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Passer une nuit seule dans un musée : Léonor de Récondo s'est emparée de cette belle proposition de la collection "Ma nuit au Musée" pour raconter l'histoire qui la lie au peintre El Greco. Rendez-vous est donc pris au Museo del Greco à Tolède, afin de rencontrer l'un des plus grands peintres du XVIe siècle. Seule avec son violoncelle, bravant les frontières temporelles et physiques, au-delà des quatre siècles qui la séparent de la vie du peintre, Léonor de Récondo va ainsi passer une nuit passionnée et charnelle avec El Greco.
Sous la chaleur écrasante et envoûtante de Tolède, l'écrivaine nous plonge avec délicatesse dans le destin méditerranéen de Doménikos Theotokópoulos, rebaptisé El Greco. Elle nous invite à voyager au fil de ses propres émotions : le plaisir du retour en Espagne, des retrouvailles avec ses désirs et ses souvenirs familiaux côtoie la recomposition romancée du parcours du peintre, de sa jeunesse crétoise à sa consécration à Tolède en passant par son séjour éblouissant en Italie. La restitution des paysages crétois et vénitiens est sublime, le portrait du peintre et de son expérience créatrice de la solitude est magnifique. La fiction s'autorise quelques atours pour apporter un autre éclairage sur la vie du peintre, à travers une écriture très sensorielle, lumineuse et poétique. Il ne pouvait en être autrement : la passion de l'écrivaine pour El Greco et ses peintures à la puissance divine s'ancre dans une histoire personnelle que seule l'émotion de la rencontre pouvait restituer avec justesse.
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Compositrice de musique de films, Alex décide de quitter Paris et ses précieux amis, Jacques et Margot, pour s'installer dans le Finistère. À 45 ans, la ville ne l'enchante plus et les bruits constants de ses voisins d'appartement l'épuisent. Alex pose son sac à dos dans une maison choisie sur photo, et se crée un nouveau quotidien plus reposant, prenant alors le temps de penser à tout ce qu'elle a vécu jusque-là et à ce qu'elle souhaite faire désormais de sa vie.
Si Les Insolents tourne autour de la figure d'Alex, singulière et décidée, une constellation d'autres personnages gravite autour d'elle. Alors qu'Alex part au bord de la mer, nous découvrons les parts d'ombre de Margot et Jacques, restés à Paris, ainsi que la trajectoire de Léo, un jeune homme qu'elle croise sur la plage lors d'une balade solitaire. Malgré leurs blessures, leurs espoirs déçus et leurs angoisses, tous ces êtres forment ensemble une galerie attachante qui attire la sympathie du lecteur.
Par une écriture apaisée et enveloppante, Ann Scott s'éloigne de la fureur du monde, comme un pied de nez à notre époque où tout va trop vite. Son roman, prix Renaudot 2023, se lit comme une invitation à prendre le large.

« recorded at Château d'Hérouville »… de 1970 à 1985, ces trois mots écrits sur une pochette d'album étaient un gage de qualité ultime. En effet, ce château du XVIIIe niché au coeur de la campagne française a accueilli les plus grands noms du rock venus y enregistrer une flopée d'albums mythiques : Elton John, David Bowie, Iggy Pop, Pink Floyd, mais aussi les Bee Gees (les voix de Staying Alive enregistrées dans l'escalier), Marvin Gaye... Côté français, des artistes comme Higelin ou Lavilliers sont venus y enregistrer leurs futurs disques d'or et cohabiter avec la crème de la musique anglo-saxonne.
Ces années de légende sont racontées par Laurent Jaoui grâce au témoignage de Laurent Thibault, qui fit tourner les studios du château après le départ de Michel Magne, son propriétaire ruiné. L'ouvrage fourmille d'anecdotes incroyables qui réjouiront les passionnés et propose plus de 90 documents totalement inédits (photos, dédicaces des artistes dans le livre d'or du château) pour une immersion totale dans une époque bénie de la production musicale.

En évoquant les dix dernières années de la vie de Maurice Ravel, de 1927 à 1937, Jean Echenoz choisit de mettre en scène un artiste sur le déclin. Il y a certes le Boléro, dont l'immense succès à partir de 1928 repose en partie, selon le compositeur, sur un malentendu. Mais bientôt se font sentir les premiers signes de la maladie, qui contraignent Ravel à s'éloigner de la musique. de renoncements en échecs, Ravel n'est bientôt plus capable que de regarder en arrière. Avec sa concision et son sens habituel des formules lapidaires, Echenoz lui fait simplement dire que "quelque chose ne colle plus".

