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Marianne Millon (Traducteur)
EAN : 9782290355787
472 pages
J'ai lu (17/03/2008)
3.7/5   284 notes
Résumé :
Toutes les nuits, un professeur de lettres fait le même rêve : dans sa grande maison à colonnes blanches, une femme hurle à la mort et l'appelle à l'aide. Nous voilà aux portes de 'L' Enfer'. Dante et ses pairs se mettent au service maléfique de treize sorcières du verbe et la poésie devient la plus cruelle des armes. Les dames sont au nombre de treize mais on n'en cite que douze. Ne jamais se risquer, même en rêve, à parler de la dernière...
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Critiques, Analyses et Avis (45) Voir plus Ajouter une critique
3,7

sur 284 notes
Parce qu'ils font toutes les nuits le même cauchemar qui les terrorise, un professeur de littérature au chômage et une mystérieuse clandestine hongroise se retrouvent plongés dans une histoire fantastique des plus terrifiantes.
Assistés d'un vieux médecin, ils découvrent l'existence d'une secte millénaire de sorcières qui utilisent la poésie pour assouvir leur soif de destruction.
Projetés dans une réalité qui les dépasse ils devront faire face à la cruauté inouïe des "13 Dames" du Verbe…

Une oeuvre singulière et fantasque, pleine d'une imagination débridée et fantaisiste.
On se laisse pleinement envoûter par ce suspense fantastique où la poésie devient arme de torture et de destruction, où le pouvoir des mots est synonyme de barbarie cruelle et raffinée, où la réalité se désagrège sous les vers de Shakespeare ou de Keats.
Le psychiatre espagnol José Carlos Somoza, à qui l'on doit l'étourdissante « Caverne des idées », excelle dans la construction des univers troubles, déformés, surréalistes, un peu comme si l'on naviguait, ébahi, dans une toile de Dali, avec cette impression de réalité altérée, truquée, modifiée par l'emploi d'un fantastique échevelé qui vient fausser la donne d'un réel terne et immobile.
Porté par une écriture fluide et colorée, un style imagé très visuel, un sens du rythme effréné, « La Dame n°13 » est un roman pour le moins original qui tient totalement en haleine.
Aussi, l'on ne saurait trop reprendre à son compte ces quelques vers de Dante pour avertir le lecteur : « Vous y entrez ici, laissez toute espérance »…
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Après un futur extrêmement travaillé où être peint et devenir une toile humaine est une profession (Clara et la Pénombre), un hommage aux Nègres d'Agatha Christie où des scientifiques se font dépecer pour avoir profané le temps (La Théorie des cordes), Somoza nous livre un nouveau délire... Une secte de treize sorcières inspire en secret depuis la nuit des temps tous les poètes de l'Histoire, car certains de leurs vers pourront ensuite servir aux dames de formules magiques pour accomplir tous leurs desseins!! Après le roman-essai polar/SF sur la peinture et celui sur la science... Un thriller sur la poésie!!

Comme dans les deux autres romans, Somoza tire jusqu'au bout son idée folle, avec toutes les implications les plus terribles : le pouvoir de ces vers ordonne le monde dans ses moindres détails, un accident de voiture fatal ou une grande histoire d'amour peuvent être le fruit du pouvoir de la poésie prononcée à haute voix!!! "¡ Este hombre esta loco !" me direz-vous, c'est délirant, mais on finit par se prêter au jeu! Cette fantaisie permet à l'auteur de rendre hommage à un nombre considérable des plus grands poètes à travers les siècles et frontières... Tous les préférés sont là, et on en découvre parfois quelques-uns un peu obscurs!! Évidemment, Dante, Shakespeare et Milton ont la part belle, Somoza adorant placer en épigraphe les deux premiers comme mise en garde dans tous ses romans.

Tout amoureux de la littérature aura donc plaisir à retrouver ces génies illustres et leurs vers, avec lesquels l'auteur joue de façon espiègle... Certes, le propos "la poésie, c'est dangereux" peut gêner de prime abord, dans le principe, mais c'est vraiment une facétie de l'auteur, son hommage déjanté à la poésie, plutôt qu'une véritable posture anti-intellectuelle ou anti-artistique.

