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Jean-Paul Goujon (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080712141
381 pages
Flammarion (15/09/2008)
3.61/5   49 notes
Résumé :
Située dans une utopie libertine, l'œuvre est un divertissement coquin au ton badin mais aussi critique envers la bureaucratie, l'autorité et le puritanisme.

POUR UN PUBLIC AVERTI. Dans le royaume utopique de Tryphème, où la nudité est revendiquée et les relations amoureuses ne sont pas exclusives, le Roi Pausole mène une vie paisible à la tête de son harem de trois cent soixante-six femmes, chacune reine d'un jour. Arrive le jour où Aline, sa fille b... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Bien moins connu que sa sublime « Aphrodite », « Les Aventures du Roi Pausole » est néanmoins à compter parmi les plus grandes réussites de Pierre Louÿs. Bien qu'il ne s'inscrive pas tout à fait dans la série des ouvrages inspirés par l'Antiquité chère à cet écrivain, « Les Aventures du Roi Pausole » évolue dans un royaume imaginaire d'inspiration antique, Tryphême, situé entre la France et l'Espagne. La principauté d'Andorre y a sans doute servi de modèle géographique.
Le Roi Pausole est une sorte de roi fainéant, dont l'activité consiste principalement à manger, dormir et faire l'amour. Occasionnellement, il rend la justice sous un cerisier afin de départager ses sujets qui viennent régler un contentieux. Il se réfère pour cela au Code de Tryphême, l'unique loi qui régit le royaume, et qui ne compte que deux articles :
I – Ne nuis pas à ton voisin.
II – Ceci bien compris, fais ce qu'il te plaît
Cette morale binaire et hédoniste fait le bonheur de tous les sujets du royaume. Une autre règle, tacite et non obligatoire, encourage, sans les obliger, les jeunes personnes des deux sexes à vivre totalement nus, car la nudité est la plus nécessaire des beautés qui enchantent l'oeil humain, de même que les rapports sexuels sont libres, recommandés et nullement assujettis au mariage. L'acte sexuel est à Tryphême une forme de convivialité que chaque jeune homme ou chaque jeune fille se doit d'accorder à n'importe quelle personne qui en exprime l'envie, y compris une personne de son sexe. La lubricité prend ici la forme d'une tendresse charnelle quasiment familiale, qui délivre chaque personne des tourments amoureux des jeunes années, puisque tout le monde est à tout le monde, et qu'il faut véritablement s'acharner pour demeurer chaste et solitaire.
Le Roi Pausole donne lui-même l'exemple en cultivant un harem de 365 vestales, qu'il honore chacune une fois par an, qui ont toutes un statut de Reine et qui vivent nues, nourries et choyées dans le gigantesque gynécée attenant au palais royal. Elles sont libres de demeurer et de partir quand elles le veulent, mais tant qu'elles font partie du harem, elles n'ont pas le droit de coucher avec d'autres hommes que le Roi. Fort heureusement, elles sont autorisées à s'aimer entre elles.
Ces 365 femmes sont placées sous la garde du Premier Eunuque, Taxis, le personnage le plus incongru de tout le royaume; un puritain protestant vêtu de noir, au physique austère et chagriné, qui tente vainement de maintenir l'Ordre au milieu de ces femmes en rut, et de pousser le Roi a faire évoluer son règne selon une morale plus puritaine et plus répressive, ce qui amuse beaucoup Pausole qui prend plaisir à rembarrer et à se moquer de Taxis. Ce dernier n'est d'ailleurs pas physiquement eunuque, c'est sa foi religieuse et sa morale puritaine qui font de lui le plus impuissant et le plus malheureux des hommes, le seul sujet de Tryphême qui y vive en Enfer. À Tryphême, sa fonction est moins celle d'un eunuque que d'un épouvantail, destiné à décourager les sujets du Roi de s'intéresser aux religions, sujets de discordes et de mésententes.
