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EAN : 9782266326933
368 pages
Pocket (27/04/2023)
3.88/5   102 notes
Résumé :
Berlin, 1932. Wilhelm Furtwängler est l’un des plus grands chefs d’orchestre allemands. Il dirige l’orchestre philarmonique de Berlin et éblouit son public par son génie virtuose.
1934. Hitler est chancelier et détient tous les pouvoirs, c’est le début des années noires. Le nazisme s’impose et dépossède les artistes de leur art. Les juifs sont exclus de l’orchestre et contraints de s’exiler. La culture devient politique. La musique devient un véritable instru... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
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1954, Rodolphe Meister va diriger la Neuvième symphonie de Beethoven à la salle Pleyel, il arrive en avance pour sentir le public, l'apprivoiser. Succès total, ovation pour le jeune chef.

Le passé revient le hanter : Berlin, les dignitaires nazis qui se targuent de musique et veulent l'utiliser comme outil de propagande, tentant de manipuler pour ce faire le grand chef d'orchestre Wilhelm Furtwängler. Il a rencontré ce génie alors qu'il allait assister à une répétition, sa mère Christa étant une cantatrice réputée. Lorsque le Maître le hisse près du pupitre, Rodolphe remarque qu'il n'est pas à la bonne page de la partition lors de la pause, celui-ci lui explique que le chef doit connaître toute la partition par coeur. Rodolphe décide qu'il deviendra plus tard chef d'orchestre lui aussi.

Durant l'hiver 1932, Wilhelm Furtwängler, qui doit donner le soir-même en concert « le Requiem allemand et Première symphonie de Brahms est sommé de se présenter devant Hitler, déjà persuadé que la victoire aux élections ne lui échappera pas. Ce qui donne une entrevue d'anthologie entre les deux hommes !

Il pense que musique et politique n'ont rien à faire ensemble et que jamais Hitler ne sera élu, puis que cela ne durera pas, c'est impossible, les gens réfléchissent quand même ! Pourtant, il y a déjà des affiches partout, des agressions de personnes juives.

Il va tenter de tenir son cap quand même contre vents et marées, malgré les convocations de Goebbels, ou de Göring qui se détestent cordialement mais sont prêts à unir leurs forces pour intimider, menacer le Maître.

Rodolphe est alors âgé de huit ans, il est amoureux d'Eva, sa nurse, ouvertement pro-nazie, au grand dam de sa mère Christa, toujours en tournée, alors il faut bien lui faire payer ses absences. Elle a compris le danger, tout comme le Premier Violon qui s'exile à Paris. Goebbels tente de la séduire aussi mais, elle ne cède pas, alors il va lui dénicher un grand-père juif.

« Attendre sa mère, attendre sa voix à travers un combiné que retient un fil. Écouter la douceur de cette voix, rien que pour lui, et pas pour un public dans la pénombre. »

Rodolphe a une autre cause de souffrance, il ne sait pas qui est son père, Christa ayant eu plusieurs liaisons en même temps pour tromper l'angoisse, la solitude des tournées où elle a tendance à boire aussi. Autre source de grief.

On va revivre de l'intérieur la montée du nazisme, la prise du pouvoir, la nuit des longs couteaux, la nuit de cristal, à travers les yeux de Rodolphe et de Wilhelm Furtwängler

Christa finit par choisir l'exil à Paris aussi mais la guerre arrive et plus personne n'est à l'abri, tandis que l'entreprise d'extermination des Juifs se met en place inexorablement, la bête immonde ne rampe plus…

Dans le prologue, l'auteur nous prévient que : « seuls, les personnages de Christa et Rodolphe Meister relèvent de la pure fiction, les autres appartenant à l'histoire la plus sombre de l'humanité, celle du Troisième Reich ». Mais Xavier-Marie Bonnot a su leur donner une telle puissance qu'on les sent aussi vivants que les personnages ayant réellement existé.

Une scène est particulièrement intense : les nazis obligent Furtwängler à jouer la Neuvième symphonie pour l'anniversaire d'Hitler alors que celui-ci ne vient pas et il doit s'exécuter devant une chaise vide !

