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EAN : 9791025603796
Editions Thélème (11/10/2018)
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3.94/5   245 notes
Résumé :
Pour la première fois, Christian Bobin livre un texte entièrement composé de lettres. Rares et précieuses, elles sont adressées tour à tour à sa mère, à un bol, à un nuage, à un ami, à une sonate. Sous l’ombre de Ryokan, moine japonais du XIXe siècle, l’auteur compose une célébration du simple et du quotidien. La lettre est ici le lieu de l’intime, l’écrin des choses vues et aimées. Elle célèbre le miracle d’exister. Et d’une page à l’autre, nous invite au recueille... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (56) Voir plus Ajouter une critique
3,94

sur 245 notes
Inconditionnelle depuis longtemps de l'univers et du style de Christian Bobin...
Contrairement à un grand nombre de lecteurs qui ont été "captifs" de cet auteur, avec "Le Très-bas", j'ai débuté la connaissance de cet écrivain,
avec un texte qui m'avait bouleversée: " Autobiographie au radiateur"...
depuis j'ai poursuivi avec ténacité "mon addiction" !!!
Je me suis ainsi précipitée une nouvelle fois sur ce tout dernier opus...dont la maquette est très réussie, et des plus lumineuses!

Couverture des plus sobres, blanche avec , en creux , une phrase de l'auteur, manuscrite (en gris argenté-bleu...occupant le centre du premier plat...) ,s'ensuivent toujours de la main de C. Bobin, sur papier de couleur, quelques pages expliquant le noyau de ce nouvel ouvrage...et le but recherché quant à l'écriture, .qui au-delà de ce texte entièrement constitué de lettres [ Lettres à sa mère, à l'ami, à un nuage, à un pauvre bol...à son âme, à la poétesse, Marina Tsvetaeva, etc.] m'a fait rencontrer avec bonheur, le moine-poète-calligraphe, Ryokan...

Ensuite, je me suis laissée porter par la petite musique de l'auteur. Comme
toujours la POESIE est omniprésente, poésie infinie des choses
paraissant insignifiantes , au commun des mortels... mais transfigurées, sublimées par la plume de l'écrivain... Je n'ai pas envie d'ajouter plus de bavardages à ce moment de lecture, très particulier, et très décalé...Je laisse la parole à Christian Bobin, qui signifie mieux que quiconque ce qu'il souhaite transmettre et atteindre , dans son écriture !

