structurale gestaltique ». L'individu en société est typiquement un holon ; le mot dans la phrase aussi ; l'organe dans l'organisme de même. La communication de l'information entre niveaux s'opère entre déclencheurs (« triggers ») et filtres. La prise de décision du holon, compte tenu des mécanismes de rétroaction (« feedback ») et d'homéostasie, selon des règles et des stratégies, a lieu par une alternance d'habitudes et d'improvisation. le holon possède une tendance double : vers l'intégration d'une part (dynamique vers l'ensemble de niveau supérieur), et d'auto-affirmation (« self-assertion ») d'autre part (affirmation de son individualité propre, tel un ensemble quasi autonome). La tendance à l'intégration dans le vivant fonctionne à l'inverse de la Deuxième loi de la thermodynamique de Schrödinger : l'évolution tend à développer spontanément des états de plus grande hétérogénéité et complexité (entropie négative). Corollaire en psychologie : la tendance à l'auto-affirmation, notamment en condition de stress, se manifeste à travers des émotions agressives-défensives ; la tendance à l'intégration se manifeste à travers des émotions de transcendance de soi : participatives, identificatives, etc.
Le devenir. L'évolution est ici considérée en parallèle en tant que développement de l'embryon et évolution des espèces. le hasard du « vétéro-darwinisme » est remplacé par une certaine part de lamarckisme. Les chapitres IX à XII me semblent peu intéressants et peuvent être survolés pour peu qu'on soit familier de l'évolutionnisme tel qu'on le comprend aujourd'hui. Par contre le ch. XIII, « The Glory of Man », se penche sur les émotions, et dégage, des deux tendances du holon, trois types de réactions, selon la nature de la stimulation (« nature of drive »), la tonalité hédonique (« hedonic tone ») et la polarité entre les deux tendances (« self-assertive vs. self-transcending ») : « the AH Reaction » - la surprise, « the AHA Reaction » - la compréhension, et « the HAHA Reaction » - le rire. La partie II se clôt par le chapitre éponyme du livre, qui anticipe sur la thèse que le dysfonctionnement du système se produit lorsqu'il y a déséquilibre durable entre les tendances à l'auto-affirmation et à l'intégration du holon.
Le désordre. Ch. XV, « The Predicament of man » : Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les plus grandes catastrophes ne proviennent pas d'une hypertrophie de la tendance à l'auto-affirmation, mais bien de l'inverse.
« […] most historians would agree that the part played by impulses of selfish, individual aggression in the holocausts of history was small; first and foremost, the slaughter was meant as an offering to the gods, to king and country, or the future happiness of mankind. The crimes of a Caligula shrink to insignificance compared to the havoc wrought by Torquemada. The number of victims of robbers, highwaymen, rapers, gangsters and other criminals at any period of history is negligeable compared to the massive numbers of those cheerfully slain in the name of the true religion, just policy, or correct ideology. » (p. 234).
L'urgence de la transcendance de soi doit être sublimée et canalisée (termes freudiens), mais la forme la plus commune de l'intégration, la plus infantile, dangereuse et nuisible aussi, c'est « l'identification » :
« One way of achieving this [self-transcendence] was through the transformation of magic into art and science. This made it possible for the happy few to achieve it on a higher turn of the spiral, by the sublime expansion of awareness which Freud called the oceanic feeling, which Maslow calls 'the peak experience', and which I called the AH-reaction. But only a minority qualifies for it. For the others, there are only a few traditional outlets open to transcend the rigid boundaries of the ego. Historically speaking, for the vast majority of mankind, the only answer to its integrative cravings, its longing to belong and to find meaning in existence, was identification with tribe, caste, nation, church or party – with a social holon. » (p. 242)
Deux autres points cruciaux pour la sociologie et la psychologie sociale sont développés dans ce chapitre : puisque l'identification entraîne une capitulation partielle de la responsabilité individuelle et induit des phénomènes quasi hypnotiques de psychologie de groupe, l'égotisme du holon social se nourrit de l'altruisme de ses membres. Deuxièmement, l'identification est parente, dans la pensée, du croire, l'auto-affirmation, du raisonner. Ce parallèle sera crucial ensuite.
Le Ch. XVI, « The Three Brains » revient à la biologie évolutive du cerveau. Après un saisissant interlude sur le développement nerveux des arthropodes (et la raison physiologique de ses limites), système nerveux situé aux deux extrêmes du corps où sont opportunément placés les deux orifices d'alimentation et d'excrétion-reproduction (sa fonction initiale étant précisément de contrôler alternativement l'ouverture et la fermeture de l'un et de l'autre), les travaux de MacLean sont abondamment utilisés sur l'évolution des cerveaux tripartites des amphibiens, reptiles, mammifères inférieurs et supérieurs. La notion de « schizo-physiologie » est avancée chez l'homme dans sa propre tripartition cérébrale, et l'on comprend que ce concept va être adapté à la théorie du holon (niveaux hiérarchiques) d'une manière qui donne une base physiologique à la tripartition quasi équivalente de Freud (ça-moi-surmoi), et va fournir également une justification physiologique des déséquilibres entre les deux tendances des holons. Revenons maintenant au parallèle avec le croire et le raisonner :
« Irrational beliefs are anchored in emotion ; they are felt to be true. Believing has been described as 'knowing with one's viscera'. More correctly we should say that it is a type of knowing which is dominated by the influence of the inarticulate old brain, even if it is formulated in articulate verbal terms. At this point, these neurophysiological considerations merge with the psychological phenomena discussed in the previous chapter. The schizophysiology of the brain provides a clue to the delusional streak in the history of man. » (p. 289).