J'ai retrouvé avec plaisir la plume de l'auteur, découvert avec « Les vagues reviennent toujours au rivage » qui m'avait beaucoup plu j'ai encore deux romans dans ma PAL : « le tombeau d'Apollinaire » et « Néfertari dream »

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Plon qui m'ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur et ce livre,vous l'aurez compris est un immense coup de coeur et comme toujours dans ces cas-là, ma chronique me laisse insatisfaite; j'espère vous avoir convaincus que cette lecture est indispensable.

#BerlinRequiem #NetGalleyFrance
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Wilhelm Furtwängler fut un grand chef d'orchestre, peut-être même le plus grand qui dirigea l'Orchestre philharmonique de Berlin ! Cette biographie romancée le raconte pendant la montée en puissance du nazisme jusqu'à la fin de la guerre.

Il n'a jamais voulu s'exiler, n'a jamais voulu quitter son pays, son Orchestre, ses musiciens, juifs pour les plus talentueux ! Il n'avait pas pris la mesure de la détermination des nazis et a fait preuve de pas mal de naïveté à ce niveau, ce qui ne l'empêcha pas de défendre ses musiciens et la Philarmonique. le régime l'a utilisé à des fins de propagande alors qu'il refusât toujours de faire le salut nazi et que sa popularité était quelque part le garant de sa survie !

La peinture faite par l'auteur de Furtwängler est très réaliste jusque dans sa relation à la musique où l'on a pu sentir ses douleurs, ses joies, les messages qu'il voulait faire passer ! Un être hyper-sensible, timide, mal à l'aise en société, tourmenté !

A-t-il eu raison, a-t-il eu tort ? Est-ce possible de savoir ce que d'autres auraient fait à sa place ? Comment imaginer se mettre dans la peau des personnes qui ont vécu à cette période ? Je ne m'autoriserais pas une jugement à ce sujet !

Ce que j'ai beaucoup moins aimé, c'est le langage franchement trop familier qui est utilisé régulièrement et qui enlève de la véracité au récit ! Quant aux personnages créés pour l'occasion, s'il n'y avait pas eu la fin romantico-rocambolesque, je les aurais bien mieux appréciés même si je n'ai pas vraiment compris l'intérêt qu'ils représentaient dans cette histoire !

#BerlinRequiem #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2021

Challenge ABC 2021/2022
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Non, il ne faut pas toujours se fier à sa première impression !
J'avais deux raisons, qui me paraissaient excellentes pour découvrir ce livre ;
tout d'abord son titre, Berlin Requiem, qui a fait gambader mon esprit vers la ville fascinante des années 20 et, sous la botte nazie, épouvantable des années 30 et 40 pour finir vaincue et martyrisée à la fin de la guerre.
et puis ... il y avait Furtwängler un des plus grands chefs d'orchestre du 20è siècle, dont j'imaginais que cet ouvrage allait me permettre d'appréhender la personnalité et le mystère, celui d'un artiste, qui, bien qu'opposé au nazisme, s'est senti incapable de quitter son pays. Pourquoi ?


L'avant propos annonce la détermination du chef dès la prise de pouvoir de Hitler :"fallait-il continuer à faire de la musique sous un régime d'une telle férocité ? Au fond, était-il possible de séparer la musique et l'art de la politique ? Furtwängler estimait qu'art et politique n'avaient rien à faire ensemble et que continuer à faire de la musique sous le régime hitlérien était un acte de résistance." Etait-il aveuglé par sa mission ou tout simplement naïf ?


Hélas, je suis restée cruellement sur ma faim.
En effet, le maestro, tel que nous le décrit l'auteur, n'apparaît comme rien d'autre qu'un fantoche des pontes nazis. Il n'a pas de chair, on ne le sent pas exister ... Jamais l'âme et les tourments de cet immense artiste n'affleurent dans la plate évocation qu'en fait Xavier-Marie Bonnot !
Curieusement les deux personnages inventés par l'auteur, en l'occurrence la cantatrice Christa Meister et son fils, le jeune Rodolphe qui deviendra chef d'orchestre, ont beaucoup plus de réalité ! Xavier-Marie Bonnot leur a transmis une véritable épaisseur, tant physique que psychologique, ce dont est totalement dépourvu Furtwängler, dont la personnalité devrait pourtant éclairer cet ouvrage qui lui est en partie consacré. Ce n'est qu'en toute fin d'ouvrage que l'on sent percer l'humanité du maestro, mais c'est un peu tard !