" Je rêve d'une écriture qui ne ferait pas plus de bruit qu'un rayon de soleil heurtant un verre d'eau fraîche. Ils ont ça , au Japon. Un de leurs maîtres du dix-neuvième siècle, Ryôkan, est venu me voir. Vous verrez : il n'a qu'une présence discrète dans le manuscrit. Il se cache derrière le feuillage de l'encre comme le coucou dans la forêt.
C'est que je crois qu'il est vital aujourd'hui de prendre le contrepied des tambours modernes : désenchantement, raillerie, nihilisme. (...)
Ryôkan, je ne le connaissais pas il y a deux ans. Et puis je le découvre et je
revois des pans de ma vie : moi aussi j'avais trente ans, aucune place dans
le monde (...)
Je n'ai pas écrit un livre sur Ryôkan mais un livre avec lui. C'est simple: je ne crois qu'au concret, au singulier. Aux maladresses de l'humain- pas au prestige des machines. Les livres sont des âmes, les librairies des points d'eau dans le désert du monde.
Les Lettres manuscrites sont comme les feuilles d'automne: parfois un enfant ramasse l'une d'elles, y déchiffre l'ampleur d'une vie en feu, à venir. Ce qui parle à notre coeur-enfant est ce qu'il y a de plus profond. J'essaie d'aller par là. J'essaie seulement. "
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Un bruit de balançoire.
Quel est ce bruit qui parle à notre coeur ?
L'auteur, Christian Bobin, nous invite à aller par-là, vers ce bruit... Ce livre est une invitation à écouter ce bruissement de nos âmes.
Pourquoi nous autres adultes avons-nous cette jubilation à sauter dessus, parfois d'ailleurs avec beaucoup d'auto-dérision, lorsque nous voyons une balançoire qui nous tend les bras.
C'est un poème, une phrase, la lumière qui heurte les murs du matin. Un coeur qui vibre déjà, dans l'écriture des mots, qui vient nous chercher là où nous sommes déjà.
Les mots sont juste des miroirs.
Ce livre est la rencontre de l'auteur avec un poète japonais du dix-neuvième siècle, Ryokan, précisément un moine-poète-calligraphe.
À l'heure où je vous écris, et je ne sais pas pour combien de temps encore, un méchant virus nous oblige à nous confiner dans nos intérieurs. L'intérieur n'est pas forcément une maison, une chambre, une cuisine, un bureau... L'intérieur est parfois aussi en nous-même.
Qu'en sera-t-il dans quelques mois ? Je relirai alors cette chronique et peut-être un fou rire nous emportera...
Comme à chacun de ses livres, Christian Bobin nous invite au frémissement de l'invisible et nous invite à le voir, non pas avec nos yeux, puisqu'il est invisible...
Il parle de la mort, comme on parle d'un cri d'oiseau qui s'éteint brusquement, de la lenteur des nuages, d'une terre qui accueille quelqu'un qu'on aimait et qui n'est plus là...
C'est comme une porte dans un rêve, qui n'en finit pas de s'ouvrir, de se refermer, de battre dans le vent de la nuit...
En préambule de ce magnifique texte, je découvre cette phrase écrite de manière manuscrite par l'auteur, presque à la sauvette : « Les livres sont des âmes, les librairies des points d'eau dans le désert du monde. » Étonnant que dans le contexte actuel, les livres et l'accès aux librairies ne soient pas jugés comme choses essentielles...
Car c'est bien de l'essentiel que nous parle ce livre. Des nuages qui ceinturent une montagne, et le monde peut s'arrêter à ce paysage. Plus rien d'autre ne peut compter dès lors... Les nuages sont des chefs d’œuvres.
Les premiers oiseaux de mars viennent picorer au bord des phrases de Christian Bobin. On peut les entendre si on tend les doigts... Nous sommes en mars et le confinement actuel qui nous oblige à ce bel ennui, nous amène à entendre d'autres bruits que nous n'entendions pas à l'ordinaire.
Ma chronique sera désuète dans trois mois, dans six mois, ou peut-être pas... Qu'importe... J'aimerais tant entendre Christian Bobin dire ce qu'il ressent de cette vie qui nous confine dans nos vies souterraines...
Ce n'est pas un enfermement, ce sont des chemins nouveaux, des oiseaux sur une branche... Quel hasard merveilleux que ce livre qui me tend ces pages.
Samedi dernier, j'étais venu une dernière fois faire le plein de livres, - quelle horrible phrase, pardon, mais elle vient comme cela -, à la médiathèque de ma commune. Le lieu s'apprêtait à refermer ses portes pour une durée indéterminée. C'était beau de voir ce déferlement de lecteurs qui se ruaient parmi les étagères... le hasard m'a mis ce livre dans mes mains... Il n'y a pas de hasard, n'est-ce pas ?
La rencontre avec Ryokan est prétexte à l'invitation à d'autres rencontres, toutes aussi belles... Des femmes, des hommes, le chant d'un merle, se perdre dans une forêt, le souvenir de sa mère, le coeur qui s'affole quand plus rien ne va, quand la phrase se perd dans le bruit de la vie, dans le vide de nous-même, quelque chose qui ressemble au blanc d'une montagne...
Ici, Christian Bobin nous rappelle que lire, c'est l'ouverture du coeur à un autre monde.
C'est comme une pluie d'été, un bol de thé, le soupir d'un saule pleureur, le rouge des hortensias, les yeux d'un chat, une sonate de Mozart...
« Ils sont partout sauf en eux, ces gens qui font le tour du monde ».
Et lorsque je referme ce livre, je me retrouve en moi-même, non pas faisant le tour monde, quoique..., mais au plus près d'un coeur qui bat... Incroyablement bien...
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" Le grincement d'une balançoire vide résonne jusqu'à la fin du monde"...

Christian Bobin , on aime ou on déteste, je sais. Moi, je suis tombée, dès le premier livre lu, sous le charme de ses envolées poétiques, de son exaltation, de son amour des autres, de la nature, de la musique. Justement, c'est sa petite musique un peu étrange, fêlée, mais si vivifiante, intense, solaire, qui m'attire...