Taxis n'est pourtant pas le seul à mener une vie d'abstinence : le Roi Pausole, veuf, maintient sa fille unique Aline dans une aile secrète du palais avec jardin, où elle est véritablement retenue prisonnière, et ne voit personne excepté ses servantes. Il est vrai qu'Aline est encore jeune, et n'a que quatorze ans, mais déjà elle prend un plaisir malicieux à contempler dans la glace la beauté de son corps nu. Hélas, tout à fait innocente, protégée jalousement par son père de la loi qu'il fait pourtant régner sur ses terres, Aline ne connaît pas encore les plaisirs de la chair. Une rencontre tout à fait inattendue va lui permettre de fuir sa triste existence.
Une pièce de théâtre, donnée en l'honneur de la princesse Aline par une troupe de comédiens français de passage à Tryphême, va en effet éveiller tout à fait les sens de la jeune fille, qui se trouve fortement attirée par le jeune héros de la pièce. Après le baisser de rideau, elle trouve l'audace de rejoindre le comédien dans sa loge et de l'inviter dans sa chambre royale, en lui enjoignant de passer tout de même par la fenêtre car la princesse n'est pas autorisée à recevoir par la grande porte. Or, ce qu'Aline ignore, c'est que ce jeune comédien est en fait une jeune femme, Mirabelle, qui, comme cela se faisait dans le temps, joue sur scène des rôles de jeunes garçons. Néanmoins, n'ayant jamais vu que son père et ses servantes, Aline ne peut mesurer les différences qui existent entre les garçons et les filles, et Mirabelle lui plaît, point final. Par chance, Mirabelle est lesbienne, et elle est complètement sous le charme de cette jeune adolescente à peine pubère, qui lui inspire une attirance saine et un devoir d'initiatrice.
Elle rejoint Aline dans sa chambre, une fois la nuit tombée, et, encore hésitante, lui offre ses premiers baisers. Aline en est toute émerveillée, et prend une décision radicale : elle quitte le palais et part avec Mirabelle. Où qu'elles aillent, elles seront heureuses ensemble.
La disparition de la princesse est révélée le jour suivant au Roi Pausole, qui se retrouve tiraillé entre son désir impérieux de retrouver sa fille chérie et une sorte de paresse à prendre des décisions, car pour le Roi Pausole, régner, c'est d'abord se laisser vivre et ne s'occuper de rien. Pour se motiver, il emmène avec lui Taxis, "Diane à la Houppe", sa reine du jour avec laquelle il a passé la nuit, et un jeune page, Giguelillot, que Taxis a fait arrêter le matin même car il était parvenu à s'introduire dans le harem. Alors que Taxis incite le Roi Pausole à punir sévèrement le jeune criminel, Pausole se dit qu'un jeune homme aussi malin et déterminé lui sera bien utile pour retrouver sa fille, et il l'embarque dans sa quête.
Il n'existe ni véhicules, ni machines à Tryphême, car tout cela est très ennuyeux. Les fuyardes vont donc à pied et le Roi Pausole à cheval, avec son équipage. Mais la poursuite va être très, très longue, même si elle ne s'étalera que sur 7 kilomètres, car Pausole et Giguelillot s'arrêtent ponctuellement pour dévorer des festins et lutiner toutes les jeunes filles bien disposées que les deux hommes rencontreront sur leur chemin – et il y en a vraiment beaucoup !...
Fable utopiste et hédoniste, prônant l'amour libre et la libération sexuelle bien avant Wilhelm Reich, « Les Aventures du Roi Pausole » est une délicieuse fantaisie coquine, qui s'inscrit à la fois dans la lignée du « Décameron » de Boccace et dans celle de la littérature galante du XVIIIème siècle. Quelque chose de puissamment latin, méditerranéen, se dégage de ce roman polisson et jouissif, parfaitement immoral, qui viole impunément et avec une ironie permanente, tous les tabous de son époque, en fustigeant avec férocité la religion et la morale chrétienne, qui sont ridiculisées, bafouées, piétinées avec joie.
