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Mario Fusco (Traducteur)
EAN : 9782070760091
294 pages
Gallimard (02/05/2002)
4.17/5   57 notes
Résumé :
Quarante-huit (quarantottu) signifie en sicilien le désordre, la confusion, allusion aux événements de 1848 dans l'île. C'est aussi le titre de la première des quatre nouvelles qui composent ce recueil. Peu avant Le Guépard de Lampedusa, Sciascia dépeint les troubles que provoqua au sein de la noblesse insulaire le rattachement de la Sicile à la métropole au XIXe siècle. L'Antimoine, La Tante d'Amérique et La Mort de Staline rapportent des événements contemporains, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
N° 1562 - Juillet 2021

Les oncles de SicileLeonardo Sciascia – Denoël.
Traduit de l'italien par Mario Fusco.

Leonardo Sciascia (19621-1989) se révèle comme dans ces quatre nouvelles un bon observateur de la nature humaine.
Quand il croque ce hobereau monarchiste qui se comporte devant le Général Garibaldi, libérateur de la Sicile et donc porteur d'idées politiques nouvelles, comme un véritable flagorneur, je ne crois pas une minute qu'il soit de bonne foi, il tournera une nouvelle fois sa veste au prochain bouleversement qui affectera son petit monde à condition de sauver sa vie et son patrimoine.
Quand il choisit d'évoquer la misère des ouvriers qui travaillent leur vie entière dans les mines de soufre, il met en scène l'un d'eux qui préfère, bien qu'il soit marié et père de famille, aller combattre en Espagne dans les rangs des fascistes pour échapper au chômage et à sa conditions alors qu'il n'a aucune conviction ni même aucun connaissance politique. Ce conflit fait donc de lui un mercenaire, exploité par Mussolini au service de Franco. En plus il découvre qu'ils se bat contre des gens qui lui ressemblent, qui sont comme lui des ouvriers ou des paysans, qu'il est victime de sa condition inférieure dans un régime fasciste qui se sert de lui parce que cette guerre n'est pas la sienne et ne répond qu'à objectifs politiques et idéologiques. Ses propos désabusés sur l'absurdité de ce conflit qui, du côté des troupes fascistes allemandes prépare la 2° Guerre mondiale, me paraissent, à certains moments, aller bien au-delà des remarques auxquelles on pourrait s'attendre de la part d'un simple soldat non versé dans l'art de la guerre et la stratégie militaire, mais n'en sont pas moins pertinents sur cette lutte fratricide. Puisque, pour lui, ces affrontements se déroulent en fin d'année, il ne manque pas de faire un parallèle entre ce qu'il vit au quotidien et l'année liturgique qui célèbre la naissance du Christ et cela lui inspire de nombreux paradoxes, d'autant qu'il note les exactions commises de part et d'autre. Cette période de sa vie passée au combat l'a transformé, a fait de lui un infirme mais il prend conscience que cela lui a donné le goût de tuer en même temps que la honte d'y voir pris un certain plaisir qu'aucune absolution ne pourra effacer. Pire peut-être, il est qualifié de héro avec médaille, reconnaissance publique et emploi réservé que cette expérience lui commande d'aller exercer ailleurs, loin de chez lui, loin de lui-même, peut-être ?
Avec « La tante d'Amérique », il nous parle du débarquement des Américains en Sicile lors de la 2° Guerre mondiale. Ce siont les traditionnelles palinodies qui accompagnent les périodes troublées où les territoires passent sous le contrôle d'une autre armée. Pour les habitants, c'est une libération avec tout le changement de vie que cela implique mais c'est aussi mais aussi des incompréhensions. Pour les garçons espiègles c'est aussi l'occasion de petits trocs, chewing-gum et cigarettes. Cette nouvelle est aussi l'occasion de retrouvailles entre les familles qui ont émigré aux États-Unis et qui y ont fait fortune et celles qui sont restées au pays, dans la pauvreté. La différence est flagrante ce qui achève de les diviser.
Le quatrième texte de ce recueil nous présente un cordonnier, Calogero, communiste convaincu qui n'a d'yeux que pour Staline, le présentant comme le rempart au totalitarisme allemand. Il y avait bien eu le « pacte germano-soviétique » qui en avait bouleversé plus d'un et donc notre cordonnier qui ne s'expliquait pas bien cet accord entre l'union soviétique censée combattre le fascisme et l'Allemagne nazie mais il poursuit sa démonstration en présentant son héro comme un fin politique qui attend son heure. Bien évidemment il pensait qu'un tel homme qui portait la foi, l'espérance et la justice était immortel et à la mort de Staline notre pauvre cordonnier est désemparé. Pourtant on parla et pas vraiment dans le sens des illusions de Calogero puis vint le XX° congrès du parti qui remit les choses à leur vraie place, même s'il est d'usage de dire beaucoup de bien d'un mort et d'oublier opportunément ce qu'il a réellement été.
Le titre peut surprendre mais en Sicile, on appelle « oncles » tous ceux qui apportent la justice ou la vengeance, qu'ils soient héros de guerre ou chef de la mafia.
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Fidèle lectrice d'Andrea Camilleri, j'étais intriguée par la mention biographique de son amitié avec Leonardo Sciascia, grand auteur sicilien apparemment peu connu en France. le hasard a mis sur ma route ces Oncles de Sicile et me voilà plongée dans l'histoire avec un grand H et les témoignages et petites histoires des personnages pris dans les convulsions de la grande...