Le portrait de cet homme qui voit son art lui échapper n'est cependant pas dénué de l'humour insolite propre à Echenoz ni de son sens du décrochage. Primesautier bien que crépusculaire, entêtant - à la mesure du célèbre Boléro -, Ravel, première pierre d'une "trilogie biographique" poursuivie avec Courir puis Des Éclairs, consacrés à Emil Zátopek et Nikola Tesla, garde toute sa légèreté même lorsqu'il évoque les angoisses du créateur face au passage du temps.
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En 1933, deux enfants de dix ans se rencontrent lors d'un concours de piano : Julien Dubois, issu d'une famille fortunée et dont la vocation de pianiste est dictée par sa mère, et Frédéric Simon, un prodige autodidacte encouragé par son père, qui vit dans une grande précarité. Malgré la performance éblouissante de Frédéric, c'est Julien qui remporte le concours. Leurs chemins se séparent ensuite mais ils ne cesseront de se croiser. Entre rivalité, sentiment d'imposture et admiration, le succès et la vie de Julien Dubois évolueront toujours dans l'ombre du fantastique et évanescent Frédéric Simon.
Soixante-cinq ans plus tard, Julien Dubois vit reclus dans sa maison d'enfance. Refusant toute interview lui rappelant un passé cousu de blessures, il finit par raconter son histoire à Adeline, une jeune femme qui se présente comme journaliste, mais dont la véritable identité sera dévoilée dans le dernier chapitre.
A travers un dessin et un scénario emplis de douceur et de poésie, Juan Cavia et Filipe Melo livrent un roman graphique profondément touchant sur le destin d'un musicien dépossédé de son talent au profit d'une gloire destructrice, dont les regrets composent progressivement la partition d'un avenir tendre et apaisé.

Le point commun entre un jeune musicien fauché dont la créativité se retrouve soudainement au service d'un célèbre crooner qui voit sa carrière et sa vie amoureuse s'effacer avec le temps, de vieux amis que plus rien ne semble lier à l'exception d'un amour inconditionnel pour le jazz, un jeune guitariste en quête d'inspiration dans les collines de Malvern, un saxophoniste perdu entre désir de célébrité et résignation ou encore une virtuose imaginaire du violoncelle? La musique, bien sûr, mais aussi le succès, qu'il soit sur le déclin ou à son sommet, cette envie de briller que l'on ose à peine envisager mais qui mue instinctivement toute pulsion créatrice et qui conduit parfois aux décisions les plus insensées. À travers une plume tendre et délicate, Kazuo Ishiguro nous entraîne sur la partition des sentiments, des espoirs et des frustrations de ses personnages, dans un subtil mélange d'humour et de mélancolie. Au fil de sublimes variations de paysages et d'émotions, ces cinq histoires courtes se succèdent et s'entrecroisent à merveille au sein d'un voyage européen et américain, qui s'ouvre et s'achève à Venise et qui mêle brillamment poésie de la rencontre, amour de l'art et moments burlesques. Dans ce recueil remarquablement construit, aucune note n'est laissée au hasard... à l'exception du dénouement de chaque nouvelle, qui s'offre délicieusement à l'imagination du lecteur.

Les romantiques peuvent passer leur chemin : dans le Grand Art, nous ne croisons que des prédateurs sexuels, des rustres, des vaniteux, et des femmes désabusées, cyniques et vénales… Se présentant comme le journal d'une actrice, Rosario Grant, installée dans un hôtel particulier par un des banquiers les plus riches de Paris, ce roman inédit dresse un portrait au vitriol du monde du théâtre et de l'opéra. Un sujet a priori étonnant pour Alexandra David-Néel, exploratrice du Tibet et première bouddhiste de France… Mais avant cela, cette grande érudite a été chanteuse lyrique et connaît donc parfaitement cet univers et ses créatures, à commencer par cette héroïne qui rappelle énormément la Nana d'Emile Zola.
Refusé par les éditeurs en 1902 et sorti des limbes aujourd'hui, le Grand Art entre en très forte résonance avec le mouvement Me Too et décrit une guerre des sexes d'une triste actualité - sauf qu'ici, au lieu de combattre la domination masculine, les femmes composent avec, contraintes à jouer le jeu pour s'en sortir… Il passionnera celles et ceux qui veulent lire une autrice féministe militante et qui n'ont pas peur de se confronter à une réalité dure.
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De sa formation de journaliste, Derek Taylor gardera le sens de la formule et des phrases chocs. C'est certainement ce qui lui permet de faire une entrée fracassante dans l'industrie musicale en 1964 comme attaché de presse des Beatles en pleine gloire. Viré par les fabs four en personne, il s'exile alors en Californie et devient manager de groupes en pleine ascension comme les Byrds ou les Beach Boys. Puis vient 1968, l'année qui le voit revenir en Angleterre pour travailler chez Apple Corporation où il connaît les espérances, les succès et les difficultés de l'entreprise fondée par les Beatles. C'est en 1970 que Taylor rédige ce livre aux allures de journal de bord. Avec son écriture nerveuse et son humour so british, Taylor entraîne le lecteur dans le tourbillon de l'industrie musicale des années 1960 avec ses fans hystériques, ses attachés de presse inondant les magazines d'articles fleuves sur leurs poulains, ses managers dictateurs, sans oublier les fêtes, l'alcool, la drogue. Réédité cette année, Dans l'ombre des Beatles s'adresse à tout fan de cette période folle de l'histoire de la musique !
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Quand on a 17 ans et le sentiment d'avoir déjà tout raté, le rock peut parfois vous sauver la mise ! C'est ce qui attend Morgane lorsqu'elle pousse la porte du label Burning Spirits, après avoir arrêté le lycée. Sa mission est simple : organiser le come-back de Lee-Roy Gordon, véritable star du rock des années 60 et 70. Seulement voilà : le musicien, en plus d'avoir un sérieux penchant pour l'alcool, n'a rien enregistré depuis près de 40 ans… de personnages déjantées en rencontres improbables, Aurélie Gerlach fait le portrait attachant d'un joyeux groupe de passionnés, rythmé par le meilleur du rock anglais !