Autre point de contact entre MacLean et la théorie du holon : le biologiste, en accord avec Konrad Lorenz, distingue entre deux types d'émotion : « d'auto-préservation » et de « préservation de l'espèce » : autant dire d'auto-affirmation et d'intégration ! (Là aussi, Richard Dawkins docebit...).
Chap. XVII, « A Unique Species » : l'unicité du cerveau humain, pour le meilleur et (surtout) pour le pire. Ce néocortex surdimensionné qui nous est échu est décrit par une parabole, tel un ordinateur de dernière génération offert par un djin au marchand analphabète Ali qui n'avait besoin que d'un abaque pour son commerce : un organe de luxe encore presque entièrement inutilisé et surtout dont il ne connaît pas le fonctionnement. Parfois il touche au hasard quelques boutons, et l'histoire de la science et de la philosophie montrent des soubresauts d'avancement complètement réversibles, tel celui des deux-trois siècles de l'Âge Héroïque de la Grèce antique... Aucune linéarité dans le progrès intellectuel ni surtout moral de l'homme ! D'immenses dégâts, en revanche, provoqués par une « coordination inadéquate » entre les structures nerveuses anciennes et celles, trop rapidement développées, du néocortex (p. 307). le langage, qui pourrait être une aubaine, a été aussi une malédiction (« The Curse of Language ») dans sa force disruptive de séparation voire de répulsion mutuelle entre les cultures et les peuples. La découverte de la mort : un acquis du nouveau cerveau auquel l'ancien oppose un refus catégorique ; si elle a provoqué les inspirations les plus élevées des arts, depuis les pyramides jusqu'à la musique de Bach, de la tragédie grecque aux Sonnets de Donne, elle a « peuplé le monde de sorcières, de fantômes, d'esprits ancestraux, de dieux, demi-dieux, anges et démons. L'air est devenu saturé de présences invisibles, comme dans un asile d'aliénés. » (p. 311).
Le dernier chapitre, « The Age of Climax », contient à la fois les angoisses des années 60 que j'ai évoquées, et l'espoir de trouver une solution chimico-pharmaceutique à ce problème de défaut de communication intra-cérébrale : sinon par la mescaline et LSD 25 de l'ami Aldous Huxley (humm!), au moins par quelque substance miracle issue de l'RNA (p. 333) : somme toute, là aussi, un remède très Sixties...
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Ils ne sont pas si nombreux les écrivains qui ne se contentent pas d'imaginer des fictions, mais tentent aussi de réfléchir à la condition humaine en rédigeant de véritables thèses nécessitant des années de travail et d'immenses lectures touchant de nombreux domaines de la connaissance : philosophie, science, sociologie. Arthur Koestler est de ceux-là. J'ai découvert Arthur Koestler non pas en lisant ses romans politiques comme « Le zéro et l'infini » mais par son essai « Les somnambules » qui traite de l'histoire de la science astronomique. C'est ce livre qui m'a donné envie d'en savoir plus à propos de cet auteur et de découvrir ses autres essais. le thème de son ouvrage « Le cheval dans la locomotive » a particulièrement attisé ma curiosité compte tenu de ce qu'il se passe aujourd'hui dans le monde. Rappelons d'abord que cet ouvrage a été publié pour la première fois en 1967. L'auteur y défend l'idée selon laquelle l'homme serait un être inachevé, encombré d'un cerveau ayant subi un développement trop rapide qui ne lui permet pas d'opérer une liaison satisfaisante avec son cerveau primitif reptilien qui vient encore perturber son comportement. Koestler est fasciné par ce dualisme qui fait de l'homme un janus écartelé entre le génie et la folie. L'évolution a-t-elle commis une erreur ? L'humanité est-elle condamnée à ce que ses ailes de géants l'empêchent d'avancer entre un progrès scientifique exponentiel et un progrès moral qui stagne ? L'auteur tente d'apporter des éléments solides et scientifiques pour appuyer sa thèse et aussi pour exposer une solution. L'ouvrage est divisé en trois parties de longueur sensiblement égale ; l'ordre, le devenir, le désordre. Chacun des chapitres expose une critique des approches scientifiques permettant de décrire l'homme. Il critique par exemple le behaviorisme qui prétend pouvoir rendre compte du comportement humain et animal sans recourir au concept philosophique d'esprit ou de conscience. À l'appui de son raisonnement, il donne des exemples concrets notamment sur la manière dont est compris le langage par le cerveau, non pas comme une suite de mots, mais comme un ensemble d'idées appartenant à un contexte. Il se lance également dans une théorie personnelle d'explication de la structure globale du vivant et de la matière : la théorie du Holon (c'est quelque chose qui est à la fois un tout et une partie). Ainsi de chapitre en chapitre on passe des facteurs de la créativité humaine à la critique du darwinisme, car selon l'auteur le fait d'expliquer l'évolution par des mutations dont certaines sont conservées parce qu'elles apportent un avantage concurrentiel dans la lutte pour la vie n'est pas une explication suffisante. « On ne saurait avoir une mutation A se produisant seule, la conserver par sélection naturelle, puis attendre des milliers d'années pour que la mutation B viennent la rejoindre, suivie par C beaucoup plus tard, et par D. Chaque mutation se produisant seule, disparaîtrait avant de ne jamais pouvoir se combiner à d'autres ». Page 131 « Beaucoup d'organes sont choses fort complexes et, pour introduire dans leur fonctionnement un perfectionnement quelconque il faudrait espérer des modifications simultanées dans plusieurs caractères différents… et c'est là, semble-t-il, ce qu'on n'attendrait pas de la seule influence du hasard ». Page 133