Les Oncles de Sicile : ce titre désigne un recueil de 4 nouvelles publiées en 1958, construites autour de personnages du petit peuple sicilien et de leur parcours de vie tourmenté par l'histoire. Il s'agit uniquement de personnages masculins - les femmes sont totalement caricaturées - personnages au regard enfantin ou adolescent : un seul apparaît comme d'âge mûr.

Nous découvrons en suivant leurs péripéties les secousses de l'unification italienne, la guerre d'Espagne vue par les jeunes "fascistes" envoyés en renfort à Franco en 1936, et enfin à la fin de la seconde guerre mondiale les relations ambivalentes avec les libérateurs et cousins américains. le dernier récit met en scène les illusions des militants communistes de l'après guerre dans une configuration qui n'est pas sans rappeler Don Camillo et Peppone.

Le point commun entre ces 4 récits est incontestablement l'éveil de la conscience de chacun des narrateurs, se démêlant entre ce qu'il observe et comprend, les contradictions des réactions et informations de son entourage, et ses illusions, ses croyances, le poids de son milieu, son sens moral.
Un autre aspect transversal de l'oeuvre est la satire féroce des comportements des protagonistes qui nous plonge dans l'ambiance politique et sociale de l'époque.

Par la construction narrative de ces personnages qui deviennent presque des philosophes en se heurtant aux absurdités et drames de l'histoire, Sciascia inscrit délibérément son travail dans la littérature. Son objectif, me semble t'il, est de penser une résilience de l'être humain, de l'individu, face à la violence des événements et la bêtise triomphante du groupe.
Ainsi les chutes de chacun de ces courts récits s'ouvrent sur une perspective d'espérance, une aspiration, qu'elle soit courageuse, ou cynique à la liberté.
Face à la lâcheté et aux petits arrangements de leurs proches, à la mesquinerie et au mépris, ces personnages construisent leur dignité par leur esprit critique et leur sens de la justice.

Cette ambition littéraire se manifeste pleinement dans la seconde nouvelle du recueil, l'Antimoine, titre qui fait référence au grisou présent dans les mines de soufre siciliennes. Mines dans lesquelles trimaient le père de Sciascia et les hommes de son village enrôlés dans les troupes envoyées en Espagne qui lui ont livré, comme il le rapporte, leur témoignage.

Texte d'une grande puissance et fulgurance, l'Antimoine vaut à lui seul la lecture du recueil. C'est un texte que l'on n'oublie pas, qui m'a rappelé l'esprit des Cercueil des zinc de Svetlana Alexievich: l'ambition de donner la parole aux soldats instrumentalisés par des enjeux de pouvoir qui les broient, et se retrouvent face à l'absurdité du mal, projetés aux marges de la société qui les a envoyés au front et de l'humanité qu'ils ont trahie malgré eux.