Bien sûr, l'ouvrage fait le tour (très rapide) des événements essentiels de cette sinistre période : incendie du Reichstag, nuit des longs couteaux, nuit de cristal, rafle du Vel d'Hiv, horreur des camps de concentration et évocation de l'orchestre de femmes du camp d'Auschwitz ....

Mais pourquoi ce titre de Berlin Requiem que rien ne justifie ?
J'attendais une plongée dans la ville, ses malédictions, ses souffrances, les ravages de la guerre et de la folie de ses dirigeants. Mais à part un seul court moment où les musiciens déambulent dans les ruines de Berlin à l'agonie, la ville n'apparaît que comme un décor de carton-pâte !
Alors, passons pour le requiem !
Quant à la musique, à part quelques vagues allusions aux répétitions d'orchestre et la citation des oeuvres de Beethoven, Wagner et Brückner, il n'en est guère question. Tout ce que l'on sait, c'est que Furtwängler vit par et pour la musique, car l'auteur nous le dit, sans jamais nous le montrer ! Jamais au grand jamais, on ne sent battre le coeur de l'Orchestre Philharmonique de Berlin, auquel son chef tenait tant ! quel dommage.

Furtwängler, sa seule défense sera, après guerre, d'invoquer que "l'art doit se placer au dessus de la politique". Défendu par Yehudi Menuhin pour sa protection envers les musiciens juifs de l'orchestre, mais condamné par Thomas Mann, un des géants de la littérature germanique, ayant fui le nazisme dès 1933, qui lui écrit : "vous êtes le plus grand chef du siècle et c'est pour cela que je ne peux pas vous pardonner. Vous ne deviez pas, par votre présence en Allemagne, apporter quelque caution que ce fût, même passive, à la barbarie" page 141.
A chaque lecteur de réfléchir sur le comportement de ce chef d'exception, car Xavier-Marie Bonnot, par son propos, n'aide pas le lecteur à le comprendre !

En outre, pour parfaire le désastre. tout cela nous est conté de manière très factuelle dans un style froid et plat ; c'est sans vie et sans relief. On est loin, si loin des évocations sidérantes de la vie au camp d'Auschwitz dans le choix de Sophie de William Styron. Et sans aller jusqu'au génie de Styron, on est également à des parsecs de l'ambiance pesante et irrespirable que Philip Kerr a su insuffler dans sa trilogie berlinoise et tous ses autres ouvrages consacrés à cette période !

Tout cela, hélas, exhale un relent d'encyclopédie vite digérée et non moins vite retranscrite à la sauce littéraire !
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Voici encore un roman qui enchâsse histoire et fiction.
Ici il s'agit de la période 1933 à 1954, en Allemagne et plus particulièrement à
Berlin.
Trois personnages principaux : le chef d'orchestre Wilhem Fürtwangler , un jeune musicien Rodolphe Meister et sa mère Christa , cantatrice. Ils sont tous nés à Berlin
A ses trois personnages s'ajoute un personnage tentaculaire : le Troisième Reich dont les tentacules ont comme nom : nazisme , Hitler , Antisémitisme, Goebbels , Goering , Camps de concentration.
A partir de cette base Xavier Marie Bonnot va construire un roman où s'entrechoquent des questions essentielles :
Comment Fürtwangler a t il pu rester en Allemagne et accepter la reconnaissance du troisième Reich ?
L'art , en l'occurrence la musique, peut-il être placé eu dessus de la morale ?
Ces deux questionnements sont la pierre centrale du livre. François Xavier Bonnot ne prend pas position. Il rappelle les faits réels de cette époque bouleversée.
A chacun en son for intérieur de dire.
Et l'adage nous rappelle que la musique adoucit les moeurs.
c'est l'autre grand sujet de se roman : la musique allemande de Beethoven à Wagner , Bruckner, Brahms ou Mendelssohn.
Avec Fürtwangler nous sommes au plus près des symphonies et sonates.
La ligne musicale de la neuvième Symphonie de Beethoven s'impose d'elle même. tout comme les envolées de la Tétralogie de Wagner.
Cette musique sublime que le troisième Reich accaparera à son profit.
Cette musique que Fürtwangler mets au dessus de tout , même au dessus d'un exil.
La petite histoire du livre retiendra que la musique n'est pas le seul lien qui unit Fürtwangler et le jeune musicien. Artifice de roman un peu facile mais qui n'enlève rien aux questionnements existentiels.
Un joli roman pour nous rappeler ce qu'était Berlin et la Grande Allemagne , et pour ne pas oublier les persécutions et qu'en ces années noires choix rimait avec exil et perte.
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La question qui émane de ce livre est : l'Art peut-il se placer au-dessus de la politique? 

