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EAN : 9782757803103
121 pages
Seuil (06/09/2007)
4.02/5   462 notes
Résumé :
Ce n'est pas un hasard si nous voyons rouge, rions jaune, devenons verts de peur, bleus de colère ou blancs comme un linge. Les couleurs ne sont pas anodines. Elles véhiculent des tabous, des préjugés auxquels nous obéissons sans le savoir, elles possèdent des sens cachés qui influencent notre environnement, nos comportements, notre langage, notre imaginaire.

Les couleurs ont une histoire mouvementée qui raconte l'évolution des mentalités. L'art, la ... >Voir plus
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Ô, LA BELLE BLEUE ! Ô, LA BELLE ROUGE !

Quoi de plus universel, quoi de plus anodin, quoi de plus neutre que les couleurs, penserez-vous peut-être ? Et bien, détrompez-vous, car c'est à peu près tout le contraire : rien de plus lié à son époque, à son ère géographique, aux us et coutumes, aux religions, aux modèles sociaux et, bien entendu, aux sciences, aux modes de fabrication et de reproduction que nos couleurs !

Sous la forme d'un amical entretien d'un peu plus de cent pages passionnantes, le grand historien, médiéviste de renom, spécialiste des... couleurs, mais aussi paléographe et héraldiste de renom Michel Pastoureau se livre, avec la passion, le sens de la formule et une clarté jamais mise en défaut, à un rapide mais enthousiasmant petit survol de l'histoire des principales couleurs qui ont marqué l'humanité à travers les âges, les cultures (les différences de perception, d'usage, d'interprétations symboliques sont encore notable entre l'Asie et l'Occident d'aujourd'hui, pour ne prendre que ce distinguo), les sphères sociales, les utilisations. Évitant toute froide érudition, Michel Pastoureau répond ainsi aux questions choisies avec intelligence et curiosité par le journaliste, écrivain, essayiste, journaliste et amateur d'art Dominique Simonnet dont les interventions relancent et rythment cet échange plein d'esprit et de subtilité.

Ainsi, on prendra conscience de cette espèce de guerre culturelle que se livrent le rouge et le bleu à travers notre histoire. Que si le jaune est une couleur plutôt mal perçue chez nous - cocu un jour, cocu toujours...- malgré la promotion réalisée par un certain maillot cycliste, il n'en est franchement pas de même en extrême Orient où cette couleur vit des jours plutôt heureux !
Se servant et de l'histoire et des sciences les plus récentes, Michel Pastoureaux en profite aussi pour faire la peau aux supposées "couleurs primaires" et autres "complémentaires" qui ne se justifient guère plus que par des conventions et des astuces inventées pour l'essentiel à partir du XVIIIème siècle et consolidées à partir du XIXème. Ainsi, avant le siècle des "lumières", nul ne se serait lancé à mélanger jaune et bleu pour obtenir du vert. Et pour cause : si l'on a mis fort longtemps à stabiliser les pigments verts obtenus naturellement (ce qui a d'ailleurs longtemps fait de cette couleur celle de l'extravagance, de l'instabilité, bien avant d'être celle de la... nature !), on savait cependant parfaitement le réaliser sans tour de passe-passe !

Ainsi, Michel Pastoureau n'hésite-t-il pas à redéfinir, ou plutôt à bousculer nombre de nos certitudes concernant ce que nous croyons acquis de tout temps (et qui ne l'est, en vérité, que depuis deux ou trois siècles). Voici d'ailleurs ce qu'il en dit, sans ambages :

«Elle [la théorie des couleurs primaires et secondaires] ne repose sur aucune réalité sociale, elle nie tous les systèmes de valeurs et de symboles qui se sont rattachés à la couleur depuis des siècles, elle refuse d'admettre que celle-ci est d'abord un phénomène culturel. Une telle classification témoigne d'une étonnante méconnaissance de l'Histoire.»

Systèmes de valeurs et de symboles, voilà les maîtres mots lorsqu'il s'agit d'évoquer ce que sont, en réalité, nos si courantes, si sympathiques, si faussement évidentes couleurs !