Comme dans La Théorie des cordes, on s'attache vraiment aux personnages principaux, que Somoza sait rendre vivants, par des scènes ordinaires et intimes. Jusqu'au bout, on aura suivi leur sort avec passion, ri grâce à Ballesteros, fantasmé grâce à Raquel, vécu la mélancolie et les chocs énormes de Rulfo. Petit bémol sur certaines parties, comme celles en Provence ou dans l'expectative du rendez-vous, que je trouve laborieuses, et étrangement écrites par moments. Heureusement, la partie "Le Réveil" porte bien son nom, donne un coup de fouet à La Dame n°13 et renoue avec l'excellence des premières parties!

L'identité de cette fameuse Dame n°13 était prévisible, mais comme souvent avec Somoza, c'est vraiment l'élaboration de son nouvel univers fantastique qui prime sur l'énigme... Par ailleurs, une autre solution nous aurait fait passer à côté d'une belle idée.

Comme dans Clara et dans Les Cordes, tout s'achève sur une fin classique de SF que je trouve pour le moins satisfaisante, après cette folle aventure. Loin de ce qu'on imaginait au début quand on avait moins d'infos, certes, mais il était difficile de trouver mieux, et elle nous emmène encore une fois jusqu'au dénouement logique du principe qui porte le roman. Mon favori demeurera tout de même La Théorie des cordes, mais on peut dire qu'avec celui-là, Somoza en tient une couche. À lire, pour les amoureux de thrillers ET de littérature. Y a un côté un peu Harry Potter, dans ces vers lancés comme des sorts omnipotents et cette mythologie séculaire cachée du commun des mortels, qui régit les choses en coulisses...
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On entre immédiatement dans ce roman policier fantastique de Somoza… ou plus exactement dans les cauchemars de Salomón Rulfo, professeur de lettres au chômage passionné de poésie, qui réalise bien vite avec l'aide bienveillante de son médecin, le Dr Ballesteros, que son terrible monde onirique interfère avec la réalité. Et il est dangereux de s'intéresser de trop près aux choses étranges, même pour un poète.
Parmi les autres personnages, nous trouvons une prostituée hongroise, Raquel, et son proxénète, Patricio, un vieux professeur exalté, César Sauceda, et sa jeune compagne Suzana qui fut autrefois la maîtresse de Salomón, des morts qui réapparaissent et treize dames aux terribles pouvoirs surnaturels. Il y a aussi le livre d'un professeur autrichien, Rauschen, qui développe une théorie sur une secte dont le but serait d'inspirer les grands poètes et qui aurait déjà exercé ses talents auprès de Virgile, Pétrarque, Shakespeare, Dante, Milton, Keats, William Blake, Hölderlin, Góngora, Emily Dickinson ou encore Borges… pour n'en citer que quelques uns ; chaque lecteur retrouvera des poètes connus, aimés ou pas et en découvrira aussi. Enfin, je n'oublie pas le phylactère et son contenu, les mystérieux tatouages, les meurtres, les cadavres mutilés, les pressions et chantages, les tortures physiques et psychologiques… tous les ingrédients du thriller sont bien sûr réunis. Mais, avec Somoza, vous vous doutez bien que ce livre n'est pas un bon policier fantastique…

Somoza nous entraine en réalité dans les mystères de l'inspiration et de la création poétique, dans une intrigue où « la véritable poésie est de l'horreur pure » et où les muses ne se contentent pas de donner aux artistes « le halo créatif nécessaire ». L'auteur interroge le « pouvoir occulte du langage », le rapport entre les mots et la réalité et se penche sur l'écriture et l'oralité poétique, moyens de transmissions mystérieux, immémoriaux et secrets.
Somoza a recours à Dante et à L'enfer de la divine Comédie, reprenant à son compte les problématiques du poète médiéval : comment comprendre le mal ? Montrer le supplice ? Dire l'indicible ?... : « laissez toute espérance vous qui entrez / lasciate ogni speranza voi ch'entrate» ; cet avertissement ne s'adresse pas qu'aux personnages ! Lecteurs, vous voilà prévenus... en outre, le roman a pour épigraphe une citation du Chant IX qui évoque la terreur du poète devant les remparts de Dité, la cité dolente, et l'apparition des Furies et qui met le lecteur en garde face aux sens allégoriques et aux interprétations possibles.
Somoza cite aussi le chant V de l'Enfer, où le vent noir châtie les luxurieux ; ce chant évoque aussi les pouvoirs de la littérature et une possible porosité entre la lecture et la vie réelle. La question de la punition ou contrapasso, le rapport entre la peine et le crime, calque ou rapport analogique, est omniprésente dans l'oeuvre de Dante qui lui donne un sens de châtiment infernal : Dante a la capacité de nommer le mal et de le punir. Je n'irai pas plus loin dans l'analyse du recours à Dante et à sa Béatrice car il faut que vous lisiez ce roman et y trouviez peut-être encore d'autres clés de lecture…, les votres.
Somoza cite aussi le Paradis Perdu de Milton, grand poème narratif « poésie étrange qui décrit Satan avec une certaine bienveillance et Dieu comme une créature vengeresse » ; le roman donne, par exemple, une étrange explication de la cécité de Milton.