La joie est en effet le maître mot de ce roman, où tout est permis parce que c'est bien plus joyeux qu'en se bardant d'interdits. D'ailleurs, le roman se conclue sur le fait que le Roi Pausole n'était pas encore assez libéré, puisqu'il emprisonnait sa fille et se réservait l'exclusivité de son harem. Il décide donc d'offrir sa fille et toutes ses femmes à tous ceux et celles qui en veulent. Il abdique donc de ses privilèges, et renvoie Taxis dans sa France natale, puisqu'il est désormais inutile à Tryphême.
Bien que le roman abonde en allusions salaces, ce n'est pas à proprement parler un roman érotique, car Pierre Louÿs ne s'attarde point à décrire ce que chacun peut imaginer selon sa fantaisie. La licence ici est surtout dans les idées exprimées, dans la liberté des âmes et des corps, voire même dans le refus obstiné de céder au suspense, à une tension narrative ou à des éléments dramatiques. Même l'enlèvement de la princesse n'est qu'un prétexte à s'amuser et à faire l'amour. « Les Aventures du Roi Pausole » est un conte de fées pour adultes, et il a tout pour nous faire rêver, tant les fées y sont nombreuses et désirables, quoique souvent fort jeunes (entre 14 et 16 ans, en moyenne), blondes avec un teint de pêche et rougissant facilement. Les fantasmes de Pierre Louÿs ne sont pas nécessairement ceux de tout le monde, mais il faut être bien malhonnête ou bien coincé(e) pour ne pas les trouver adorables.
Quelques mots également sur l'illustrateur de la très belle édition de 1923, dans la collection des "Maîtres du Livre" des Editions Georges Crès & Co., dans laquelle j'ai eu le bonheur de lire ce roman : elle est abondamment illustrée par Fernand Siméon, dont le trait particulier, typique des "roaring twenties", a su se rapprocher de l'imagerie médiévale, offrant des vignettes aux allures de vitraux (hélas sans couleurs), mais de vitraux hautement coquins, où la nudité féminine y est célébrée comme des scènes de l'Évangile.
Enfin, aussi incroyable que cela puisse paraître, « Les Aventures du Roi Pausole » a été adapté au cinéma en 1933, avec dans le rôle du Roi Pausole le bedonnant et sympathique André Berley, dans celui d'Aline la charmante Josette Day, alors en pleine romance avec Paul Morand, dans celui de Taxis, Armand Bernard, qui fait une très convaincante prestation, et dans celui de la Reine Diane, Edwige Feuillère, pas encore dépoitraillée mais déjà bien dessalée.
En dépit de quelques jolis moments, le film peine à retrouver la jovialité, et surtout la sensualité du roman. Il est vrai qu'on ne pouvait pas déshabiller totalement 300 jeunes filles au cinéma en ce temps-là, et que le noir et blanc donne forcément quelque chose d'un peu sinistre à un décor antique, mais le réalisateur a aussi malheureusement choisi de donner à son film un caractère potache et infantile qui gomme toute l'ironie abrasive du récit de Pierre Louÿs pour en faire une farce très légèrement gauloise et politiquement correcte, l'histoire se terminant même par un absurde double mariage entre le Roi Pausole et la Reine Diane, et entre Aline et Guiguelillot (qui n'est pas un page mais un aviateur venu à bord d'un Canadair, puisque dans le film, Tryphême est une île). le résultat est donc clairement décevant, le film manquant autant d'audace que de rythme et de moyens financiers, mais tout aficionado de ce magnifique roman y trouvera tout de même quelque contentement à voir ces antiques rêveries si audacieusement mises en images.
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Les aventures du Roi Pausole / Pierre Louÿs