Et de remettre le blanc et le noir dans la courses - mais surtout pas dans cet espèce de néant chromatique où ces deux COULEURS ont été maintenues par ce classement aussi arbitraire qu'inconséquent -, ainsi que le jaune, donc, ainsi, bien sûr, le vert (couleur fétiche de notre médiéviste, il est important de le préciser).

A la suite de ces six couleurs principales, on trouvera ce que l'historien appelle les "demi-couleurs". Pourquoi un tel semblant de dénigrement ? Pour une raison fort simple, c'est que ces couleurs sont d'un cortège infini de nuances tandis que, nous explique-t-il, les six couleurs de base «se définissent de manière abstraite sans avoir besoin d'une référence dans la nature, au contraire de ce qu' [il] appelle les demi-couleurs : le violet, le rose, l'orangé, le marron ; le gris, quant à lui, est un peu particulier.» Et de s'en expliquer plus longuement dans la suite de sa démonstration.

Et de conclure, sur la portée et l'importance de cette (re)connaissance du rôle et de la symbolique des couleurs :

«Mais, malgré les découvertes technologiques, l'essentiel ne change pas. En Occident, nos six couleurs de base seront rigoureusement les mêmes dans les prochaines décennies. Des changements affecteront peut-être les nuances, mais pas notre système de symboles. Nos couleurs sont des catégories abstraites sur lesquelles la technique n'a pas de prise. Je crois qu'il est bon de connaitre leurs significations, car elles conditionnent nos comportements et notre manière de penser.»

Petit ouvrage s'il en est - par ses dimensions modestes - le petit livre des couleurs est de ces ouvrages tout à la fois passionnant, sobrement didactique, enjoué, et parfaitement abordable par quiconque est un tant soit peu curieux du monde qui l'entoure. Les plus épris de cette Histoire Ô! combien fascinante pourront satisfaire leur appétit symbolique et coloriste en allant fouiner du côté des autres ouvrages - onéreux dans leurs versions "beau-livre" mais sublimissimes - de ce très grand bonhomme : Bleu : Histoire d'une couleur, Vert : Histoire d'une couleur, Noir, Histoire d'une couleur, Rouge, Histoire d'une Couleur (à noter que ni le blanc ni le jaune n'ont eu leur publication dans cette collection à ce jour) ou encore, regroupant l'ensemble des couleurs abordées dans la présente édition poche, ce très bel ouvrage : Les Couleurs expliquées en images ...

Autant d'idées de cadeaux intelligent et beaux à la fois pour cette fin d'année approchante ! Précisons que nous n'avons pas d'action ni un quelconque intérêt aux éditions du Seuil où sont tous édités ces riches volumes... Hélas !
Disons que, considérant ce grand esprit - peu médiatique malgré son immense jovialité et son sens inné de la vulgarisation - comme l'un de ceux parmi les plus élevés de notre temps, au moins dans le domaine historique, il faut parfois mettre un point d'honneur à leur faire une promotion aussi méritée qu'elle est injustement rare.
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Saviez-vous que jusqu'au 19ème siècle, la couleur de la robe de la mariée était le rouge ?
Rouge qui signifiait alors prospérité.
Saviez-vous que le bleu était une couleur fort dépréciée du temps des Romains, à tel point que les femmes qui avaient les yeux bleus étaient mal vues, car supposées mener une vie de débauche ?
Saviez-vous que le noir a été la couleur du deuil réservée aux nobles et aux membres des classes supérieures jusqu'au 19ème siècle ? ceci en raison du coût élevé pour obtenir des vêtements de cette couleur.

Michel Pastoureau, célèbre historien anthropologue, interrogé ici par Dominique Simonnet, auteur de romans et d'essais, nous relate l'histoire des couleurs, ou plus exactement l'histoire de la perception des couleurs au travers des âges.
C'est un essai que j'ai trouvé réellement passionnant.