À chacun d'y réfléchir et d'argumenter.

Il s'agit de l'histoire réelle de Wilhelm Furtwängler, le célèbre chef d'orchestre berlinois, à la réputation internationale, de son cas de conscience lors de la montée du nazisme, la pression de Hitler, Goebbels, Goering, etc…, de ses choix (discutables pour certains), de la fin de la guerre, de la condamnation puis le blanchiment grâce notamment à des voix qui se sont élevées pour défendre l'homme qu'il fut (notamment Yehudi Menuhim).
Et puis la fin artistique douloureuse et l'effondrement d'une vie.

Parallèlement une histoire fictive, celle d'un jeune prodige de la musique et de sa mère, une diva connue.
S'en suivent une description de l'époque, de l'atmosphère, de l'exil, de l'envoi en camp pour la mère d'ascendance juive et de l'orchestre des musiciennes du camp.

La musique est présente dans tous les chapitres, mêlée à la folie nazie (exclusion des musiciens juifs, prestations devant les autorités, participation à l'anniversaire de Hitler, etc…).
Le questionnement est continuel, faut-il abandonner l'orchestre, les musiciens, fuir une Allemagne cauchemardesque ou continuer en espérant une Allemagne qui redeviendra celle des grands poètes et compositeurs? L'art avant toute chose et c'est là que le bât peut blesser. Quid des camps, quid des souffrances infligées? L'art oui mais à quel prix? L'art est politique quoiqu'en dise Furtwängler.

Les non musiciens ressentiront les vibrations qui animent les interprètes et la leçon donnée par le fictif Mayer au futur chef d'orchestre Rodolphe est explicite.

Un « bémol » personnel : je n'aime pas l'Histoire romancée. Quelque chose me dérange dans l'évocation de gestes, de pensées… attribuées à des êtres qui ont vécu.
D'autre part, les grands faits sont intégrés dans l'histoire sans approfondissement.
Je déplore aussi l'absence des sources (citations, lettres, textes en italique…).

Quant à l'écriture même, il m'apparaît que le niveau de langue n'est pas à la hauteur du sujet : comparaisons et clichés, tournures de phrases, longueurs, choix de vocabulaire… le tout créant une dichotomie dans le cadre d'une histoire délicate et douloureuse.
Le chapitre 41 contient un modèle du genre.
En revanche, l'échange entre Furtwängler et Rodolphe recèle d'éléments intéressants sur la direction d'orchestre.
Quant à la fin, elle contentera ceux qui associent roman et sentimentalisme.
En fin de compte livre inégal avec des élans désuets.

Mon avis est donc mitigé tout en reconnaissant que ce livre peut plaire aux amateurs du genre.

Merci à Babelio et aux Éditions Plon pour cet envoi.


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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
L’hiver 1932 est une saison de mauvais augure. Le froid semble avoir figé la crasse de Berlin sur les plaques de neige qui persistent aux coins des rues. Un taxi dépose Wilhelm Furtwängler sur Mohrenstrasse, dans le quartier massif des affaires et des maisons de l’État, chic et bien ordonné. Adolf Hitler l’attend à l’hôtel Kaiserhof, de l’autre côté de la Wilhelmplatz, à deux pas.

Le chef d’orchestre marche un instant, histoire de se détendre. Il n’aime pas rencontrer les hommes politiques et encore moins les nationaux-socialistes. Une jeune femme le dévisage et lui donne un sourire radieux, belle dans la blondeur froide du matin.