Ce n'est que dans les derniers chapitres que l'auteur aborde son idée principale, qu'est-ce qui fait la folie des hommes, qu'est-ce qui explique que l'homme soit le seul animal capable de tuer ses congénères ? Un instinct interdit aux animaux sauvages de s'entretuer avec des animaux de leurs espèces (sauf cas exceptionnel), l'homme lui ne semble avoir que très peu d'interdits en ce domaine au point qu'il organise même des massacres de masse, génocide, sacrifices humains etc…

Les prophètes, les philosophes ont depuis plus de 2000 ans tenté de trouver un remède à la violence humaine, sans y parvenir. La raison de cet échec tient d'après l'auteur, à une série d'erreurs en ce qui concerne les causes qui ont poussé l'homme à faire de son histoire le gâchis que l'on sait. La première de ces erreurs est d'accuser de tout le mal l'égoïsme et la cupidité, autrement dit les tendances de l'affirmation de soi, les tendances agressives de l'individu. Arthur Koestler pense que les tendances à l'intégration sont incomparablement plus dangereuses que les tendances à l'affirmation du moi. Page 235.

Voici comment il explique son idée : dans les holocaustes de l'histoire, les poussées d'agressions individuelles égoïstes n'ont joué qu'un petit rôle ; les massacres ont toujours été, avant tout, des offrandes aux dieux, au roi, à la patrie ou au bonheur futurs de l'humanité. Les crimes de violence commis pour des mobiles personnels égoïstes sont historiquement insignifiants par rapport à ceux que l'on a perpétrés par esprit de sacrifice à un drapeau, un chef, une croyance religieuse ou une conviction politique. Quelle que soit l'époque considérée, ancienne, moderne ou préhistorique, tout indique que la tragédie humaine a pour cause le dévouement plus que la violence. « Le pire des fous est le saint enragé », cet épigramme de Pope s'applique à tous les grands moments de l'histoire (Page 236).

Je tente de résumer sa pensée en disant que les causes de la cruauté et de la folie des hommes c'est l'égoïsme, la cupidité, mais surtout les croyances religieuses et l'idéologie politique.