Bien sûr il y a des constantes au cours de cette Histoire : ainsi même si certaines couleurs comme le blanc, le rouge gardent globalement le même symbolisme au travers des âges, le blanc étant apparenté à l'innocence, la pureté et le rouge au pouvoir, et à la guerre, certaines couleurs ont eu un statut qui a fortement « bougé » au travers des siècles.
Le meilleur exemple est la couleur bleue, qui va être « méprisée » tout au long de l'Antiquité, symbolisant alors la débauche, tout simplement parce qu'à cette époque elle était une couleur difficile à obtenir et chimiquement instable.
Ce n'est qu'au Moyen-Age que le bleu va acquérir un statut de couleur « noble », en étant associée au divin et aux cieux.
Depuis le 18ème siècle, cette couleur devient la couleur préférée des Occidentaux, à l'inverse des Japonais qui lui préfèrent le noir.
Une histoire passionnante.

Michel Pastoureau nous montre tout l'enjeu et l'importance de cette perception des couleurs.
Les couleurs ne sont pas anodines. Elles véhiculent des tabous, des préjugés conscients ou inconscients.
Elles possèdent aussi des sens cachés et ont une histoire mouvementée qui raconte l'évolution des mentalités.
L'art, la peinture, la décoration, l'architecture, la publicité, nos produits de consommation, nos vêtements et même nos sous-vêtements, tout est régi par ce code non écrit.
Michel Pastoureau nous montre magnifiquement que cette perception évolue certes au fil du temps mais aussi en fonction des variables géographiques et sociales : ainsi l'Europe occidentale est moins colorée que l' Asie, l'Afrique ou l'Amérique du Sud.
De même, il nous montre fort bien que l'on ne vit pas la couleur de la même manière selon les milieux sociaux. Et encore de nos jours, dans les quartiers défavorisés, vous verrez beaucoup plus de couleurs que dans les quartiers «huppés ».
J'ai adoré ce livre, court et passionnant ;
La couleur qui m'a passionnée le plus est la couleur blanche, la plus ambivalente finalement.
Une couleur aussi bien associée à l'enfance qu'à la vieillesse, à la naissance et à la mort…
Quel exploit…
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Elles sont partout et pourtant les hommes ne cessent de les chercher, les inventer ou les recréer.
De nombreux ouvrages de Michel Pastoureau apportent un éclairage passionnant sur les couleurs d'un point de vue historique, anthropologique et culturel, ce qui est d'autant plus intéressant que l'histoire des couleurs offre un témoignage de l'évolution des moeurs et des pensées d'une époque.

« Le petit livre des couleurs » est écrit en sept chapitres sur le mode vivant de l'entretien avec Dominique Simonnet, journaliste et écrivain, autour de six couleurs : le bleu, le jaune, le rouge, le vert, le blanc et le noir. Les six premiers chapitres sont consacrés chacun à une couleur, le septième aux demi-couleurs. A l'instar d'Aristote, Michel Pastoureau compte en effet 6 couleurs de base qui sont incontournables. Viennent ensuite les demi-couleurs, celles dont les noms sont principalement issus de la nature tels l'orange, le rose, le mauve…

Ainsi apprend-t-on que c'est au XIIe siècle que l'on passe de trois couleurs de base - le blanc, le rouge, le noir - à un système à six couleurs avec le bleu, le vert et le jaune. Au fil du temps, le rouge va rentrer en concurrence avec le bleu. « A la fin du Moyen Age, la vague moraliste, qui va provoquer la Réforme, se porte aussi sur les couleurs, en désignant des couleurs dignes et d'autres qui ne le sont pas. La palette protestante s'articule autour du blanc, du noir, du gris, du brun… et du bleu. » L'approche de Pastoureau consiste essentiellement à décrire comment est perçue la couleur à diverses époques.

