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EAN : 9782070425839
Gallimard (16/11/2023)
3.84/5   46 notes
Résumé :
L'inspecteur Rogas est chargé d'élucider une mystérieuse affaire : une série d'assassinats commis dans plusieurs villes et dont toutes les victimes sont des juges. Rogas suit diverses pistes dont certaines lui font découvrir d'étranges collusions entre le chef du Parti révolutionnaire d'opposition et les hauts fonctionnaires du gouvernement en place. Rogas a, depuis le début, deviné qui était le vrai coupable : un innocent injustement condamné qui, sa peine purgée,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Si on commence à trucider des magistrats (presque en série), c'est que l'heure est grave, même à un endroit où règne une organisation appelée Mafia et où les excès de violence sont plus fréquents que chez nous - Grazie a Dio ! le ministre de la sécurité charge l'inspecteur Amerigo Rogas de mettre illico presto fin à ce carnage insolite, tout en spécifiant qu'il ne s'agit pas de se montrer trop pointilleux sur les méthodes employées, pourvu qu'à travers la magistrature le régime ne soit pas éclaboussé.

Les cinéphiles parmi vous ont probablement vu le film que le régisseur Francesco Rossi a tiré de ce livre, sous le titre "Cadavres exquis", en 1976, avec Lino Ventura dans le rôle de l'inspecteur Rogas, avec à ses côtés Marcel Bozzuffi et étrangement l'acteur suédois Max von Sydow, immortel depuis sa performance dans "Le Septième sceau" d'Ingmar Bergman.

Attention ! "Le contexte" est beaucoup plus qu'un vulgaire polar, son auteur, Leonardo Sciascia, beaucoup plus qu'un scribouillard de romans noirs et le contexte se réfère à la période qualifiée de "les années de plomb". Trois raisons donc de ne pas vous contenter uniquement du film, malgré la prestation admirable de Lino Ventura.

Car :
1) Cet ouvrage est avant tout une analyse des moeurs politiques et par extension une étude de société.
2) L'auteur, Leonardo Sciascia (1921-1989), était un essayiste, écrivain, journaliste et homme politique d'origine sicilienne.
3) Les années de plomb désignent la période de violence, après 1968, provenant des groupes d'extrême gauche et droite, surtout en Allemagne avec la Fraction armée rouge ("Rote Armee Fraktion" ou RAF) ou le groupe Baader-Meinhof et en Italie les Brigades rouges ("Brigate Rosse") avec comme point culminant l'enlèvement et l'assassinat d'Aldo Moro, ancien Premier ministre et président du parti Démocratie chrétienne, en 1978.

Ce qui ne veut pas dire qu'on a à faire à un essai rasoir, puisque après tout, en très peu de temps, un procureur et 4 juges sont brutalement abattus d'un coup de revolver en plein coeur et qu'Amerigo Rogas mène bel et bien son enquête, quand bien même selon sa façon personnelle, assurément peu orthodoxe.
Notre inspecteur est persuadé que cette mini-hécatombe porte le signe de la vengeance et se met à éplucher les dossiers du tribunal pour trouver la personne qui pourrait avoir des motifs pour se venger contre ces magistrats. Lorsqu'un 6ème magistrat est assassiné à Rome cependant, en haut-lieu on le rappelle à l'ordre, lui faisant comprendre qu'il perd son temps et qu'il ferait mieux de concentrer ses recherches sur les groupes d'extrême gauche.

Qui a raison ? À vous de le découvrir, chers amis lecteurs, en lisant ce bref roman de Leonardo Scascia, de seulement 133 pages.

Leonardo Sciascia est un homme pour qui j'ai eu beaucoup de respect. Lorsqu'il était membre du Parlement européen (de1979 à 1983), j'ai eu la bonne chance d'avoir 3 ou 4 "bavardages" avec lui et j'ai été impressionné par sa vaste culture : surtout sa connaissance de la littérature classique française était particulièrement étendue. Aussi dans "Le contexte", il ne peut s'empêcher de se référer à Montaigne, Pascal et Stendhal. Poète à ses heures, dans cet ouvrage vous trouverez également un poème de lui de 4 pages. Tel que j'ai pu l'observer, c'était un homme ouvert, pondéré et d'un calme qui faisait penser au flegme britannique. Un Méridional qui choisissait ces mots avec soin, sans gestuelle. Je dois admettre que j'utilisais plus mes mains pour m'expliquer que ce grand Sicilien.

Toute sa vie, il a été fort préoccupé des moeurs politiques et de la violence dans son pays et son île. Pas étonnant, dès lors, qu'il ait siégé dans la commission d'enquête parlementaire sur l'assassinat d'Aldo Moro. Ses inquiétudes se retrouvent aussi reflétées dans beaucoup de ses oeuvres. Cela est notamment le cas de "Actes relatifs à la mort de Raymond Roussel", "À chacun son dû" et bien sûr " L'Affaire Moro".