On ne sort pas tout à fait indemne de ce roman surtout si on est aussi amateur de poésie. Dans La Dame n° 13, la poésie est devenue une forme de torture et une arme de destruction ; à travers la poésie c'est tout le logos que Somoza convoque ici, avec les personnages des dames, c'est-à-dire tous les éléments du discours et de la parole, les mots, les phrases, la syntaxe, la prosodie, la phonétique… etc. : « le logos de l'univers leur donne raison, parce que l'univers, ce sont des paroles. Un long poème ».
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Il est rare que je me contente de la quatrième de couverture pour choisir un livre. Généralement, je regarde plusieurs sites et différents avis pour me décider. Celui-ci, je l'ai croisé en librairie et je n'ai pas hésité. Son résumé laisse planer une sorte de mystère qui envoûte et qui donne envie d'en savoir plus. L'histoire de ces sorcières, de ces 13 Dames. Une qui invite, une autre qui empoisonne, une qui devine… et la treizième ne doit pas être nommée “Elles sont toujours treize mais on n'en cite que douze tu vois? Tu ne dois en mentionner que douze. Pauvre de toi si tu mentionnais la numéro treize ! ” Logique non? le numéro treize est connu pour porter malheur, honneur aux superstitieux. Me voilà donc décidée et partie pour plonger au fin fond des ténèbres.

Ce roman mélange de nombreux genres. Il nous plonge dans un roman noir qui tourne autour du fantastique, de l'horreur mais il passe aussi par une sorte de Thriller. Certains passages peuvent même être vu comme gore. Il met en place aussi la psychologie, notamment avec les rêves mais aussi la poésie. La poésie comme arme destructrice. Une arme contre ceux et celles qui osent défier les “Dames”.

En tant que lecteur, on entre facilement en plein coeur de l'histoire. L'ambiance y est vite sombre et oppressante. le protagoniste, Salomon Rulfo fait des cauchemars atroces. Il est persuadé qu'on l'appelle à l'aide. Moi qui redoutais la complexité de l'histoire, du style et de l'écriture de l'auteur, je peux vous assurer que c'est passé comme une lettre à la poste. J'ai tout de suite été prise et entraînée avec les trois personnages principaux : Rulfo, le professeur de lettre déprimé par la perte de son grand amour, un médecin dévoué et une hongroise, Raquel.

J'ai trouvé l'histoire plus qu'intéressante : on a envie de savoir si ce qu'ils vivent est bien réel, on se demande la force des mots, la force des vers, on se demande s'ils vont s'en sortir. L'histoire est pleine de rebondissements, de moments chocs qui nous font relever la tête trente secondes pour nous remettre les idées en place. Pour citer un petit point négatif car un livre n'est jamais parfait, je dirai que le roman traîne un peu durant la seconde partie, il s'essouffle… avant de reprendre de manière étonnante.

Pour conclure, je suis séduite par la créativité de l'auteur, son originalité et cette histoire.
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Un monde bien étrange dans lequel nous entraîne José Carlos Somoza. On part à la rencontre des 13 Dames (secte, sorcières, fées maléfiques ?). Mais une chose est certaine, Dames fragiles, également dangereuses, pour lesquelles les sentiments n'existent pas. Elles se servent de leurs victimes pour atteindre leurs desseins à travers les rêves ou plutôt les cauchemars, elles dessinent des vers sur le corps de leurs ennemis et ces vers se réalisent à leurs dépends et les plongent dans des douleurs indescriptibles. Parce que la poésie est présente dans ce roman, mais elle a un pouvoir pervers.

Un roman très bien écrit, bien mené, suspens garanti, étonnant. Je l'ai lu jusqu'au bout, malgré le malaise qui m'a poursuivit tout au long de l'histoire, parce que je voulais absolument savoir comment cela se terminait.