Ce « petit livre des couleurs » se lit rapidement et nous présente l'essentiel des connaissances sur la symbolique des couleurs en tenant compte de leur poids culturel et historique. Celles-ci sont en effet chargées d'histoire, et consciemment ou non, nous sommes influencés par le passé dans le choix de nos couleurs (vestimentaires, décoratives…). Comme nous le rappelle l'auteur, chaque culture appréhende différemment les couleurs, le savoir occidental en la matière n'a pas force de loi. Avec des mots simples et justes, à travers des anecdotes liées à l'histoire, aux arts ou aux religions, Michel Pastoureau s'adresse à tout public et s'attache à faire connaître et comprendre les émotions liées aux couleurs aujourd'hui.
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Une relecture de ce petit livre d'entretien de l'historien Michel Pastoureau avec le journaliste Dominique Simonnet.
Michel Pastoureau historien spécialiste du Moyen- Age et plus spécialement de l'héraldique, a aussi publié depuis 2000 des livres passionnants sur l'histoire des couleurs, à commencer par le bleu en 2000, pour finir en 2022 par le blanc, livres denses dont je n'ai lu que ceux consacrés au bleu, au vert et au noir.

Ce petit livre, qui se lit rapidement, est en quelque sorte un résumé des autres. Il se présente sous forme d'un entretien au style alerte et simple.

Michel Pastoureau y donne ce que les couleurs bleu, vert, jaune, rouge, noir et blanc, ont voulu dire par le passé, ce qu'elles signifient maintenant, aussi que leur symbolique varie selon les pays de la planète. Ainsi le jaune qui a plutôt mauvaise réputation en Occident est apprécié au Japon.

Il fait aussi une mise au point et démonte le concept pseudo-scientifique que l'on nous enseignait de mon temps, à savoir que blanc et noir n'étaient pas des couleurs, qu'il y avait les couleurs primaires bleu, jaune, rouge, les « pures », et puis les dites secondaires, violet, orange, vert, les « métisses ». Certes, on peut les obtenir en mélangeant les couleurs primaires, ainsi jaune et bleu pour le vert, mais elles ont une existence indiscutable,k des longueurs d'onde bien à elles pour ce qui concerne les couleurs bleue, verte, jaune, rouge, on peut les voir lors de la décomposition de la lumière solaire par un prisme.

On y apprend aussi en quelques pages des tas de choses, par exemple que le bleu avait mauvaise réputation dans l'Antiquité, considéré comme la couleur des personnes fausses ou dépravées, mais qu'à partir du 12ème siècle,le culte marial a conduit à la promotion du bleu, que cette couleur reste toujours la préférée dans la population occidentale. Que les couleurs ont souvent une symbolique ambivalente. Ainsi le noir à la fois couleur du diable a une certaine époque (tout comme le rouge), mais qui sera vu (comme toutes les teintes sombres) comme le signe du dépouillement, de la sobriété par la Réforme protestante, en opposition à la magnificence, le tape-à-l'oeil des couleurs des ornements de l'Eglise catholique.

Mr Pastoureau explique aussi comment des découvertes, des progrès techniques, ont facilité l'utilisation de telle ou telle couleur.

Chaque chapitre du livre d'entretien traite d'une des 6 couleurs.
Puis vient le tour des demi-couleurs, violet, orange, marron, rose, pas très aimées, à l'exception peut-être du rose, et même détestées comme le marron ou le brun.
Et puis la palette de toutes les nuances dont on apprend que notre oeil ne peut en distinguer que 180 à 200, et pour lesquelles les appellations font souvent appel aux noms de fleurs ou de fruits, ou à des noms plus fantaisistes..

En conclusion, un livre plaisant, que l'on peut considéré comme une introduction aux livres plus complets et remarquables consacrés à chacune des 6 couleurs.
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Les couleurs, elles ont envahi notre quotidien depuis des siècles… Et pourtant, on en sait finalement très peu sur elles… On connait quelques significations comme le rouge, symbole de l'amour, ou le blanc, celui de la pureté, mais saviez-vous qu'il n'en a pas toujours été ainsi ? La symbolique de certaines couleurs change réellement au fil du temps et résulte souvent d'une mutation sociale, religieuse ou idéologique… C'est justement ce que va nous apprendre cet essai. J'ai passé un moment agréable et intelligent avec cet ouvrage faisant un point sur les teintes suivantes : le bleu, le rouge, le blanc, le vert, le jaune, le noir ainsi que les demi-couleurs. C'était très intéressant !

