Toute sa vie, Jacqueline de Romilly s'est consacrée à la littérature grecque ancienne, écrivant et enseignant soit sur les auteurs de l'époque classique, soit sur l'histoire et l'analyse des idées dans la pensée grecque. Sur la fin de sa vie elle va écrire des textes plus intimes et aussi plus accessibles, dont « Les roses de la solitude », qui, à sa demande, seront édités après son décès.
Dans cette ultime quête, c'est sa mère, elle même écrivain, qui l'inspire. Dans Les Roses de la Solitude, six courts récits brodés autour de l'idée du souvenir, elle confie : « Ecrire ces souvenirs, c'est aussi les revivre » et évoque des objets familiers (une statuette, un cadre…) dont chacun porte la trace de ce qui fut sa vie.
Un doux et lumineux regard de cette femme âgée, plus de 90 ans, qui a été un modèle d'engagement pour servir la cause du grec et de la langue française.
Ce livre a été écrit ou dicté par l'auteure qui avait alors plus de quatre vingt dix ans et était très sourde et devenue aveugle.
Dans sa pièce préférée, une grande bibliothèque - salon où elle passe la majeure partie de son temps elle se met à penser à tous les objets qui l'entourent depuis des années et les souvenirs refont surface.
Beaucoup de questions toutes simples que l'on commence à se poser en vieillissant jalonnent ces pages toutes simples où la mélancolie tient une large part.
C'est doux, c'est tendre ; ce sont des souvenirs et des rêveries qui vous effleurent l'esprit et vous font encore et toujours apprécier la vie.
Il faudra que je pense à le relire dans 10 ou 20 ans si j'ai le bonheur encore de pouvoir le faire et de vivre assez longtemps pour cela.
Parce que la vieillesse n'est pas pour les mauviettes (j'ai lu cela quelque part, je ne me souviens plus où).
Quelques souvenirs de Jacqueline de Romilly, la célèbre helléniste, écrits ou plutôt dictés quelques années avant sa mort alors qu'elle était presque aveugle. Retour sur l'amour de sa vie (Thucydide ! ), sur l'importance de la littérature (Racine en particulier), sur le savoir qu'elle recherchait jeune et surtout réflexions sur la vieillesse. C'est cette partie qui est la plus émouvante. Pour tous ceux qui ont peur de vieillir (de la grande vieillesse, pas des rides et des cheveux blancs), le livre est à la fois une leçon d'espoir et de désespoir. Le temps détruit tout et fait disparaître tous ceux que l'on a aimés et ça c'est tragique. Pourtant, Jacqueline de Romilly s'efforce de cultiver le courage, l'optimisme. Elle évoque l'importance des rapports humains, de la bienveillance, de la solidarité humaine. Tout cela l'approche de la mort, le rend plus précieux.
Il va falloir que je me surveille, deux livres de Madame de Romilly dans la même semaine, à ce rythme-là ma provision d'émerveillement va fondre comme neige au soleil.
« Objets inanimés avez-vous donc une âme ? » Sans doute puisque bien des objets de notre vie quotidienne sont souvent « chargés » de souvenirs. Jacqueline de Romilly en choisit six pour en faire le point de départ de menus voyages dans ses souvenirs, prétextes pour nous offrir un brin de sa sagesse sur le temps qui passe, sans nostalgie.
Quand une helléniste distinguée, académicienne de surcroît, vous fait part dans son grand âge des réflexions que lui inspirent divers objets de la chambre dans laquelle elle passe désormais le plus clair de son temps, vous ne pouvez refuser de la lire. Et vous avez bien raison !
Dans une langue parfaitement dominée (Ô combien !), en partant d'un de ces petits riens que l'on ne regarde plus à force de les avoir devant nous, Jacqueline de Romilly fait fleurir sous nos yeux émerveillés plusieurs "roses de la solitude". Elle nous prépare ainsi, quand notre tour sera venu, à nous contenter d'un regard curieux combiné avec une attitude bienveillante pour naviguer dans nos souvenirs et y respirer le parfum qu'ils diffusent encore.