le Roi Pausole était un souverain absolu mais débonnaire et rêveur. Il régnait, en cette fin du XIXe siècle, sur son royaume de Tryphême depuis vingt ans sans soucis et sans manières. Il rendait la justice sous un cerisier, amoureux qu'il était de ce fruit délicieux. Deux règles étaient à respecter dans le pays : ne pas nuire à son voisin et cela bien compris, faire tout ce qu'il plaisait à chacun. La règle : rendre la vie un peu plus facile et douce en laissant chacun libre d'accomplir tout ce qui ne fait de mal à personne. En résumé, ne fais pas le mal et vis à ta guise. le Roi se voulait être le premier législateur qui se soit donné pour principe de ne pas ennuyer les gens. Il répétait souvent que la popularité est une lourde charge, mais fou qui rechignerait contre elle !
le Roi Pausole avait trois qualités selon lui : la paresse, le plaisir et la bienfaisance. Il aimait défiler entre les haies brunes de dix-huit cents jeunes filles nues versant un fleuve de roses rouges sur ses pas. Et il avait un gros défaut : l'irrésolution, procrastinateur en chef, si bien qu'il maintenait son existence dans le circonspect et le provisoire tant il redoutait le définitif. Il écartait de son esprit par un artifice salutaire toute inspiration éventuelle de gérer les affaires publiques, lesquelles étaient confiées au Grand Eunuque, Taxis, véritable maréchal du palais, un être fourbe et antipathique incarnant l'ordre moral et citant la Bible à tout propos. le Roi Pausole savait être généreux avec les claquedents et tolérant avec les bélîtres.
Trois cent soixante -six femmes peuplaient le harem du palais et toujours aussi irrésolu dans ses choix, le Roi se laissait presque toujours circonvenir nuitamment par la plus hardie. La demeure du Roi était celle de la paix, du repos, du bonheur tranquille et de l'égalité des heures. Chaque Reine avait des droits égaux qui s'affirmaient une fois par an. Ainsi Pausole connaissait l'art d'échapper à tous les regrets en changeant la définition du bonheur sous la dictée des circonstances.
le Roi Pausole apprend un beau matin que sa fille, la blanche Aline, a quitté clandestinement le palais alors qu'elle n'a que quatorze ans. Autant la chance était douce au roi Pausole de rencontrer par les chemins de jeunes vierges sans vêtements, autant il emprisonnait sa malheureuse enfant. Déçue par l'intolérance de son père si large d'esprit à l'égard des moeurs de ses sujets, elle s'est enfuie accompagnée d'un inconnu…
Un inconnu qui n'est autre qu'une travestie, Mirabelle la belle danseuse, séduite par la blanche Aline elle-même émue par le charme de sa dance et qui voit en Mirabelle une amie chère et complice. Troublante Mirabelle qui fille androgyne se fait occasionnellement passer pour un homme travesti en fille ! Elle enlève la blanche Aline…
Et d'aventure en aventure et d'escapade en escapade, à dos de mule durant les sept kilomètres séparant son palais de la grande ville, accompagné de son page, son Grand Eunuque et quelques-unes de ses femmes, le Roi Pausole se demande chaque jour dans quelle folie il s'est lancé en partant à la recherche de sa fille.
Au fil des jours, le Roi Pausole voit les choses de façon plus clémente et permissive et songe même à permettre aux pages d'entrer dans le harem, allant jusqu'à fermer les yeux sur ce qui se passerait alors.
Ira-t-il jusqu'à dire à sa fille qu'il l'aime assez pour la rendre plus heureuse que lui ? le tempérament du Roi laisse augurer une issue heureuse…Peut-être l'émancipation ?
Un conte malicieux et subversif au style merveilleusement ciselé par Pierre Louÿs. Un moment de bonheur et de fantaisie, raillant tour à tour la bureaucratie, l'autorité abusive et le puritanisme. Une utopie libertine, vibrante exaltation du plaisir et de la sensualité, tour à tour satirique et enjouée, toujours avec délicatesse.