Est-ce un songe, est-ce la folie, est-ce des psychotropes ou est-ce le réel ? Quelle est la vérité ? Bien malin qui le sait.

J'avais aimé « la théorie des cordes » de José Carlos Somoza, mais je ne renouvèlerai pas l'expérience avec cet auteur, trop perturbant.
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critiques presse (1)
Elbakin.net
11 juillet 2018
Poétique, sensuel, le récit se lit sans temps mort tout en se construisant une atmosphère originale capable de happer et d’hypnotiser, avec une magie propre et, à l’image de ses Dames, particulièrement terrible aussi.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Elle tourna soigneusement les pages, penchée en avant, la lumière de la lampe plongeant sur le texte. Elle ne s'arrêtait pas à la beauté des mots, la netteté des strophes, l'importance des poèmes ou de leur possible signification. Ce n'était pas ce qu'elle tentait de capter. Elle voulait qu'un vers la BLESSÂT. Elle voulait découvrir dans un mot des reflets de couteau, le fil de la lame de rasoir, la dureté du diamant. Elle voulait trouver un poignard de syllabes pour le plonger dans la poitrine de Saga. Elle était à la recherche d'une balle en argent, d'une ligne qu'elle pourrait charger dans la chambre de sa bouche afin de la tirer sur Saga entre les deux yeux.

(p.512)
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Mais laissez-moi vous dire une chose : le corps humain ne perd pas de temps lui non plus. Tout symptôme a ses raisons, ses motivations. Même les cauchemars sont nécessaires pour que la machine fonctionne. – Il sourit et changea de ton. Vous savez ce que me disait un collègue à ce sujet…? Que ce sont les flatuosités de l’esprit. Disons les pets de l’esprit, pour parler vulgairement. Des résidus d’une sorte d’indigestion. Mais ils n’ont pas d’importance. Ils nous permettent de rejeter notre trop plein… […]
— Les pets de l’esprit produisent parfois de la vraie merde. Désolé pour la comparaison, mais je crois que c’est vous même qui l’avez employée.
Le médecin le regarda de la tête aux pieds.
— Que voulez-vous dire ?
— la maison dont je rêvais est réelle et le crime aussi.

[…]

Il sentit que la panique était une substance froide qui lui avait été inoculée dans le sang.

[…]

Il ne participait pas à l’amusement général. Une terreur grandissante lui glaçait les sangs. Il comprenait cependant ce qui se passait : grâce à cette aventure inédite, César et Susana avaient retrouvé le bon vieux temps et échangeaient des regards complices, des sourires, toute la gamme d’expressions qui constituent le langage privé d’un couple qui se sent à nouveau complice après une période d’éloignement. Il devait les empêcher de s’enfoncer chaque jour davantage dans ce dangereux marécage.

[…]

Nous travaillons avec la mort chaque fois que nous faisons de la poésie. Nous flirtons avec l’horreur chaque fois que nous parlons… Des paroles et des paroles dites au hasard. Imagine combien : celles d’un fou, celles d’un enfant, celle d’un acteur au théâtre, celles d’un criminel, celles de sa victime… Des paroles formant la réalité… Des sons qui peuvent détruire ou créer. Un tapis de sons, un monde de sons ou la poésie constitue le plus grand pouvoir…
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[...] ... La nuit précédente, Rulfo avait dit à Ballesteros que les poètes qui avaient composé des vers de pouvoir étaient relativement peu nombreux. Il avait raison dans l'ensemble. Mais il existait des degrés très subtils. Oma Khayam avait un seul vers dans tous les "Robayat", mais son effet était tel qu'il compensait largement ce manque. Pedro Salinas et Jorgé Guillén, qui n'avaient jamais été inspirés par les dames, hébergeaient d'authentiques bombes dévastatrices dans l'espace de deux ou trois lignes. Byron avait écrit une strophe à l'incroyable pouvoir de destruction, mais il fallait la réciter à l'envers.

Cependant [Raquel] pensa qu'elle ne pouvait perdre son temps avec les plus faibles. Elle devait aller voir directement chez les dangereux.