Autrement dit, l'auteur soupçonne qu'il y a quelque chose de détraqué dans l'esprit humain et cela depuis toujours. L'auteur se demande si « l'homme ne recèle pas dans son crâne un défaut de construction qui le menace d'extinction… Un tel soupçon vient en premier lieu de la rapidité extraordinaire de la croissance du cerveau humain dans l'évolution… et l'insuffisance de la coordination entre l'archicortex et le néocortex, entre les zones de notre cerveau qui sont phylogénétiquement anciennes et les zones nouvelles, spécifiquement humaines, qui ont été superposées aux premières avec tant de hâte. Une dichotomie dans le fonctionnement du cortex ancien et nouveau qui pourrait rendre compte des différences entre son comportement émotif et son comportement intellectuel. (page 275)

Tout se passe comme si l'homme était doté d'un cerveau surpuissant dont il ne maîtrisait pas le mode d'emploi. La vision de l'auteur est assez pessimiste, il cite Hegel : “Ce que l'expérience et l'histoire nous enseignent, c'est que les peuples et les gouvernements n'ont jamais rien appris de l'histoire ni jamais agi d'après des principes déduits de l'histoire” Page 327. Clairement Arthur Koestler pense qu'une guerre nucléaire n'est pas à exclure avant la fin du siècle.

Cependant il pense qu'il n'est pas utopique de vouloir guérir l'homo sapiens. Les progrès de la science laissent penser que cela pourrait être une solution. Il envisage la modification du comportement humain par un traitement chimique du cerveau. Il reconnaît que cette perspective n'est pas idéale, qu'il faille compter sur la chimie moléculaire au lieu de renaître spirituellement, mais il pense que nous n'avons pas le choix. (Page 339)

Comme le lecteur, dit-il, j'aimerais mieux mettre mon espoir dans la persuasion morale par la parole et par l'exemple. Malheureusement nous sommes une race de malades mentaux et en tant que tels, sourds à la persuasion. (Page 339).

Cette vision de l'humanité est celle qu'un auteur génial, érudit et très documenté pouvait avoir dans les années soixante compte tenu de l'état des connaissances et de l'état des sciences à l'époque. On aimerait avoir son avis aujourd'hui. Arthur Koestler est décédé le 1er mars 1983 à Londres.

— “Le cheval dans la locomotive — le paradoxe humain”, Arthur Koestler, Les belles lettres (2013) 372 pages.
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Dernier volume de la trilogie qu'on pourrait appeler "La trilogie de l'humain", après "Les somnambules" et "Le cri d'Archimède", "Le cheval dans la locomotive est la tentative d'Arthur Koestler d'appréhender la cause qui fait que l'homme pourrait se caractériser par sa démence et sa cruauté...
N'y aurait-il pas là le signe d'un conflit entre le cerveau ancien (reptilien, dit-il) et le néocortex ?
Quel accident probable dans l'évolution a bien pu donner à l'homme la prééminence qui est la sienne ?
C'est à des questions comme celle ci, mais aussi à des constations comme l'étrange équilibre entre adhésion (au groupe) et affirmation (de soi) qu'Arthur Koestler tente d'apporter une réponse, un point de vue parfois décalé...
Parfois critique par rapport à la théorie darwinienne de l'évolution, l'auteur nous propose un éclairage nouveau sur l'humanité à la lumière d'écrits comme ceux de Konrad Lorentz, sur lesquels il reviendra à plusieurs reprise dans les années qui suivent.
Un ouvrage important pour ceux qui considèrent que la science est un questionnement éternellement recommencé.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
On a comparé l'évolution à un labyrinthe sans issue, et il n'y a rien de bien étrange ni d'impossible à supposer que l'équipement originel de l'homme, supérieur cependant à celui de toute autre espèce, comporte quelque erreur ou défectuosité innée qui le prédispose à l'autodestruction.
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On est gêné de devoir répéter que deux demi-vérités ne font pas une vérité, ni deux moitiés de culture une culture.
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Si paradoxal que cela paraisse, la science depuis un siècle éprouve un tel vertige devant ses propres succès qu'elle oublie de poser les questions pertinentes - ou refuse de les poser sous prétexte qu'elles n'ont pas de sens, ou du moins qu'elles ne sont pas de sa compétence.
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L'on n'aboutira jamais à diagnostiquer le malaise humain tant que l'on imaginera l'homme comme un automate, produit de mutations fortuites : inutile d'appliquer un stéthoscope sur une machine à sous.
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Créativité et pathologie de l'esprit humain sont après tout les deux cotés d'une même médaille frappée au coin de l'évolution.
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Vidéo de Arthur Koestler
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