Extrait des paroles du roi Pausole : « Les lois de notre pays permettent aux romanciers de proposer en exemple tous les crimes de leurs personnages mais non point le détail de leurs voluptés, tant le massacre est aux yeux du législateur un moindre péché que le plaisir. »
« L'importance des révolutions se mesure à l'intérêt que peut avoir le gouvernement à retarder leur réussite. Il n'y a jamais eu qu'une révolution improbable avant le succès et inconcevable dans le souvenir, c'est celle qui vous a donné la liberté religieuse, parce qu'en renonçant au droit divin , le pouvoir s'est privé d'un soutien fondamental qui lui avait assuré jusque - là une stabilité plusieurs fois séculaire. »


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"Attention, roman euphorisant !" clamait le petit papier ornant la couverture de ce livre, en librairie. Voilà la manoeuvre commerciale éhontée à laquelle se sont livrées les éditions Garnier Flammarion. Et ça a marché : j'ai saisi le livre, contemplé l'illustration, lu la quatrième de couverture ... (Pour les voir, il suffit de cliquer ici) Et me voilà partie avec. J'ai gardé le petit papier, afin d'orner certains livres avec, dans de viles manoeuvres d'auto-persuasion.
Et alors ? Au bout du compte ? Eh bien, ce fut une très agréable (et surprenante) découverte. Pour un roman publié en 1900, Les aventures du roi Pausole garde un ton très XVIIIème : conte à portée philosophique, dont l'intrigue se résume en deux lignes et qui fournit le prétexte à des digressions et autres conversations livrées d'un ton léger et badin, quand ce n'est pas un peu polisson ... On se croirait parfois chez Voltaire (d'ailleurs cité à titre parodique) ou chez Diderot. Cependant, Pausole se présente comme un ouvrage contemporain, le roi du pays de Tryphème est contemporain et voisin d'Emile Loubet, président français de l'époque. C'est juste que son pays ne figure pas sur les cartes, il est trop prospère pour ça ... Cela pourrait attirer les touristes ... Alors les géographes ont préféré laisser ce pays en bleu, dans la Méditerranée - comme les critiques littéraires montent des "conspirations du silence" contre les "oeuvres fortes", ne manque pas d'ajouter l'auteur. Et à Tryphème, ce pays imaginaire si proche de la France, règne un roi débonnaire qui souhaite avant tout le bonheur de son peuple, en proix au démon de l'incertitude. C'est pour cela qu'il a 366 femmes : une pour chaque jour de l'année, et une prévue pour les années bissextiles. Cela lui évite de se confronter à la perspective d'un choix ... Souverain double, Pausole accorde et recommande une grande liberté de moeurs à tous ses sujets, et le code pénal de Tryphème se résume à deux articles : "Ne nuis pas à ton voisin. Cela étant bien compris, fais ce qu'il te plaît." On ne fait pas plus simple et plus compliqué. En cela, le personnage du roi illustre bien les problèmes complexe que sous-tendent ces déclarations : tandis que les Tryphémoises se promènenent avec pour tout vêtement un mouchoir sur la tête et des mules aux pieds, il interdit cette tenue à sa fille ; de même, alors que mariage et monogamie ne sont pas particulièrement recommandés dans son pays, il est interdit aux femmes de son propre harem de voir des hommes, hormis la seule nuit par an qu'elles passent en compagnie du roi. Cependant, Pausole règne sans se questionner, faisant justice sous un cerisier plutôt que sous un chêne (parce que cet arbre fait autant d'ombre qu'un autre et qu'en plus, il donne de bons fruits) jusqu'à ce que son petit monde s'écroule.
Lien : http://carnets-plume.blogspo..
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Et si on dessinait un pont ?
Plus j'y pense plus j'estime que par bien des aspects de l'interrogation morale, la Symphonie pastorale de Gide et son très austère narrateur peuvent être rapprochés de l'oeuvre grandguignolesque de Pierre Louys, ami de jeunesse de Gide, parue 18 ans avant: Les aventures du roi Pausole.
Rien à voir ni dans le style, ni dans le caractère. Mais lisez et voyez.
Deux grands livres en tous cas.
Vive l'amour.
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Je l'ai lu dans la version avec les sublimes aquarelles de Carlègle, qui ne sont pas du tout pornographiques, mais plutôt espiègles et provoquantes, un peu comme le texte de Pierre Louÿs. Il s'agit d'une parodie de conte philosophique, un peu à la Candide, mais où la thèse principale, défendue jusqu'à la caricature est le libertinage, et plus largement la liberté. C'est d'une drôlerie et d'une méchanceté jubilatoires. J'y retrouve la liberté de ton absolue qu'on peut aimer dans le Maître et Marguerite de Boulgakov, par exemple, et qui me fait mourir de rire. Je vois aussi beaucoup du Diable Amoureux de Cazotte, avec ce personnage du page Giguelillot en fou du roi et poète qui manipule tout le monde, un peu à l'instar de Scapin. Je comparerais également ce livre au Baron Perché, d'Italo Calvino, qui est également une parodie du conte philosophique, bien que l'ouvrage de l'Italien, dont le point de départ est moins déjanté, est nécessairement moins drôle. Je vais essayer de récupérer l'édition Briffaut car j'ai adoré les dessins.
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Je ne décrirai point le repas qui suivit.
On m'a dit, en effet, que les lois de notre pays permettent aux romanciers de proposer en exemple tous les crimes de leurs personnages, mais non point le détail de leurs voluptés, tant le massacre est aux yeux du législateur un moindre péché que le plaisir.
Et comme je ne sais plus exactement si l'on bannit de nos oeuvres les voluptés du lit ou celles de la table; comme d'ailleurs, en consultant toute ma conscience et toute ma sincérité, il m'est impossible d'augurer lequel est le plus pendable de manger une tartine ou de créer un enfant, j'aime mieux prendre mes précautions et ne parler ici ni de seins ni de grenades.
On saura donc en peu de mots que le diner du Roi Pausole et de la belle Diane à la Houppe comprenait:

Des hors-d'oeuvre.
Une première entrée.
Un relevé.
Une deuxième entrée.
Un rôti.
Une salade.
Un légume.
Un entremets.
Des fruits et des confiseries.
Les vins X... Y... Z...

C'était un petit dîner. N'en disons pas plus.
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Le roi Pausole était souverain absolu de Tryphême, terre admirable dont je pourrais, au besoin, expliquer l'omission sur les atlas politiques en hasardant cette hypothèse que, les peuples heureux n'ayant pas d'histoire, les peuples prospères n'ont point de géographie. On laisse encore en blanc, sur les cartes récentes, bien des contrées inconnues: on a laissé Tryphême en bleu, dans la Méditerranée. Cela paraît tout naturel.
Eh bien, non. Telle n'est pas la raison d'une si fâcheuse lacune.
Si Tryphême est un nom biffé de toutes les encyclopédies, si l'on falsifie la carte d'Europe, si l'on ampute cette presqu'île verte aux côtes de notre pays, c'est qu'on a organisé contre elle la "conspiration du silence".
Chacun sait qu'on appelle ainsi l'entente immédiate et clandestine qui s'établit entre les critiques littéraires à la naissance des oeuvres fortes et qui étouffe le jeune talent au milieu de son premier sourire. Explorateurs et géographes, montrant une âme non moins basse, se servent du même procédé pour éloigner les touristes d'une contrée qu'ils savent délicieuse.
A leur aise; je ne m'occuperai pas de ces misérables combinaisons.
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Le roi, qui avait mis sous sa couronne légère un voile de batiste blanche en guise de couvre-nuque, était assis dans une selle qui ressemblait à un fauteuil, car elle avait dossier, oreillères, coussins frais, bras moelleux et parasol. Deux tiges de métal filiforme, invisibles à distance, soutenaient à hauteur de ses mains le sceptre et le globe du monde; mais le globe enfermait une gourde à porto, et le sceptre un éventail.
La mule Macarie, personne nonchalante, portait ce faible édifice d'un air distrait et résigné, le même air que prenait Pausole sous le poids des charges de l'État. Elle était blanche de robe avec le bout de la queue et le toupet gris souris. Son pas était relevé, mais lent. Jamais elle ne dormait moins de seize heures par jour.
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"Monsieur, l'homme demande qu'on lui fiche la paix ! Chacun est maître de soi-même, de ses opinions, de sa tenue et de ses actes, dans la limite de l'inoffensif. Les citoyens de l'Europe sont las de sentir à toute heure sur leur épaule la main d'une autorité qui se rend insupportable à force d'être toujours présente. Ils tolèrent encore que la loi leur parle au nom de l'intérêt public, mais lorsqu'elle entend prendre la défense de l'individu malgré lui et contre lui, lorsqu'elle régente sa vie intime, son mariage, son divorce, ses volontés dernières, ses lectures, ses spectacles, ses jeux et son costume, l'individu a le droit de demander à la loi pourquoi elle entre chez lui sans que personne l'ait invitée."
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Tandis que Pausole méditait ainsi, quatre heures avaient sonné à toutes les horloges, et avant que le dernier coup n’eût fait vibrer le dernier timbre, Taxis, une petite sonnette en main, arpentait déjà la grande salle à pas méthodiques et déterminés.