Comme grand admirateur de la littérature française, il a insisté pour que sur son tombeau soit gravée une phrase de Villiers de l'Isle-Adam : "Nous nous souviendrons de cette planète".

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Une ville qui n'est jamais nommée dans un pays mystérieux, un fait divers, une série de meurtres, une injustice, un commissaire un peu trop cultivé, quelques hommes politiques véreux et des magistrats sûrs d'eux… Un contexte général, qui paradoxalement renvoie à une situation particulière malheureusement bien familière.
Autour d'un fait divers, autour d'une série de meurtres, viennent se greffer les sinistres pantalonnades des luttes de pouvoir, le jeu sans cesse renouvelé des oppositions politiques.
Et pendant que les puissants essuient leurs mains sales sur la robe de la Justice, un homme écrasé par la rancoeur fait cavalier seul, réparant lui-même dans le sang les dégâts d'une erreur judiciaire. Comme un ultime affront, la paternité de ses crimes ne lui sera pas même attribuée, l'injustice subie restera souterraine, tant il serait dommage de ne pas s'emparer d'une si belle occasion de pouvoir acculer ses opposants politiques…
Qu'importe le sort des petits, qu'importent les destins brisés et les vies piétinées, face au plaisir de mettre en scène, sous un si beau soleil, le jeu véreux de la quête du pouvoir.
Une ville qui n'est jamais nommée dans un pays mystérieux, un banal fait divers, qui nous renvoient une image malheureusement aussi précise que familière. Rester dans le flou, le général et l'anecdotique et parvenir à dénoncer un contexte précis de corruption politique, voilà bien le génie de Leonardo Sciascia.
Grazie mille all'esperta di letteratura italianna mireille.lefustec che mi ha dato l'occasione di leggere questo romanzo in VO. 😊
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A chacun son métier. Celui de commissaire est de trouver le criminel. Ainsi Rogas qui enquêtait sur une série de meurtres de juges découvrit que le criminel était un certain Crès, pharmacien ayant subi une injustice pour laquelle il avait été incarcéré 4 ans. Cette erreur judiciaire monumentale motiva sa vengeance à sa sortie de prison contre ces juges qui s'étaient trompés et ne l'avaient pas acquitté. Puis Crès avait disparu de la circulation et changé d'identité. Rogas eût le plus grand mal à découvrir que sous le nom de Ribeiro, commerçant portugais, Crès s'apprêtait à jouer le dernier acte de sa vengeance programmée en tuant le haut magistrat lui-même.
Ce récit à la Simenon décrit le milieu bourgeois morne et hypocrite de ce Crès, pharmacien, dont le couple mal assorti avait dû trop longtemps sauver les apparences : lui était un ours misanthrope qui lisait « le Souterrain » de Dostoïevski tandis que sa femme aspirait à la liberté.
Mais l'intrigue tournerait à la série B de TV si la violence contre les juges commise par cette ex-victime de la Justice ne tombait pas à pic pour être récupérée par les politiques, trop heureux de cette aubaine pour scénariser leurs propres affaires de chef de partis.
Soudain, le commissaire Rogas ne fait plus son métier de fin limier policier qui traque le bandit ou l'assassin. Cette sombre affaire qui pour lui s'enracine dans un drame domestique et passionnel revêt aux yeux de sa hiérarchie l'attrait d'une cause supérieure. Rogas, malgré son esprit de finesse, son intelligence déliée et sa sensibilité lettrée, n'adhère pas et s'inquiète des vrais raisons de ce déplacement du scénario.
Au final, au nom de l'ordre public et du jeu bien compris des partis qui gouvernent tout en s'opposant apparemment, Rogas est embarqué dans une autre vengeance, celle fomentée contre un leader révolutionnaire, et dont il fera personnellement les frais : la tuerie simultanée du commissaire et du rebelle après celle des juges auront servi de prétexte et de couverture.
Ce roman raconte comment réussit l'instrumentation d'un fait divers et son opportun maquillage au service d'un règlement de compte entre puissants qui ne veulent pas laisser la place à celui qu'ils n'ont pas choisi.

© Patricia JARNIER- Tous droits réservés- 3 février 2013
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Dans le ContexteLeonardo Sciascia met en scène le Commissaire Amerigo Rogas, un homme qui a des principes dans un pays où plus personne n'en a. Il enquête sur une hécatombe touchant des juges ; tous tombent comme des mouches fauchés par de mystérieuses balles. Parce qu'il est chevronné, intelligent, fin lettré aussi, Rogas envisage rapidement la piste d'un pékin lambda, victime d'une erreur judiciaire et qui se vengerait d'avoir été injustement condamné par une aveugle justice.