Au kiosque à journaux, Furtwängler aperçoit sa photo. Le Berliner Tageblatt annonce le concert qu’il doit donner ce soir, au Staatsoper : Un Requiem allemand et Première Symphonie de Brahms. Une pure merveille, souligne l’article. Un chef au sommet de son art. Les autres canards consacrent leurs unes aux élections législatives. Der Stürmer pend à un papillon de métal. Une caricature, pleine page, représente un homme mal rasé, aux yeux lubriques et au gros nez crochu. Un titre en gothique, rouge et noir : « Les Juifs sont notre malheur ».

L’hôtel Kaiserhof est un immense palace qui date du siècle dernier. Grand luxe et limousines secrètes qui patientent à la porte. La direction ne cache pas ses sympathies nationales-socialistes. Les membres du NSDAP y sont régulièrement invités, le patron est un ami. La chancellerie du Reich se trouve en face. Une place à traverser si jamais les nazis sont élus.

Les élections législatives sont dans deux jours. Adolf Hitler veut connaître les sentiments de Furtwängler vis-à-vis de Bayreuth. Car les relations entre le maestro et Winifred Wagner ne sont plus au beau fixe.

Un an plus tôt, Furtwängler a voulu piloter un avion pour se rendre à Bayreuth, première fois qu’il y participe. Winifred Wagner souhaitait faire un coup d’éclat en invitant Arturo Toscanini, l’immense gloire internationale. L’avion du chef allemand subit des avaries, on manque casser du bois et y rester. Furtwängler arrive en retard pour les répétitions de Tristan. Winifred Wagner n’apprécie pas ce qu’elle interprète comme une regrettable légèreté et encore moins Tietjen, l’administrateur du festival, un nazi convaincu.

Cette année-là, on célèbre l’anniversaire de la mort de Cosima Wagner et de son fils Siegfried. Toscanini tient forcément le haut de l’affiche. Il a précédé Furtwängler au festival et il est de très mauvaise humeur, malade paraît-il, déjà que son caractère n’est pas facile. Les deux chefs n’ont pas tardé à se détester cordialement. Furtwängler s’est taillé la part du lion dans la programmation, à lui l’Héroïque de Beethoven, à Toscanini Une Ouverture pour Faust de Wagner, œuvre mineure pour un maestro de sa taille.

Durant les répétitions, Tietjen ne cesse pas de rapporter les réflexions désobligeantes du chef sur Winifred Wagner. Et puis, Toscanini quitte le festival dans une colère monumentale, parce que du public assiste aux répétitions et qu’il ne le supporte pas, à l’inverse de Furtwängler qui adore ça. Sans parler de cette ambiance brune que le chef italien renifle partout et qu’il déteste. Le soir du concert, Furtwängler dirige comme jamais, des femmes s’évanouissent. On pourrait en rester là mais le chef se permet de critiquer, directement dans la presse, les choix artistiques de la belle-fille de Wagner. Une sorte de crime de lèse-majesté qu’elle ne lui pardonne pas. L’arrogance a ses limites. Furtwängler gagne deux cent mille marks par an alors que Strauss ne dépasse pas les quatre-vingt mille. De quoi se plaint-il en permanence ! Winifred ne décolère pas, le chef à qui elle sert du « très cher ami » s’occupe de tout et tire sans cesse la couverture à lui.

Hitler demande :

– Si nous sommes élus, reviendrez-vous à Bayreuth ?

– C’est une question difficile. La balle est dans le camp de la famille Wagner.

Hitler sourit, une drôle de mimique de garçonnet gêné de poser des questions, un peu gauche dans sa manière de faire des compliments. Furtwängler s’attendait à un personnage impressionnant, un type gonflé d’orgueil et de revanche, un ancien de la Grande Guerre, croix de fer, avec un regard droit et froid, comme on en rencontre si souvent. Les actualités montrent sans cesse un tribun dégoulinant de haine et de sueur, de colère et de revanche. Il se trouve face à un garçon coiffeur qui cherche ses manières, un tantinet efféminé.

– Winifred Wagner est une amie personnelle, dit Hitler. Elle est acquise depuis toujours à la mission historique du national-socialisme. À notre plus grande cause ! C’est elle qui m’a fait parvenir du papier quand j’étais en prison et que j’écrivais Mein Kampf !