Ici, le fil conducteur, c'est le moine Ryokan, auteur de haïkus au 18 ème siècle. Christian Bobin , comme en écho, rebondit sur des textes de ce poète, à travers des lettres qu'il adresse à des personnes aussi variées qu'une inconnue, sa mère, et même l'escalier de son enfance... J'ai relu les haïkus de Ryokan ( c'est pour cela que j'en ai cités) afin de mieux comprendre les correspondances établies par l'auteur. Par exemple, l'adresse au vieux bol des jours passés reflète un texte de Ryokan.

J'ai été touchée, notamment, par la lettre , un peu ironique, au " cher penseur", qui défend la simplicité dont on accuse la poésie de Jean Grosjean.

Certaines phrases, comme toujours chez Bobin, sont saississantes de vérité, de beauté. Elles donneraient presque envie de pleurer d'émotion.

" Tu n'es jamais revenue. Ta voix tremble dans ma mémoire comme la lune dans un seau d'eau."

Je n'ai pas envie de m'épancher plus. Les livres de cet auteur se ressentent, s'impriment en nous, durablement...
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Christian Bobin Un bruit de balançoire l'Iconoclaste
( 97 pages – 19€ ) 30 Août 2017

Le nouveau Bobin, comme l'annonce le bandeau, les fidèles lecteurs de l'auteur l'attendent comme les hirondelles le printemps, pour y découvrir «  le nid bâti sous la poutre du langage » !
Christian Bobin nous happe dès la couverture avec son texte manuscrit, fragment de l'introït sur pages bleues qui ouvre ce recueil. L'auteur nous y expose sa philosophie de vie, du minuscule ( pétales d'églantine, fleurs de cerisier, des mandarines), les motifs traités. Il s'insurge contre «  les tambours modernes » qui ne véhiculent que «  désenchantement, raillerie, nihilismes » et prône « la simplicité inouïe d'une parole ».
Il nous signale l'influence et «  la présence discrète » du poète japonais Ryokan avec qui il a tissé des affinités électives depuis peu. Ce n'est pas un fil rouge mais un fil d'or, un fil lumineux qui se déroule dans ce recueil épistolaire.

L'écrivain souligne combien les livres ont été déterminants, pétri de gratitude pour «  leur prévenance ». Comment ne pas partager les propos de l'amoureux des livres, qui les met à l'honneur dans chacun de ses recueils : «  Les livres sont des âmes, les librairies des points d'eau dans le désert du monde » ?

En avant-propos, l'auteur montre combien se séparer de son manuscrit équivaut à en faire son deuil. Dans Noireclaire,l'écrivain veut «  tuer l'homme ».

Ici, il revisite son enfance, sa rue natale, à la recherche de «  son coeur - enfant », de «  L'enfant-moi ». On le croise à différentes périodes de sa vie : nouveau né, à quatre ans émerveillé par «  l'explosion lente et silencieuse d'un pissenlit », à huit ans sur «  cette vilaine place du Creusot », avec le pull jaune de ses 30 ans.

Parmi les récipiendaires des lettres on trouve des femmes, des hommes, mais aussi des objets du quotidien ( le bol) , des oiseaux, et même un lieu : le vieil escalier.

En adressant la première lettre à une «  chère inconnue », il permet à chaque lectrice de s'identifier à elle.
Parfois parisien, Christian Bobin s'arrête près des bouquinistes et sauve de l'oubli «  quelques poètes au fond d'un bac », en repêchant «  trois carpes géantes », tout en écoutant «  La Seine qui éclate de rire ».

On sait combien le poète aime les arbres, vit entouré d'arbres. Dans sa lettre au forestier, on devine son désarroi de voir « des branches abattues, empilées ». Toutefois, respectant le travail du forestier, il en vient à positiver et le remercie « pour la soûlante odeur du bois coupé », pour « le parfum multiplié ».

Comme Vassilis Alexakis, qui poursuit avec sa mère ses conversations d'autrefois dans je t'oublierai tous les jours,l'écrivain relate à sa mère un instantané de vie. Ainsi, au lieu de se consacrer à sa correspondance, il relit Nerval et s'égare dans la forêt de Compiègne, lui confie-t-il.

