Il faut savoir que le théâtre de
Marguerite Duras peut être drôle et "Les eaux et forêts" en est la preuve. C'était une femme qui avait de l'humour et elle a écrit cette pièce qui rappelle l'absurde façon
Ionesco (voire Becket) dans les années 60.
C'est dans le premier tome des recueils de théâtre de
Duras que j'ai pu lire cette pièce. Il est paru en 1965 et regroupe trois excellentes pièces : "Les eaux et forêts", «
le square » et «
La musica ». Ces deux dernières ont aussi été publiées seules et j'ai déjà eu l'occasion de les lire et de les voir au théâtre.
J'aimerai beaucoup voir "Les eaux et forêts" mais je crois que la pièce n'a pas été jouée depuis 1996 même si des extraits ont été repris récemment dans «
Duras la vie qui va » de Claire Deluca et Jean-Maris Lehec.
Tout d'abord le titre commence par un clin d'oeil à son ami écrivain
Louis-René des Forêts à qui
Duras dédie son texte.
Au départ les personnages sont anonymes. Ils sont trois à traverser un passage clouté, deux femmes et un homme. A l'époque on ne parlait pas de passage piétons car ils étaient matérialisés par de gros clous d'où le nom de cloutés. La rencontre est due au chien de la femme 1 qui mort l'homme avec pour témoin la femme 2.
Tout ce petit monde échange et les femmes veulent accompagner le blessé à l'Institut pasteur où ils n'iront jamais.
Ces gens vont se dévoiler. Dans la rue, ils vont se dire de choses qu'on ne dit pas forcement d'habitude. le comique vient du décalage permanent entre le puéril et le grave de cette conversation débridée où les personnages peinent à faire des relations entre les choses.
On apprend que le petit chien agressif mord régulièrement et s'appelle Zigou bien qu'ils l'appellent Toto. Sa maitresse, Marguerite Victoire Sénéchal est veuve et dévoile qu'elle a tué son mari en tout anonymat en le noyant dans le canal de la Marne au Rhin. On retrouve ici le fait divers qui a toujours une grande importance chez
Duras et les témoins dont la femme 2 qui s'appelle Jeanne Marie Duvivier. Cette dernière n'est pas heureuse en amour en raison d'un mariage arrangé par sa famille. le manque d'enfant l'a brisée et on la voit proche de la folie.
Au final, ce qui est vraiment très fort, c'est l'importance que va prendre le langage, ce qui est dit, face à un tout petit drame, au vide événementiel de cette rencontre dans la rue.