Toutes les femmes s’éveillèrent à regret. La plupart, se retournant avec un soupir maussade, essayaient de reprendre le rêve interrompu, mais sans espoir qu’on le leur permît.

— Mesdames, dit le Grand-Eunuque, voici l’heure du réveil. Le droit de dormir ne vous appartient plus. Debout ! Debout !

— Non… zut !… firent des voix suppliantes.

— Rien ne sert de lutter contre le règlement, dit Taxis. L’Écriture nous enseigne : « Il y a temps pour tout sous les cieux, un temps pour naître et un temps pour mourir ; un temps pour tuer et un temps pour guérir ; un temps pour abattre et un temps pour bâtir[1]. » Il y a un temps pour rêver et un temps pour vivre : debout !

S’arrêtant, il examina un coin tout encombré de corps longs et las.

— Ah fit-il impatienté, il règne ici un désordre scandaleux. Dès ce soir, je veux assigner à chacune de Vos Majestés une place rigoureuse et invariable dont il ne lui appartiendra pas de s’écarter à l’heure de la sieste.

Un murmure bruyant s’éleva, aussitôt dompté par un regard plein de menaces :

— Silence ! cria Taxis. Mes paroles sont inspirées d’abord par des considérations d’hygiène, de police et de décence ; mais ne le fussent-elles point qu’elles seraient encore selon la sagesse, car il est écrit : « Tu vivras par les lois et par les ordonnances[2]. » Ce qui est élu par la fantaisie est exécrable ; ce qui est conçu par l’autorité est judicieux. Ainsi doit s’exprimer une voix saine, stricte et droite.

— Pardon, monsieur, dit une jeune fille, pourquoi ne pas nous laisser choisir ? Moi, j’aime mieux dormir sur une natte et ma sœur sur un tapis. Si vous nous ordonnez le contraire, cela ne fera plaisir à personne et nous en serons désolées.

— Il n’importe. Vous ne savez pas quel est votre bien. L’autorité le sait pour vous et vous le donne à votre insu, malgré vous, c’est là son rôle.

— Quand personne ne la réclame ?

— L’autorité s’exerce. Elle ne défère point. Elle seule discute son droit, limite son domaine et décide son action.

— Au nom de qui ?

— Au nom des principes.
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Pierre LOUŸS – Le prince irrésolu : Relecture de l'œuvre poétique (France Culture, 1978) L'émission "Relecture", par Hubert Juin, diffusée le 3 février 1978 sur France Culture. Présence : Robert Fleury, Paul Dumont, Alain Kahn Sriber et Jean Louis Meunier.
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