J'ai lu cette oeuvre dans l'édition Denoël & d'ailleurs, j'ai regretté l'absence totale de notes pour situer le contexte historique, notamment de 1848, que personnellement je ne maîtrisais pas. Heureusement il y a Wikipedia ! Mais cela aurait été bienvenu.
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Mussolini s'offrit d'envoyer des troupes italiennes en renfort au général Franco qui, de 1936 à 1939, mobilisa ses milices contre les Républicains. Cette lutte contre le communisme procurait aussi opportunément au Duce un débouché pour le chômage de masse. Ainsi, le mineur de souffre qui craignait le grisou et son compatriote paysan sans pain s'enrôlèrent comme soldats dans ce conflit étranger : le mineur et le paysan siciliens échangeaient alors l'enfer et l'absurdité d'être misérables chez eux contre l'enfer et l'absurdité –qu'ils découvrirent ensuite sur le champ de bataille en Espagne- d'être des pauvres de Sicile -fascistes par hasard de l'Histoire- combattant d'autres pauvres, qui, en Castille, voulaient partager la terre entre ceux qui la travaillaient.
Tel est le cadre de « L'Antimoine », un des 4 magnifiques récits qui composent le recueil « Les oncles de Sicile » de LEONARDO SCIASCIA. le ton y est toujours juste et les situations émouvantes. Chaque fois, le regard de l'auteur décrypte au scalpel le jeu des forces en présence, la limitation des uns, l'arrogance des autres, l'ignorance et la nécessité faisant le jeu des potentats locaux. L'âpreté voltairienne des constats sur l'injustice et l'aliénation n'empêche guère les personnages d'apparaître dans leurs ridicules drolatiques, ce qui rend rafraîchissante la méditation sur la nature humaine à laquelle nous amène toujours cet écrivain.