Christian Bobin entremêle souvenirs familiaux, odeurs, paysages,musique, sourires. Ainsi il égrène des notes de Bach,d'un concerto de Mozart. Il nous fait entendre le piano de «  ce cher Messager », le compositeur estonien Arvo Pârt, «  qui sonnait comme une horloge comtoise- quelque chose de lancinant ».

Il se remémore les jeux d' Hélène avec ses amis, leurs rires et s'y être immiscé.

Il évoque l'histoire en nous conduisant en Pologne, à Lotz, et recourt à une formule choc : l'oxymore : «  le bonheur est un meurtre. », pour décrire son état d'âme : «  gai, insouciant » dans ce lieu martyre dont il ignorait le passé.
Dans sa lettre à Nadjeda, il rend hommage à celle qui a mémorisé l'oeuvre de son époux Ossip Mandelstam, le poète qui ne savait « qu'extraire des diamants de la gangue du langage ». Ne l'invite-t-il pas à se livrer, assise à ses côtés ?

Dieu lui apparaît au contact de son bol, dans les livres, dans un brin d'herbe, dans une fleur d'églantine, «  même s'il ne sait définitivement pas ce qu'est Dieu » et «  s'en moque ». Pas facile de donner à une interlocutrice une définition des anges !

Christian Bobin, le contemplatif, ne cache pas sa passion pour les fleurs. Ne sont-elles pas comme Michael Lonsdale les qualifie «  des anges qui nous transmettent un message de beauté et de transcendance » ou «  des messagères de Dieu » ? le lecteur n'a plus qu'à s'émerveiller devant «  l'avalanche d'une glycine ».

Le poète adhère à la cause animale, «  les bêtes sont des anges » pour lui. Il peut voyager «  dans les yeux d'un chat », il se délecte du chant des oiseaux. Si dans La grande vie,Christian Bobin s'adresse à un merle, ici il se confie à Monsieur le coucou et nous fait partager son chant. «  C'est sentir mon coeur tapissé d'or », concède-t-il.

L'auteur laisse deviner son côté spirituel et mystique quand il écrit aux invisibles : à son cher fantôme, à sa chère âme. Il n'a pas son pareil pour filmer en mots le ballet de gouttes de pluie sur la vitre «  insensible d'un train ». Il sait s'émerveiller devant leur «  bombement argenté et bordure laiteuse ». Éphémères leur vie, ramenant à la fragilité et la finitude de l'humain. Et Christian Bobin de conclure : «  Vivre n'est rien d'autre que donner sa lumière, traverser la voie lactée des épreuves.. », «  aucune lumière donnée ne se perd ».
On termine la lecture par la lettre à Lydie où il est question de Bach, de mousse et d'où nous parviennent les grelots de ses rires. On peut deviner en boomerang le rire franc de Christian Bobin que l'on garde en mémoire lors d'interviews.
Lydie, un prénom qui renvoie aux entretiens que Lydie Dattas a consignés dans La lumière du monde, dans lesquels la quête de la LUMIÈRE intérieure reste essentielle.

Christian Bobin décline un hymne à la poésie, omniprésente, convoque des figures tutélaires comme Ryokan et son maître Dogen, qu'il confesse avoir découvert récemment. Il rend hommage à à ceux qui, imprégnés de poésie, ont traversé sa vie :comme la poétesse russe Marina Tsvetaeva ou le regretté et ami Jean Grosjean. Il encourage au partage, et à l' « émietter » comme du pain.Il livre une définition éblouissante et imagée de la poésie : «  La poésie est un instrument d'optique autrement plus fin que les télescopes qui grattent le nombril du ciel. »

L'écrivain s'interroge sur l'usage de l'écriture manuscrite, constatant la domination du numérique. Les mails remplaçant l'intimité, la proximité des lettres, ne redoute-t-il pas la disparition d'une main «  qui danse », calligraphie ? Cette résistance au tout numérique était déjà présent dans La grande vie.
Christian Bobin valorise le geste de l'écriture, geste d'ouverture à l'autre, comme le faisait Mallarmé.Il voit dans l'écriture « la souplesse » de s'adapter à la vie, d'être en phase avec la nature.

