Mon chauvinisme lyonnais ne m'aveugle pas au point de vouloir faire de
Bernard Pivot un écrivain. Certes il a rédigé de nombreux ouvrages, ayant moult choses à nous dire sur la langue française et sur la littérature. On peut donc aligner 23 publications signées
Bernard Pivot sur une étagère.
Ces livres se sont certainement bien vendus car l'auteur bénéficie d'un immense capital de sympathie. Son métier de journaliste l'a conduit à rencontrer, interpeller, interroger, bousculer parfois, de grands auteurs, des personnalités du monde de l'édition. Et pourtant, il reste un provincial, besogneux, modeste, jamais oublieux des siens, et artisan dans l'âme.
C'est là son génie. Une sorte de
Pagnol du journalisme, amusé par la vanité de ses contemporains, bienveillant, jamais complaisant, gardant la mémoire de ses polissonneries, et sachant mieux que personne mettre en valeur ses personnages. Je le soupçonne de céder au plaisir d'enjoliver ses anecdotes, mais sans tomber dans les excès d'un Marseillais.
Il a su cependant résister à la tentation de devenir un homme de pouvoir, et préfère, en qualité d'académicien Goncourt, récompenser les jeunes auteurs et se délecter des déjeuners mensuels chez Drouant, dont il nous donne un aperçu. Quelle leçon de sagesse! Et quel bel appétit pour les plaisirs de l'existence.
Du fauteuil où il poursuit ses lectures, notre Président nous jette un regard derrière ses lunettes, un peu fatigué, poursuivant
D Artagnan, Moby Dick et Tom Sawyer, parcourant avec eux les chemins bienheureux de l'enfance.