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René de Ceccatty (Traducteur)
EAN : 9782869597846
223 pages
Arléa (07/06/2007)
3.15/5   13 notes
Résumé :
Alberto Moravia est né en 1907. A près de quatre-vingts ans, il ne cessait de parcourir le monde en tenant ses carnets de voyage. En 1987, trois ans avant sa mort, cet Européen convaincu se tournait toujours vers le continent noir qui le fascinait, comme l'avait fasciné l'Inde. L'Afrique était à ses yeux le territoire contradictoire du désenchantement politique, du mystère de la religion, du foisonnement végétal et animal et de la crise du monde moderne.Commue Hemin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

Moravia n'aurait surement pas aimé la 4· de couverture où il est dit : « A quatre vingt ans, l'auteur du Mépris et d'Agostino a voulu tout voir et tout comprendre de l'Afrique noire «
Moravia est bien trop intelligent pour vouloir tout comprendre d'un continent. d'‘autant plus que ce qui l'intéresse en Afrique, c'est son mystère, comparable aux mystère du féminin.

C'est un voyage antitouristique et imprudent que Moravia entreprend 3 ans avant sa mort, lui qui avait beaucoup voyagé, en Inde avec Pasolini, et en Afrique, déjà : depuis le Zaïre, les collines de Tanzanie, le Ruanda , le Burundi et retour au Zaïre, où il longe le fleuve Ruzizi, « découvert » par Livingstone, et enfin le Gabon.

Il se demande : c'est quoi l'Eden et aussi, c'est quoi cette nostalgie de l'Eden , dont Adam et Eve furent chassés alors qu'ils avaient mis le monde à feu et à sang en vue du profit ?
Comment revenir à cet état idyllique, en tête à tête avec les bêtes sauvages ?
Où ? Dans les parcs nationaux ?
Ce sont, analyse Moravia, des marchandises comme les autres, car pour revenir au paradis terrestre, il faut payer. Et les lodges, avec robinetteries, poignées, portes et fenêtres de première qualité, luxueux, et voulant paraître artisanaux en singeant la nature et en jouant sur notre désir d'Eden reproduisent un monde capitaliste.
Et , suivant le cours de cette pensée d'une rare intelligence, les gorilles ont sans doute été devant le même choix que le premiers hommes et seraient arrivés au compromis suivant : « tu ne me chasses pas de l'Eden, et , moi, en échange, je renonce à devenir un homme. »
Malheureusement, les hommes s'emploient à détruire ces ilots protégés où se refugient les gorilles, « les agriculteurs affamés de terre cultivable essaient par tous les moyens de détruire la forêt de haute altitude pour y planter leurs bananiers et il ne fait pas de doute qu'un jour ils y parviendront. »
Même si le gorille parfois se doute qu'il a fait un mauvais calcul en essayant de rester dans le paradis terrestre, les efforts, dit Moravia, d'une Diane Fossey, pour revenir en arrière, pour tenter de parler et de communiquer avec lui, « témoignent plus d'un désir inconscient, chez elles, de retourner dans l'Eden que d'une disposition du gorille à en sortir. »
Exit l'Eden, et sa nostalgie, reste la réalité tellement imprévisible, et aussi inéluctablement sacrifiée : Moravia étant trop perspicace pour se contenter de rêver, il déplore, chiffres à l'appui, la déforestation abominable de la forêt primaire , alors que c'est elle qui produit les pluies bénéfiques : « si vous rasez une forêt au Gabon, le désert, toujours aux aguets, à deux mille kilomètres au Nord, avance au rythme de 45 kilomètres par an sur un front de 3 400 kilomètres ! » . La forêt est un magasin génétique, or la transgabonaise qui reliera Libreville aux mines d'uranium et de manganèse doit abattre cette forêt. La grande forêt, mystérieuse, majestueuse, avec ses okoumés, ozigos, ebano, aiolé, ioma, apo, niové, bilinga, duka (Moravia soupire « Quels beaux noms !) a été abattue depuis longtemps ,envoyée en Europe et a cédé la place à une brousse de plus en plus épaisse, mais pas mystérieuse.

Pas de rêve possible : autant Céline a eu tort en parlant du « trou infect » de Fort-Gono,( dit Moravia) maintenant que Libreville est une des capitales les plus prospères de l'Afrique nouvelle, autant il ne sert à rien de nier le néo capitalisme qui exploite l'intérieur des terres mais le laisse sous développé.

Puis, hommage au docteur Schweitzer, musicologue, théologien, historien du christianisme, protestant, et, ouf, médecin. Moravia visite les différentes ailes, la salle ultra moderne de radiographie, le bureau du médecin. RAS.

Enfin, retour au Zimbabwe avec les chutes Victoria, : Moravia développe son intuition première : ce que Livingstone a « découvert » était bien entendu connu des africains qui appelaient les chutes « Mosi-oa-Tunya, c'est à dire fumée qui tonne » .
Pourquoi Livingstone, missionnaire, explorateur, géographe et donc exempt de visées conquérantes, a t il changé un si joli nom ?
La question mérite d'être posée, même si elle reste sans réponse, dans ce livre tellement honnête, brillant, exposant jour par jour et pays après pays la pérégrination périlleuse de Moravia.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
N’étant pas un adepte de la religion marxiste, la lecture jusqu’à son terme de cet ouvrage qui relève autant de la propagande que du récit a été une véritable souffrance.