Tout le long du recueil, l'auteur glisse des métaphores somptueuses relatives à l'écriture ( « L'écriture s'enfonce dans le coeur du lecteur comme une aiguille de couturière.C'est pour y faire entrer un jour miraculeux. »), la vie ( cette «  fugueuse aux yeux verts de prairie » et à la mort, ces «  fins dernières de la vie dont il ne sait rien ». N'a-t-il pas imaginé inventer «  une tapette à anges » pour conjurer le sort ?

Christian Bobin signe un ouvrage à la présentation soignée, dans lequel il distille, comme des becquées de lumière, son rapport à l'écriture, à la nature, à la croyance, aux livres. La lecture n'est-elle pas sa «  prison bienheureuse » ?
Quel florilège rassérénant ces vingt lettres servies par une plume poétique, tour à tour émouvantes, bucoliques, champêtres, nostalgiques, en phase avec la nature !

A nouveau le visage du lecteur «  s'éclaire comme si le livre sur lequel il se penche » était une bougie ». «  Aimer quelqu'un, c'est le lire » pour Christian Bobin.
Remercions le pour sa sollicitude et le rôle salvateur de son écriture, lui qui a «  toujours écrit pour sauver quelque chose ou quelqu'un » ou «  faire sourire »..Un mission altruiste admirable.



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Les livres de Christian Bobin ont ce pouvoir de nous donner envie de les lire, les feuilleter à nouveau, sans se lasser. Sa poésie est intemporelle, elle nous apaise et ouvre notre regard au monde, qu'il soit intérieur ou extérieur.

Dans « un bruit de balançoire » c'est par le truchement de lettres fictives que l'auteur nous parle de la vie, de l'intime et du plaisir d'écrire. Tout est parti de Ryõkan, et les lettres font écho aux courts poèmes de ce moine poète japonais du 18e siècle.
Ces courtes missives s'adressent tout aussi bien à des proches comme sa mère, ou bien à des inconnus ou un forestier croisé sur le chemin d'une forêt. Il s'adresse aussi au nuage pour évoquer la beauté :
« Aucun chef-d'oeuvre ne m'a donné autant de paix -à part toi, petit nuage, à part toi »

Ainsi Christian Bobin nous parle de ces choses qu'on ne peut voir qu'avec le coeur, ces petits riens invisibles qui nous font frémir : un nuage qui devient un chef-d'oeuvre, la fraicheur blanche de la neige, l'odeur des arbres coupés, un scarabée qui boite, des moucherons dans la lumière comme des notes de Bach.
L'auteur célèbre la vie et le bonheur d'exister mais la mort est aussi très présente dans chacun des textes, et se mêle à la vie. Mais le poème, lui, restera toujours. « La vie écrit au crayon. La mort passe la gomme. le poème se souvient »

La sobriété du texte voisine avec la virtuosité de l'écriture et c'est beau, d'une beauté qui déclenche l'émotion.