Grâce à un système d'entretien avec des questions/réponses, les auteurs permettent au lecteur de découvrir l'histoire de chaque couleur de façon ludique : sa place à tel ou tel siècle, son emploi dans le langage courant (blanc comme un linge, rouge de honte, main verte, cordon bleu, etc.), sa représentation au quotidien, sa symbolique ainsi que sa place dans la société. Par exemple, j'ai appris que les robes de mariées étaient autrefois rouges et non blanches. J'ai également été intéressée par l'évolution du vert, aujourd'hui représentatif de la nature et de la santé. La place du bleu, autrefois mal vu puis apprécié dès le XVIII ème siècle m'a également captivée.

Cet essai se lit vite (entre trente minutes et une heure) qui aurait presque pu être un peu plus développé. Même si les anecdotes sont sympathiques, on va quand même souvent à l'essentiel. On est plus sur une introduction à la sémantique des couleurs. de ce fait, on en redemanderait !… En tout cas, le contenu est instructif et léger. On tourne les pages facilement. Si, comme moi, vous souhaitez faire une petite pause entre deux romans, « le petit livre des couleurs » m'a semblé l'idéal. D'ailleurs, j'ai été conquise par la version collector avec les rayons de couleur que l'on peut tourner à sa guise. On a là un beau livre objet ! Merci à ma mère pour cette découverte aussi divertissante qu'enrichissante.
Lien : https://lespagesquitournent...
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Citations et extraits (89) Voir plus Ajouter une citation
Les couleurs ne sont pas anodines, bien au contraire. Elles véhiculent des codes, des tabous, des préjugés auxquels nous obéissons sans le savoir, elles possèdent des sens variés qui influencent profondément notre environnement, notre langage, notre imaginaire.
Les couleurs ne sont pas immuables. Elles ont une histoire, mouvementée, qui remonte à la nuit des temps et qui a laissé des traces jusque dans notre vocabulaire : ce n’est pas par hasard si nous voyons rouge, rions jaune, devenons blanc comme un linge, verts de peur ou bleus de colère….
[…]
On verra ici comment la religion les a mises sous sa domination, comme elle l’a fait d’ailleurs pour l’amour et la vie privée. Comment la science s’en est-elle mêlée, débordant sur la philosophie – onde ou particule ? Comment la politique, aussi, s’en est emparée – les rouges et les bleus n’ont pas toujours été ceux que l’on connait. Et comment, aujourd’hui, nous sommes toujours lestés par cet étrange héritage. L’art, la peinture, la décoration, l’architecture, la publicité bien sûr, mais aussi nos produits de consommation, nos vêtements, nos voitures…. Tout ceci est régi par un code non écrit dont les couleurs ont le secret.

Avant-propos de Dominique Simonnet
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- Résumons : six couleurs de base, cinq demi-couleurs en comptant le gris... Ensuite ?

- Pendant longtemps, le vocabulaire n'a probablement pas eu beaucoup d'autres termes. On percevait bien des nuances, mais on n'avait guère besoin de les nommer dans le langage courant. Onze couleurs, avec toutes les combinaisons possibles, c'est déjà beaucoup ! Ensuite, entre dans un troisième groupe, le domaine des nuances, que l'on obtient soit en associant deux termes de couleurs (gris-bleu, rose-orangé), soit en fabriquant des mots. Grande différence : les nuances, elles, ne sont pas porteuses de symboles. Elles n'ont qu'une signification esthétique : si le violet a une symbolique, la nuance lilas n'en a pas. Leur identité est aussi plus imprécise : «lilas» désigne chez nous une couleur bleu pâle ; chez les allemands, c'est un violet soutenu qui tire vers le rouge.
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Nous ne pouvons que constater que, vers le milieu de la période médiévale, partout en Occident, le jaune devient la couleur des menteurs, des trompeurs, des tricheurs, mais aussi la couleur de l'ostracisme, que l'on plaque sur ceux que l'on veut condamner ou exclure, comme les juifs.