La plupart des plantes ont besoin d'être enracinées et ne sauraient fleurir sans terre ; mais il en est, comme les orchidées, qui s'épanouissent sur quelques morceaux d'écorce. La rêverie fleurit sur le souvenir.
C'est un des grands cadeaux que nous fait la littérature que de nous guider sur des terres où l'ennui n'existe pas. Même sans bouger de votre fauteuil ou de votre lit, vous pouvez faire de merveilleux voyages. Si, de plus, votre cicerone est pétri d'intelligence et de talent, l'aventure sera sûrement belle et vous garderez longtemps en bouche le plaisir sucré procuré par les réminiscences cueillies pour vous être offertes.
Merci Madame.
Le problème n'est pas , en effet, de découvrir qu'on peut être content un jour d'entrer, un jour de sortir, un jour d'aller vers le dehors et un autre de s'enfermer dans une pièce bien close. La belle affaire ! Le vrai problème vient de l'ardeur et de l'intensité que je mets dans cette double réaction. Pour que j'aie remarqué cette joie rapide à fermer mes rideaux sur ma pièce parisienne, ou bien, pour que j'aie cette extase perpétuelle à Aix , quand je m'élance vers la beauté des paysages, promesse de toutes les beautés, il faut bien qu'il y ait quelque chose de plus, quelque chose qui me soit personnel et qui ne soit pas la banale alternance que chacun connaît.....
Tout à coup cela est devenu clair : c'est la perspective de la mort à venir qui double ainsi de joie ces deux impulsions contraires...il me faut en profiter encore; il ne faut pas oublier, parce que c'est peut-être la dernière fois ; il faut m'émerveiller, parce que je sais tout bas, sans vouloir me l'avouer, que cela ne durera pas très longtemps....La certitude d'une fin à venir peut être, sans que l'on s'en rende compte, un étrange stimulant...
"Je peux encore" : c'est ainsi que spontanément je m'exprime ; mais le mot va puiser très loin, en des profondeurs sur lesquelles je ne m'arrête pas....L'angoisse et l'émerveillement sont étroitement entrelacés, comme deux tiges de vigne vierge, impossibles à détacher l'une de l'autre...
Car c'est cela les vers ! Ils constituent un langage littéraire, qui nous détache du monde réel et des habitudes quotidiennes. Ils se répètent, s'enchaînent, se glissent dans la mémoire. Et ce n'est pas un hasard si, dès l'Antiquité, les oeuvres littéraires ou tragiques ont eu recours à ce langage d'art. Les vers agissent comme une sorte d'envoûtement ; en les recevant ainsi directement, juste pour moi, dans le silence de l'après-midi, j'avais reçu leur message et j'avais trouvé ma joie dans ce texte (Bérénice) plus que jamais auparavant.
551 - [Le Livre de Poche n° 30950, p. 65]
À propos d'un cadre photo offert par un ami " dont chaque mot et chaque geste était porteur de poésie" :
Vous n'avez qu'à le laisser vide et vous imaginerez, chaque fois, le visage que vous aimeriez voir, le visage dont vous rêvez.
Le reste de ce qui fait ma grande pièce me vient des autres : presque tous les meubles viennent de ma belle-famille, les coussins sont l’œuvre de ma mère, les livres ont été accumulés à travers le temps, depuis ma jeunesse ; il y a des cadeaux, il y a des livres de travail, il y a des vieilles éditions au dos brun et autres titres d'un or un peu terni ; il sont comme les témoins de ma vie.
2038 - [Le Livre de poche n° 30950, p. 133]
Et j'étais comme complice de ma propre naïveté (à propos de ses rideaux neufs ...)
je m'en amusais en secret.
Il faut dire que les faiblesses et toutes les maladresses
dont certaines me viennent des infirmités de l'âge,
m'amusent moi-même.
Il m'arrive de verser de l'eau dans une bouilloire sans voir quele couvercle est posé dessus et ..... page 138
numéro comique ...
et je m'en amuse.
En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.