Quelle étrange sensation que cette lecture ! J'ai eu le sentiment, pendant tout le temps de ma lecture, que
Romain Gary, assis devant moi, me racontait « le sens de ma vie ». Ces entretiens, accordés à Radio-Canada, peu de temps avant son suicide, le 2 décembre 1980, lèvent un modeste voile sur son oeuvre et sur son histoire !
C'est vrai qu'avec
Romain Gary, nous ne sommes jamais certains de rien. Entre la légende dont il a entouré sa naissance, ses multiples noms d'auteurs et surtout, la mystification Ajar, qui lui a permis d'être le seul écrivain à obtenir deux fois le Goncourt, son image est entourée d'un halo opaque. Et rajouter à cela, toutes les théories des uns et des autres, il devient difficile de faire la part des choses. Mais certains biographes veillent comme l'excellente biographie de
Myriam Anissimov, très fouillée, très bien documentée. Ce livre laisse transparaitre l'extraordinaire humanité de cet auteur qui a fait de sa vie un roman.
D'où l'intérêt de cet entretien qui vient en complément et met en lumière la complexité de cet auteur en rapport avec la complexité des évènements qui ont marqué sa vie. Mais il y a des passages comme les lettres que lui a envoyées Mina, qui fleurent bon la sincérité. Enfin, moi je veux y croire. Inconditionnelle, je lui pardonne tout et j'éprouve toujours ce même bonheur à mettre mes pas dans les siens.
Mina, quel impact elle a eu sur la vie de son fils ! Quel amour il lui porte ! Toutes ses injonctions, il les a réalisées mais a-t-il vraiment vécu sa propre vie ? Ce qui est certain c'est que Mina a mis au monde l'un des plus grands auteurs de cette deuxième partie du XXème siècle et je lui en suis reconnaissante.
Il ne parle pas de
Jean Seberg. Mais pour ses lectrices et lecteurs, pour ses admiratrices et admirateurs, la fin de Jean restera un mystère !
J'ai écouté avec émotion ces instants où il raconte dans quelles circonstances il a écrit Education Européenne. Je me suis remémorée le billet de notre ami ODP31 qu'il avait écrit au sujet de ce livre. Comme quoi, nous entrons les uns et les autres, grâce et par la magie de la littérature, en résonnance avec les auteurs. Rien ne se perd !
A la fin de cet entretien, il dit :
« Je puis donc simplement dire que mon rapport avec les femmes a été d'abord un respect et une adoration pour ma mère qui s'est sacrifiée pour moi et un amour des femmes dans toutes les dimensions de la féminité y compris bien sûr celle de la sexualité. On ne comprendra absolument jamais rien à mon oeuvre si l'on ne comprend pas le fait très simple que ce sont d'abord des livres d'amour et presque toujours l'amour de la féminité ».
Et plus loin :
« Je voudrais simplement avoir encore le temps de continuer dans la même direction aussi longtemps que possible et je le dis tout de suite, pas tellement pour écrire d'autres romans et en tirer je ne sais quelle gloire, mais simplement par amour de la féminité, par amour de la femme et je crois que l'on trouvera cet amour, on trouvera cette fidélité dans mon nouveau roman qui s'appelle «
Les Cerfs-Volants ». Et je ne voudrais simplement pas qu'il y ait plus tard quand on parlera de Roman Gary, une autre valeur que celle de la féminité ».
Chapeau l'artiste ! Jusqu'au bout tu auras été romanesque!