::: lu pour Masse critique ::: merci à Babelio, Mialet-Barrault et l'auteur pour ce plaisir :::
On pourra jouer à chercher/trouver/vérifier les points communs entre l'auteur
Jean-François Kierzkowski et son narrateur François Korlowski. Tous deux approchent la cinquantaine, sont natifs de Saint-Nazaire et habitants de Saint-Mars-du-Désert (ce toponyme ! s'il n'existait pas il faudrait l'inventer). Des points communs biographiques principalement.
Bien sûr ils sont aussi écrivains tous les deux. Mais Jean-François (l'auteur) a doté François (le personnage) d'une personnalité qui frôle le ridicule, et je suis gentille. Il est agaçant de bêtise et de fatuité, ce pauvre François : vous n'imaginerez jamais dans quelles situations rocambolesques il va aller se fourrer, c'est ça qu'est drôle ! Une manif d'indépendantistes bretons d'extrême droite, une battue au sanglier, un cocktail de salon du livre à La Baule, une chasse à l'homme dans
la Brière...
Justement,
la Brière, parlons-en.
François Korlowski est un écrivain ni très prolixe ni très lu, alors quand son éditeur l'appelle pour lui annoncer qu'il a été coopté pour un collectif sous la haute autorité
De l'Académie Française, il se gonfle d'orgueil, ne pose pas de questions ou alors pas les bonnes, et fonce tête baissée. Il s'agit, lui dit son éditeur qu'il n'écoute pas bien, de rédiger une note de lecture succincte d'un des Grand Prix du roman de l'Académie décernés depuis 1914 à nos jours. Une centaine d'auteurs français coopèreront à cet ouvrage de prestige qui sera publié pour les fêtes de fin d'année 2023. On l'a apparié au prix de l'année 1923 :
La Brière, d'Alphonse de Châteaubriant (1877-1951).
Il ne connait ni le roman, ni l'auteur, mais il est plein d'enthousiasme, et
la Brière c'est pas loin, ce sont des marais comme ceux qu'il a près de chez lui, en bordure de l'Erdre.
L'air de rien, tout en raillant les mésaventures de son héros,
Jean-François Kierzkowski nous mène par le bout du nez et nous en apprend beaucoup sur la littérature de l'entre-deux-guerres.
En effet,
Alphonse de Châteaubriant avait connu un succès considérable avec
La Brière, un peu comme
Louis-Ferdinand Céline avec le
Voyage au bout de la nuit.
Sous prétexte des recherches que finit par faire son personnage qui n'avait même pas pensé à consulter Wikipedia,
Jean-François Kierzkowski livre une biographie d'Alphonse de Châteaubriant très documentée.
J'ai lu
D'un château, l'autre il y a longtemps, mais je n'avais pas retenu l'extrait dans lequel Céline raconte sa rencontre brève mais inénarrable avec
Alphonse de Châteaubriant à Sigmaringen ! Merci pour cette (re)découverte.
Ailleurs, au détour d'une hilarante comparaison entre la vie conjugale d'Alphonse et celle de François Korlowski (hommes se disant mal épaulés, sous-estimés par des épouses dédaigneuses ne satisfaisant pas leur appétit intellectuel...), on apprend (pour moi un véritable scoop) que l'historien
André Castelot a été le secrétaire de Châteaubriant lorsqu'après avoir abandonné Marguerite, sa légitime, il avait fini sa vie auprès de Gabrielle Castelot, mère d'André.
C'est un livre composite (action, humour, érudition...) mais il ne faut pas en déduire que la narration soit morcelée. Tout se tient très bien : la folle aventure de François Korlowski, le roman du roman (le narrateur déborde largement du contrat éditorial initial), la biographie de Châteaubriant, la moquerie du milieu littéraire, le dézingage du complotisme (le narrateur n'est pas loin de croire à l'influence du réchauffement climatique sur la domination progressive et inéluctable de l'animal sur l'homme, à preuve les moustiques ou marcassins mutants qu'il voit partout !).
On se régale des running gags et tics d'écriture (rappel peu nécessaire : elle est sensée être celle du narrateur). L'écrivain se délecte à fournir la description détaillé genre fiche du constructeur pour les voitures, et surtout, à réutiliser les nombreux termes nouveaux qu'il a trouvé au fil de sa lecture de
la Brière ; l'effet comique culmine dans la note bibliographique finale enfin rédigée qu'il délivre à la fin du roman.
Mon conseil à qui viendrait à visiter
la Brière pour la première fois : ne lisez pas
La Brière d'Alphonse de Chateaubriant en premier, lisez d'abord Portrait d'écrivain en chasseur de sanglier de
Jean-François Kierzkowski ! C'est beaucoup plus drôle !
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