D. S. : Déjà, en cette fin de Moyen Âge, on invente l'étoile jaune ?

Oui. C'est Judas qui transmet sa couleur symbolique à l'ensemble des communautés juives, d'abord dans les images, puis dans la société réelle : à partir du XIIIe siècle, les conciles se prononcent contre le mariage entre chrétiens et juifs et demandent à ce que ces derniers portent un signe distinctif. Au début, celui-ci est une rouelle, ou bien une figure comme les tables de la Loi, ou encore une étoile qui évoque l'Orient. Tous ces signes s'inscrivent dans la gamme des jaunes et des rouges. Plus tard, en instituant le port de l'étoile jaune pour les juifs, les nazis ne feront que puiser dans l'éventail des symboles médiévaux, une marque d'autant plus forte que cette couleur se distinguait particulièrement sur les vêtements des années 1930, majoritairement gris, noirs, bruns ou bleu foncé.

D. S. : Quand le jaune devient le symbole, négatif, de la félonie, c'est précisément le moment où la société médiévale se crispe...

...et où le christianisme n'a plus d'ennemis à l'extérieur. Les croisades ayant échoué, on se cherche plutôt des ennemis à l'intérieur, et on acquiert une mentalité d'assiégé. En découle une extraordinaire intolérance envers les non-chrétiens qui vivent en terre chrétienne, comme les juifs, et envers les déviants, tels les hérétiques, les cathares, les sorciers. On crée pour eux des codes et des vêtements d'infamie. Cet esprit d'exclusion ne va pas s'apaiser avec la Réforme chez les protestants : en terre huguenote, on manifeste le même rejet des non-chrétiens et des hérétiques. […] Le jaune n'est presque plus utilisé que pour indiquer les traîtres et les félons. Cette dépréciation va perdurer jusqu'aux impressionnistes.
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Vous rappeliez que pendant longtemps la mariée était en rouge
Oui ; car jadis chez les Romains par exemple, la virginité d’une femme n’avait pas l’importance qu’on lui a donnée ensuite.
Avec l’institution définitive du mariage chrétien, au XIII ème siècle, il est devenu essentiel.
A compter de la fin du XVIII ème siècle, alors que les valeurs bourgeoises prennent le pas sur les valeurs aristocratiques, on somme les jeunes femmes d’afficher leur virginité, probablement parce que celle-ci n’allait plus de soi.
Le code nous est resté.
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Nos ancêtres avaient d'autres conceptions et d'autres visions de couleurs que les nôtres. Ce n'est pas notre appareil sensoriel qui a changé, mais notre perception de la réalité, qui met en jeu nos connaissances, notre vocabulaire, notre imagination, et même nos sentiments, toutes choses qui ont évolué au fil du temps.
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Vidéo de Michel Pastoureau
Rencontrer Michel Pastoureau, c'est être frappé en premier par son regard amusé et malicieux. L'historien, diplômé de l'école des chartes, est archiviste paléographe, spécialiste de la symbolique des couleurs, des animaux, d'héraldique. Il a reçu de nombreuses aides du CNL, notamment pour son livre « Symboles du moyen-âge : animaux, végétaux, couleurs, objets » en 2012, des aides à la traduction pour ses ouvrages sur les histoires des couleurs « Noir », « Bleu », « Vert », « Rouge », « Jaune », en 2014, 2016, 2018, et en 2020, ainsi qu' une bourse de création relative à l'histoire du nuancier sur les cartographies de couleurs et d'imaginaires. Sa curiosité est sans limite, son raisonnement implacable, le grand entretien avec Michel Pastoureau dans Son Livre, c'est parti.
Michel Pastoureau est professeur à la Sorbonne et à l'école pratique des Hautes Etudes où il est titulaire de la chaire d'Histoire de la symbolique occidentale. Il a reçu de nombreux prix littéraires, dont le Prix Medicis essai en 2010 pour son ouvrage « La couleur de nos souvenirs » paru aux éditions du Seuil, mais aussi, le Prix Broquette-Gonin (histoire) de l'Académie française pour l'ouvrage La vie quotidienne en France et en Angleterre au temps des chevaliers de la Table ronde (1977).
Passionnant !
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