Héros mythique de la culture noire américaine, John Henry est un ouvrier noir qui a accepté, à la fin du 19e siècle, de se livrer à un concours de terrassement l'opposant à une machine. L'homme gagne, puis meurt d'épuisement. Ce personnage a ensuite inspiré de nombreuses oeuvres dont des chansons et ballades. Dans le roman de Colson Whitehead, une jeune pianiste, Jennifer, découvre ainsi la partition de la ballade de John Henry, de Jake Rose et son pouvoir subversif : “C'est une musique qui ne va pas à l'église, qui dit des gros mots, qui s'habille comme elle veut.” En revenant sur l'histoire de John Henry, sur ceux qu'elle a marqués, et sur ceux qui l'ont exploitée, Colson Whitehead dresse une vaste fresque historique et offre une réflexion sur la mémoire, la culture populaire et sa marchandisation à travers la fabrication d'icônes… Son tout dernier roman, The Undergroud Railroad revient sur l'histoire des esclaves en fuite et du réseau clandestin mis en place par les abolitionnistes pour les aider à fuir vers le Nord. Il décrit les difficultés rencontrées en chemin, comme les mercenaires, les risques de lynchages et les violences infligées aux fugitifs. Whitehead établit un parallèle avec l'extermination des Indiens, rappelant les analyses de James Baldwin sur la violence fondatrice de la nation américaine.
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Alors que l'obscurité se fait sur Vienne, Frantz Ritter se prépare à une nuit d'insomnie. Tenu éveillé par son obsession pour l'insaisissable Sarah, ce musicologue entraîne le lecteur vers l'Orient, au gré d'un brillant voyage artistique et historique.
Mathias Enard, dans le tourbillon d'érudition qu'est Boussole, dessine les contours d'un monde aux mille et une splendeurs et n'entreprend rien de moins qu'une petite histoire des relations entre Orient et Occident. Musiciens, écrivains, peintres ou historiens peuplent cette fiévreuse insomnie d'amour, avec pour point commun leur passion pour l'Est. Les fantasmes de déserts infinis et de sables d'or des orientalistes du 19e siècle se mêlent alors à l'âpre réalité : la rupture de liens séculaires entre les peuples et la destruction de patrimoines inestimables… le chant d'amour qu'est Boussole se propose d'oeuvrer à une réconciliation sur l'autel de l'art et de la sensualité.
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Consacrée à David Bowie, cette dense biographie écrite par Dylan Jones (ancien rédacteur en chef de GQ), adopte le format de la narration par fragments d'interviews, grâce à plus de 180 entretiens compilés, relatant la vie de l'artiste de 1947 à sa mort. L'auteur y livre des témoignages de première main : amis, rivaux, amants et maîtresses ou encore collaborateurs de l'artiste, certains s'expriment pour la première fois. On s'amuse alors à picorer dans nos périodes préférées du plus grand showman de l'histoire de la pop, en découvrant des anecdotes parfois totalement inédites, même pour les fans les plus avertis (la descente aux enfers de 1975 particulièrement détaillée, mais aussi la dernière année de Bowie que peu de collaborateurs de l'artiste avaient renseignée). Un must have pour compléter la biographie référence écrite par David Buckley (Une étrange fascination) dont le seul défaut est de s'arrêter au début des années 2000.
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Vous voulez tout savoir sur Leonard Cohen ? I'm Your Man retrace son extraordinaire itinéraire. Enfant de la bourgeoisie juive canadienne, poète post-Beat, singer-songwriter majeur, séducteur mal dans sa peau, moine bouddhiste, star ruinée... Cohen devient sous la plume de Sylvie Simmons un personnage romanesque.

La biographe évoque avec une grande délicatesse la personnalité complexe et la vie mouvementée de l'artiste, revenant sur ses pas, du quartier de Westmount à Montréal à l'île grecque d'Hydra, en passant par Israël en pleine guerre du Kippour. Les fans de Cohen dévoreront cet imposant volume, les autres découvriront un destin fascinant !
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Au Canada, dans la banlieue métissée de Scarborough, Francis et Michael, deux jeunes frères, vivent un quotidien marqué par le racisme et les violences policières. Elevés seuls par une mère au bord de l'épuisement, ils cherchent leur place dans une société brisée par les inégalités. D'une voix blanche, c'est Michael qui nous raconte l'histoire - ses bribes de souvenirs, les couleurs et les sons. Entre passé et présent, il déroule le fil noueux d'une existence qui a mené au drame. Emouvant récit à l'absent et à l'amour fraternel, 33 tours explore ce que la brutalité du monde craquelle en chacun de nous. de ces blessures profondes, David Chariandy tire un livre étonnamment apaisé, comme un lumineux retour à la vie.