Le jeune et maladif Isidore Ducasse par exemple, célèbre pour son pseudonyme de comte de Lautréamont, et ses "Chants de Maldoror." Il y avait tant de pouvoir dans ces poèmes en prose que, d'après ce qu'elle se rappelait, une seule vie humaine ne suffisait pas à tout utiliser. Elle trouva une édition originale brochée et la posa sur la table. A côté, elle vit un exemplaire de "The Tower and Other Poems" de Yeats. Elle se rappela que Yeats avait été inspiré par Incantatrix [l'une des Treize Dames], qu'il avait vue pour la première fois en rêve dans son enfance, à Sligo, et ensuite, adolescent, debout sur un promontoire rocheux cerné par les vagues, languissante et vaporeuse comme de l'écume de mer. Elle devait aussi emporter Lorca. Elle supposa que Rulfo devait posséder une bonne édition du "Romancero gitan."

Elle sentait un noeud à la gorge et avait envie de pleurer. Tous ces noms lui rendaient visite, accompagnés de mystérieux souvenirs.

Elle se voyait elle-même en train de regarder à travers les yeux d'un chat tandis que T. S. Eliot composait "La Terre Vague." Elle se rappelait avoir parlé aux aveugles Borges et Homère. Elle conservait une vague réminiscence de tuniques et de torches au cours d'une cérémonie avec Horace. Un jour John Donne avait essayé de l'embrasser. Une fois elle avait observé Vicente Aleixandre dans son sommeil, et à une autre époque et ailleurs, elles avait découvert les yeux de Wordsworth parmi une multitude de gamins jouant en plein air.

Il en avait parfois été autrement. Mais rien de cela n'avait d'importance maintenant. N'avait-elle pas tout abandonné pour une seule chose ? ... [...]
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Puis il comprit que cette apparence était elle aussi une illusion, une illusion friable. Les dames pouvaient être des louves, des guépards, des serpents ou des chouettes. En fait, elles ne possédaient pas une seule forme, c'étaient des choses qui habitaient dans les interstices du langage, des logogriphes profonds.

(p. 496)
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[...] ... Le trajet fut silencieux. Rulfo ne desserra les dents que pour demander la permission de fumer et, de temps en temps, guider le médecin à travers le labyrinthe d'allées solitaires à l'aide d'un plan. Ballesteros comprit qu'ils n'avaient rien à se dire en dehors de l'étrange affaire qui les avait réunis. En outre, l'absence de dialogues lui permit de réfléchir. A la différence de Rulfo, il se considérait comme un homme prudent. Il était étonné de la rapidité avec laquelle il s'était mis à faire confiance à cet inconnu, de même que du caractère insolite de sa propre idée d'aller voir subitement la maison. Pour ce qui était du premier point, cependant, toute son expérience professionnelle lui disait que Rulfo n'était pas fou et ne mentait pas. Il pouvait se tromper mais il essayait de ne tromper personne : sa pâleur était légitime et il semblait aussi déconcerté, aussi exposé à l'incompréhensible que lui. Quant à sa propre idée d'aller voir la maison ... Bon, il soupçonnait qu'à son âge, il pouvait encore se surprendre lui-même.

C'était un quartier résidentiel situé à l'extérieur de la ville. Les noms des rues évoquaient des contes de fées : "allée des Araucarias", "rue des Ormes" ... Mais le paysage, malgré la végétation et le silence, démentait immédiatement cette apparence : murs immenses, grilles, vigiles, alarmes et caméras entouraient tout, cachant les maisons à la vue. Ces dernières étaient à leur tour dissimulées de façon très variable, juste un peu cachées pour les petites, presque invisibles dans le cas des grandes, comme si le degré d'intimité avait présenté un plus grand luxe qu'un système domotique complet.

L'allée des Marronniers était étroite et effectivement flanquée de marronniers, le sol tapissé de feuilles. La lumière du soir était moribonde quand Ballesteros gara sa Volvo devant le numéro 3. C'était le dernier de la rue, de sorte qu'il formait à lui seul une petite place. Un mur d'une hauteur considérable et un solennel portail métallique se chargeaient de décourager les curieux. Des rafales de vent agitaient les feuilles, en leur donnant de délicates impulsions, comme des cordes de cithare. Quelque part un grand chien, peut-être un dogue, aboya.

- "Nous sommes arrivés," dit Ballesteros sans nécessité. Puis il descendit de voiture et s'approcha du portail métallique avec Rulfo. "Par où le dénommé Robledo [l'assassin] est-il entré ?

- D'après toutes les hypothèses, il a sauté par dessus le portail, s'est introduit dans la propriété, puis il a forcé une fenêtre. Lidia Garetti n'avait pas fait installer d'alarme." ... [...]
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