Mais dans un pays imaginaire où les collusions et alliances contre-nature vont bon train, ne vaudrait-il pas mieux attribuer ces crimes aux nombreux groupuscules de toutes origines et aux dos très larges, qui pullulent, plutôt qu'à un banal fou furieux ? Peut-être. Ou pas. Tout le monde s'en mêle jusqu'aux plus hautes autorités, justice, sûreté nationale, cour suprême, police dont les ardeurs s'éteignent à l'approche d'une zone d'ombre, et jusqu'au président de la république. Les têtes à claques de journaleux diffusent servilement les éléments de langage fournis par le pouvoir. Il s'agit d'un pays imaginaire, l'auteur insiste, où pour ne pas courir le risque d'une révolution, on invente une raison d'Etat qui couvre tout ce que la populace électrice n'a pas besoin de connaître. Ceux qui ont vu Cadavres exquis, adaptation cinématographique réalisée par Francesco Rosi en 1976 avec Lino Ventura se souviennent du sort réservé au Commissaire Rogas.


Dans une courte note en fin d'ouvrage Leonardo Sciascia précise que ce texte est une parodie, c'est à dire le travestissement burlesque d'une oeuvre sérieuse, dont l'origine est un fait divers. L'auteur a porté le roman policier détourné aux fins de dénonciation politique au rang d'un art, son écriture est limpide, sa pensée synthétique, ses observations servies par son érudition, sur la justice, sur le pouvoir qui prend peu à peu la forme d'une chaîne de connivences, approximativement la forme d'une mafia, ne s'arrêtent pas aux frontières de la Sicile ou de l'Italie mais ont une portée universelle et intemporelle. Elu député du Parti radical italien au Parlement en 1979, Leonardo Sciascia a participé à la commission d'enquête parlementaire sur l'assassinat d'Aldo Moro.
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Ce roman est né du comportement mafieux se propageant bien au-delà de la Sicile, de son infiltration dans le monde politique,jusqu'au pouvoir déjà en crise causée par des forces contestataires développées en 68.
Le protagoniste en est l'inspecteur Rogas,qui s'emploie à découvrir les causes des assassinats de plusieurs magistrats. Ses suspicions sur la culpabilité d'un certain Cres ne sont pas prises en considération tandis que par ailleurs, divers contacts portent à sa connaissance certains aspects préjudiciables de l'action du gouvernement en collusion avec les opposants et l'incapacité des forces de police à accomplir leurs devoirs.
Sous la fiction sont évidentes les accusations contre le monde judiciaire et politique italien,tant aux forces du pouvoir qu'aux communistes et groupuscules contestataires.
Dans cette critique,on note beaucoup d'ironie pour atteindre la mesquinerie et la lourdeur des magistrats et des membres du gouvernement.
Mais "le contexte" a un sous-titre :"une parodie"
Sciascia admet s'être inspiré d'un fait divers. Une erreur judiciaire qui a envoyé en prison un mari gênant par une femme fourbe et malhonnête.
Le pays dans lequel se déroule l'action est imaginaire mais,quand la situation s'aggrave, le divertissement en question cesse d'amuser son auteur qui laisse échapper:"on peut aussi penser à l'Italie,on peut aussi penser à la Sicile."
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La lumière, la couleur (y en a-t-il, d'ailleurs?), les situations, les péripéties, les détails peuvent être siciliens et italiens; mais la substance (si elle existe) veut être celle d'un apologue sur le pouvoir dans le monde, sur le pouvoir qui, de plus en plus et graduellement, prend la forme obscure d'une chaîne de connivences, approximativement la forme de la mafia.
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- Mais la confession ...
- Si vous donnez à ce mot un sens religieux et non pas technique, la confession d'une faute de la part de celui qui ne l'a pas commise, établit ce que j'appelle le circuit de la légitimité. Est vraie la religion, est légitime le pouvoir, qui rendent l'homme à son état naturel de culpabilité : dans son corps et dans son esprit.
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Le procureur Varga était occupé par le procès Reis qui durait depuis environ un mois et se trainerait vraisemblablement au moins deux mois encore,lorsque,par une très douce soirée de mai,après dix heures,mais pas plus tard que minuit,(...)on l'assassina.
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Dans notre système le signe du pouvoir est le mépris. Les hommes d'Amar font tout pour le mériter et ils auront le pouvoir. Quand ils le posséderont, ils sauront le légitimer. Car, si le système permet d'arriver au pouvoir par le mépris, c'est l'iniquité, l'exercice de l'injustice, qui le légitime.
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L'appel au bon sens , l'ironie :toutes choses qu'un accusé ne doit jamais se permettre.
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Videos de Leonardo Sciascia (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Leonardo Sciascia
Le 1.10.2022, Hubert Prolongeau présentait “Actes relatifs à la mort de Raymond Roussel” de Leonardo Sciascia dans “Mauvais Genres” (France Culture).
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