Rien ne nous est épargné.
Le mythe rousseauiste du bon sauvage dépravé par l’Occidental.
La moraline de gauche constamment présente.
Le refrain du « colonialisme » ou du « néo-colonialisme » presque à chaque page.

M. Moravia semble oublier que ce sont ses amis de « gauche » qui sont à l’origine de la colonisation.
Pour rappel, Léon Blum, le 9 juillet 1925, devant les députés :
« Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l’industrie. »
Jules Ferry :
« La race supérieure ne conquiert pas pour le plaisir, dans le dessein d’exploiter le faible, mais bien de le civiliser et de l’élever jusqu’à elle ».
Albert Bayet, président de la « Ligue des droits de l’Homme », congrès de Vichy, 1931 :
« Faire connaître aux peuples les droits de l’homme, ce n’est pas une besogne d’impérialisme, c’est une tâche de fraternité (…) ». C’est cela !

On constate par ailleurs que notre auteur, ennemi des « riches », n’hésite pas à descendre dans un palace où à louer un avion quand besoin s’en fait.

Seul thème où je rejoins l’auteur, le massacre des forêts. L’auteur cite ici le cas de la déforestation au Gabon pour le passage du train, baptisé Transgabonais. Pour ma part, dans un autre pays d’Afrique, je connais hélas bien pire ! Des forêts primaires entières, avec des essences rares, purement et simplement brûlées par des populations allogènes, pour être remplacées par des cultures à rendement limité dans le temps. D’où leur abandon, puis de nouvelles déforestations…

L’économiste Pascal Salin ne se contente pas de gémir sur le sujet, mais donne une solution pertinente:
« […] utilisant son monopole de la contrainte légale, il [l’Etat] a pris possession des forêts et, au lieu de les vendre, il n’accorde que des droits de concession. Ce faisant, il néglige par ailleurs allégrement les « droits de premiers occupants » des populations installées dans ces forêts. Bien entendu, on imagine facilement que cette particularité juridique conduise les entreprises bénéficiaires de concessions à se comporter en nomenklaturistes et non en entrepreneurs innovateurs. Et pour obtenir une concession, la corruption facilite bien les choses. Une insuffisance de droits de propriétés privés conduit donc à la collusion entre le pouvoir étatique et les rentiers nomenklaturistes. Nous sommes aux antipodes du capitalisme. […] seul le régime de la propriété privée – inhérent au capitalisme – permettrait à la fois de reconnaître les droits ancestraux des Indiens d’Amazonie et de renouveler les ressources forestières.
[…] la forêt a progressé là où elle est majoritairement privée, par exemple en Europe ; elle a diminué là où elle fait l’objet d’une propriété étatique, par exemple en Afrique et en Asie »
(« Libéralisme », p. 387)

Ceci étant, l’ouvrage est bien écrit, d’où la demi étoile.
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Bref, qu’est ce que le Gabon véritablement ? Un entrepôt ? Une forêt équatoriale munie de ports bien équipés, pour exporter des troncs d’arbres ? Un océan plein de gisements de pétrole à exploiter ? Une mine de manganèse rel Au docteur S iée à la mer par la voie ferrée et par la route transgabonaise ? Ou bien une nouvelle nation africaine ? Un état souverain ?
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Tout le paysage paraît stupéfié d’être là comme si nous n’étions pas en hiver 1984, mais au premier jour de la Création. Je regarde avec ravissement les grands oiseaux blancs qui volettent, en piquant du bec, sur les faibles vagues silencieuses, quêtant en vain une proie improbable ; … mais au delà de la large plage déserte, la forêt barre la vue avec son enchevêtrement mélancolique et menaçant, tout comme elle devait apparaître autrefois aux naufragés européens qui avaient échappé aux vagues, présageant de nouvelles et peut être insurmontables difficultés.
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N’y a t il pas entre le lion et l’impala le rapport secret et morbide qui unit, chez les humains, le bourreau et sa victime ?...Nous avons photographié beaucoup d’animaux qui, pris à la gorge par le lion, laissent leur tête pendante, les yeux révulsés, avec tous les signes de la mort. Certes, exagérée, on croit voir ici, une fois encore, une condition humaine fréquente à notre époque de persécutions politiques et sociales, de bourreaux et de victimes, de stress et de refus de vivre.
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Comment revenir au Paradis terrestre ? Comment se retrouver en tête à tête avec les bêtes sauvages sans crainte et surtout sans sous-entendus utilitaires? Voici donc les parcs nationaux. Mais l’utilitarisme puritain chassé par la porte est rentré par la fenêtre. Le paradis terrestre de Serengeti et de Ngorongoro est « consommé » autrement dit devient une marchandise comme toutes les autres, soumise aux lois du marché. Adam et Eve rentrent bien au paradis terrestre, mais en payant.
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Vidéo de Alberto Moravia
15 mai 2023 Rencontre avec l'écrivain italien Alberto Moravia (1907-1990), auteur entre autres du roman «Le Mépris». Il est question des notions de curiosité et d'ennui dans sa vie; des débuts de sa carrière d'écrivain romancier; de la place à la morale et les valeurs sur lesquelles il se base pour réaliser son œuvre littéraire; de sa conviction athéiste; de son engagement dans la cause nucléaire dans le monde, etc. Source : Rencontres, 29 janvier 1985 Animatrice : Denise Bombardier
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature italienne, roumaine et rhéto-romane>Romans, contes, nouvelles (653)
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