© Patricia JARNIER- Tous droits réservés- 20 janvier 2013

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Le sentiment d'appartenance enflamme les idées et les actions. Appartenir à quelque chose, se sentir vivant un idéal, brûlant d'un sentiment d'origine qui rend sa terre inoubliable, vaut mieux que n'importe quelle proclamation. Bien sûr, il y a des moments où vous aimeriez crier tout ce que tout le monde ressent, mais ensuite vous choisissez toujours quelques confidents proches vers qui vous tourner.
C'est comme si vous vouliez protéger vos pensées en essayant de les exprimer le moins possible et uniquement avec les bonnes personnes. Mais l'envie de crier sur les toits ce que l'on garde pour soi succombe à la prudence qui, dans certains cas, ne suffit jamais. Les souvenirs, par exemple, ne sont pas seulement des faits qui reviennent à la mémoire comme des enfants retrouvés. Ce sont pour la plupart des voix silencieuses qui nous disent de nouvelles choses tout en soulignant les anciennes. Une sorte de copie papier sur laquelle on peut aussi lire ce qui n'était pas vu et compris auparavant. Et les souvenirs les plus vifs sont toujours ceux de la patrie, de la famille et de ce que nous vivons comme des émotions d'amour fou. L'espérance de tout recouvre donc tout sentiment pour ne pas l'affaiblir.
Dans Les oncles de Sicile de Leonardo Sciascia , vous entendez la voix narrative de l'écrivain parler de son pays. Vous ne pouvez pas échapper à l'attention portée aux choses et aux détails faits de ce sentiment d'appartenance un atout précieux car il se concentre sur les souvenirs, sur ce qui a été et a fait partie de l'existence de nombreux Siciliens. Quand quelqu'un se livre à des souvenirs, il vous fait confiance, presque comme s'il s'agissait d'une confession. Ainsi vous vous retrouvez dans les déceptions et les moqueries de l'histoire qui a laissé un terrain suspendu entre l'audace d'espérer et la conscience de devoir cacher ce qui ne se dit pas, surtout à tue-tête.
L'histoire est belle. 
La prose est si évocatrice qu'on est à l'intérieur des pages pour saisir même ce qui est muet.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Quatre nouvelles d'inégale valeur mais toutes intéressantes . " L'antimoine" est remarquable (Quels tableaux de la guerre d'Espagne 1936 ) et "La mort de Staline" vaut le détour .
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Il y a beaucoup de gens qui font des études, qui vont à l'université, qui deviennent de bons médecins, des ingénieurs, des avocats, qui deviennent fonctionnaires, députés, ministres, et je voudrais demander à ces gens: "Savez-vous ce qu'est la guerre d'Espagne, ce qu'elle a été vraiment? Si vous ne le savez pas, vous ne comprendrez iamais rien au fascisme, au communisme, à la religion, à l'homme, vous ne comprendrez jamais rien à rien; parce que toutes les erreurs, tous les espoirs du monde se sont concentrés dans cette guerre, comme une lentille concentre les rayons du soleil et met le feu, de même l'Espagne s'est allumée avec tous les espoirs et toutes les erreurs du monde, et c'est de ce feu que le monde crépite aujourd'hui." Quand je suis allé en Espagne, je savais à peine lire et écrire, lire le journal et l'Histoire des souverains de France, écrire une lettre chez moi, et, maintenant que j'en suis revenu, il me semble que je peux lire les choses les plus ardues qu'un homme puisse penser et écrire. Et je sais pourquoi le fascisme ne meurt pas, et je suis sûr de connaître toutes les choses qui devraient mourir dans sa mort, et ce qui devrait mourir en moi et dans tous les autres hommes afin que le fascisme meure pour toujours.
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Les bourgeois espagnols, les bourgeois qui vont à la messe, tuaient par milliers les paysans, pour la simple raison que c'étaient des paysans et le monde fermait les yeux pour ne pas voir, mais le premier prêtre qui tomba sous les coups des anarchistes, la première église mise en flammes, firent sursauter le monde d'horreur, et marquèrent le destin de la République. Au fond, tuer un prêtre parce que c'est un prêtre est une chose plus juste que tuer un paysan parce qu'il est paysan; un prêtre est le soldat de sa foi, le paysan est seulement un paysan. Mais les gens ne veulent pas le comprendre.
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Je crois aux Siciliens qui parlent peu, aux Siciliens qui ne s'agitent pas, aux Siciliens qui se rongent à l'intérieur et qui souffrent : les pauvres qui nous saluent d'un geste las, comme du fond d'une distance séculaire.
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Pour moi, pour Ventura, pour un grand nombre d'entre nous, dans une guerre que nous avions acceptée sans comprendre et qui nous entraînait lentement vers les sentiments et les raisons de l'ennemi, il n'y avait pas de drapeaux; chacun de nous avait pris envers lui-même l'engagement d'honneur de ne pas avoir peur, de ne pas se rendre, de ne pas abandonner son poste. Et peut-être que toutes les guerres se font comme cela, avec des hommes qui sont seulement des hommes, sans drapeaux; et que, pour les hommes qui les combattent, il n'y a dans les guerres ni ltalie, ni Espagne, ni Russie, et qu'il n'y a pas même le fascisme, le communisme et l' Eglise, mais seule ment la dignité de chacun à bien jouer sa vie, à accepter le jeu de la mort.
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Entre le baron Garziano et l'évêque du diocèse, Monseigneur Antonio Calabro, les rapports étaient continuels et très étroits. L’évêque, le baron, le Juge Royal et le Sous-Intendant formaient un quatuor si bien accordé -unanimes dans les décisions secrètes que la police traduisait ensuite en événements des plus douloureux- qu'il était naturel pour un habitant de Castro à qui il arrivait un malheur, de souhaiter à l'un des quatre, ou même à tous les quatre ensemble, la mort subite, ou le cancer ou la phtisie.
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Vidéo de Leonardo Sciascia
Le 1.10.2022, Hubert Prolongeau présentait “Actes relatifs à la mort de Raymond Roussel” de Leonardo Sciascia dans “Mauvais Genres” (France Culture).
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature italienne, roumaine et rhéto-romane>Romans, contes, nouvelles (653)
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