Adolf Hitler réfléchit et s’assombrit soudain. Engoncé dans un costume noir de grand prix, il a presque l’air élégant. Furtwängler l’observe, amusé et inquiet à la fois. Il connaît les actions de la SA* et le programme des nationaux-socialistes. Il en croise partout, de ces vauriens en uniformes quand il déambule dans Berlin ou les autres villes d’Allemagne. On a beau lui dire que ce sont tous des battus de la crise, des laissés-pour-compte, il n’en démord pas : tous des voyous et des ratés à qui l’ont fait miroiter les délices du petit pouvoir ! Cette populace saura cravacher les élites, les bons, les intelligents, si jamais elle prend d’assaut la démocratie. De ses yeux bleus pareils à de l’acier, Hitler épie chaque expression du maestro comme quelqu’un qui s’y connaît en hommes et qui sait jauger avec certitude.
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Hitler est un camelot qui ne comprend rien à la musique. Il fronce les sourcils et parle nerveusement, avec un horrible accent autrichien qui trahit ses origines modestes. Son visage dégage une étrange lumière quand il livre quelques sentiments personnels. La conversation dérive sur l'art. Il tient à exposer ses pensées. Le chef d'orchestre l'écoute vaguement.

-Je sais que vous pensez comme moi, Maître. La musique est une source d'émotions et de sentiments qui animent l'esprit. Pou moi, elle n'est que peu qualifiée pour satisfaire la raison. Qu'en dites-vous ?

Hitler fixe Furtwängler quelques secondes. Il transparaît une sorte de passion rageuse quand il s'exprime, quelque chose d'indicible qui force le respect et dicte la crainte.

-J'ai toujours pensé que la musique agit davantage sur les sentiments que sur la raison, dit le maestro pour couper court à la discussion. Mais il ne faut pas négliger la part de celle-ci. C'est pourquoi pour moi l'art n'a rien à voir avec la politique. Il a besoin de liberté, de la même façon que nous avons tous besoin d'oxygène.

Hitler secoue la tête.

-Je ne suis pas d'accord avec vous. Nous avons l'intention de donner à l'art la place qui lui revient de droit dans le cœur des Allemands. L'art, et particulièrement la musique, sera un des instruments de notre politique, pour le peuple.

Hitler laisse son regard planer sur le décor, qui l'entoure, un autre âge, des tables vernies, rutilantes et des couleurs pastel.

-La musique imprègne l'atmosphère de son caractère profond, dit-il. C'est ce que je ressens. Et cette musique atteint son apogée comme nulle part ailleurs dans les oeuvres de Wagner.

Furtwängler préfère Bach ou Beethoven qu'il place par-dessus tout autre musicien. Rien ne dépasse la Neuvième ou la Missa solemnis.
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La musique a des accords que les mots ne peuvent dire, ni même comprendre. Faut- s’y résoudre. Elle est la parole profonde de l’âme, elle ne se trompe pas. Elle irradie de Rodolphe, parce qu’il sait prendre tous les risques et qu’il est de toutes les audaces.
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Berlin. Mars 1946.
Le cinéma aux armées, aux militaires américains envoyés en Allemagne :
Vous verrez de beaux paysages, ne les laissez pas vous tourner la tête. Vous êtes dans un pays ennemi.
Le parti nazi est peut-être dissous mais la façon de penser nazie, le dressage nazi et la tricherie nazie demeurent.
Quelque part dans cette Allemagne, il existe deux millions d'officiers, tous ex-nazis. Ils n'ont plus de pouvoir, mais ils sont toujours là et ils réfléchissent à demain.
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Le Philarmonique a donné son dernier concert le 16 mars 1945. La salle de l'Admiralspalast affichait complet. Jusqu'au bout, le public est venu. Malgré les bombes, même les jours les plus durs, quand Berlin tremblait au point que les lustres de la salle faisaient d'effroyables cliquetis.
Les musiciens se sont séparés le jour même, entre deux alertes, comme on le fait après un enterrement, la mine contrite, en essayant un sourire d'au revoir, sans conviction. On ne sait plus quand on se reverra.
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