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Citations et extraits (163) Voir plus Ajouter une citation
Les gouttes de pluie sur la vitre ont un bombement argenté et une bordure laiteuse. La pluie s'arrête. Les gouttelettes ne partent pas tout de suite. Elles forment une voix lactée cloutée. Elles semblent figée comme parfois nos vies. Puis l'une se met en route. Il est difficile de ne pas penser qu'elle va vers sa mort. La jeune élue, poussée par le vent, s'éloigne de ses sœurs idolâtres, crispées dans une fausse immortalité. La petite vivante avec sa joie muette glisse en oblique vers l'abîme, dans l'angle de la vitre encadrée d'acier froid. Voilà. C'est fini. Vivre n'est rien d'autre que donner sa lumière, traverser la voie lactée des épreuves, disparaître - et continuer, car telle était la parole qui se matin se fracassait en dizaines de gouttes d'eau sur la vitre insensible d'un train entre Paris et Genève : aucune lumière ne se perd. Nous sommes des paillettes d'or détachées d'une statue vivante. Nous sommes des instants de son souffle, des pollens de sa voix, des petites gouttes de pluie qui prennent le train sans billet jusqu'à l'éternel qui est ceci, ici, maintenant.
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Je rêve d'une écriture qui ne ferait pas plus de bruit qu'un rayon de soleil heurtant un verre d'eau fraîche. Ils ont ça , au Japon. Un de leurs maîtres du dix-neuvième siècle, Ryôkan, est venu me voir. Vous verrez : il n'a qu'une présence discrète dans le manuscrit. Il se cache derrière le feuillage de l'encre comme le coucou dans la forêt.
C'est que je crois qu'il est vital aujourd'hui de prendre le contrepied des tambours modernes : désenchantement, raillerie, nihilisme. (...)
Ryôkan, je ne le connaissais pas il y a deux ans. Et puis je le découvre et je
revois des pans de ma vie : moi aussi j'avais trente ans, aucune place dans
le monde (...)
Je n'ai pas écrit un livre sur Ryôkan mais un livre avec lui. C'est simple: je ne crois qu'au concret, au singulier. Aux maladresses de l'humain- pas au prestige des machines. Les livres sont des âmes, les librairies des points d'eau dans le désert du monde.
Les Lettres manuscrites sont comme les feuilles d'automne: parfois un enfant ramasse l'une d'elles, y déchiffre l'ampleur d'une vie en feu, à venir. Ce qui parle à notre coeur-enfant est ce qu'il y a de plus profond. J'essaie d'aller par là. J'essaie seulement. "
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Je suivais le cortège funéraire de mon dernier manuscrit. Le chemin était en pente, les cailloux rissolaient. Nous allions de l'été à l'automne comme on passe sans s'en rendre compte une frontière. Non : plutôt comme on marche sans les connaître sur d'anciennes tranchées. Le sol était rempli de guerres et mon coeur était en paix. Je suivais le corbillard invisible de mon manuscrit. Je l'avais relu la veille et, comment dire : c'était comme si j'avais regardé passer sur le fleuve de papier des troncs d'arbres flottant, s'entassant et ne bougeant plus. Mes mots ne donnaient qu'une lumière morte. J'ai ramassé les feuillets, tout jeté. C'est ce cortège que je suivais le lendemain. Les funérailles de mes trouvailles. L'enterrement se terminait au bout du chemin, près de la voiture qui mangeait son foin. Je suis rentré dans la maison où mon enfance m'attendait. Je me suis trouvé devant moi-même à huit ans. Je me suis donné un feutre. Tiens, écris, moi je vais me promener. Je reviendrai te voir quand tu auras fini. L'enfant-moi a souri puis il a plongé la tête, sa grosse tête butée, granitique, picorée de flammes, dans le papier blanc. Je suis sorti. Il m'a semblé qu'il écrivait des lettres. Il ne sait écrire que ça. Sa vie n'est rien qu'écrire. Le panda mange de l'eucalyptus, et lui de l'encre.
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Chère Inconnue,

L'été est intolérant. Le soleil casse les vitres. (...)
J'ignore qui vous êtes. Je sais seulement que vous avez toujours été là, dès que j'ai donné ma main à l'écriture. Vous êtes ma vie absente qui vient manger dans ma main droite.
Dans un monastère zen chaque moine, à la fin du repas, laisse quelques grains de riz dans son assiette pour les oiseaux. L'écriture est ce geste. (p. 14)
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Lire quand on est enfant, c'est quitter sa famille et devenir jeune mendiant, tendre la main aux princes de passage. C'est aller en Sibérie, avec loups et cris de neige, si loin que votre mère ne vous retrouvera plus, criant "à table" dans le désert, loin, très loin du petit contemplatif aux yeux brun-vert gelés comme un lac.

La lecture est un billet d'absence, une sortie du monde.
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Vidéo de Christian Bobin
Avec Catherine Cusset, Lydie Salvayre, Grégory le Floch & Jakuta Alikavazovic Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF
Quatre critiques de la Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment parus. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ? Et vous ?
Au cours de cette soirée il devrait être question de Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L.) ; American Mother de Colum McCann (Belfond), le murmure de Christian Bobin (Gallimard) ; le banquet des Empouses de Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc).
À lire – Catherine Cusset, La définition du bonheur, Gallimard, 2021. Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, le Seuil, 2024. Grégory le Floch, Éloge de la plage, Payot et Rivages, 2023. Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Coll. « Ma nuit au musée », Stock 2021.
Lumière par Valérie Allouche Son par Adrien Vicherat Direction technique par Guillaume Parra Captation par Claire Jarlan
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