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EAN : 9791030703061
205 pages
Au Diable Vauvert (17/10/2019)
4.3/5   5 notes
Résumé :
Contraint à l’exil, chassé de son pays par une guerre fratricide, un jeune comédien embarque sur un rafiot. Placé dans un camp de réfugiés après la traversée, pour soulager la douleur des migrants, il décide de ressusciter les morts...
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Fuir les bombes et la misère pour risquer sa vie sur les chemins liquides de l'exil, et espérer plus tard une réparation qui se dérobe : un puissant roman en forme d'épopée macabre, nimbée d'humour du désastre, pour nous confronter à ce que trop persistent à nier.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/12/08/note-de-lecture-cest-beau-la-guerre-youssouf-amine-elalamy/

Pour sa douzième publication, parue presque simultanément en 2019 aux éditions marocaines le Fennec et aux éditions françaises Au Diable Vauvert, Youssouf Amine Elalamy, par ailleurs professeur de stylistique au sein du département d'anglais de l'université Ibn Tofail de Kénitra, à une trentaine de kilomètres de Rabat, a su concevoir une poétique à la fois violente et farceuse, dénichant une tonalité exceptionnelle pour, en 200 pages, et quatre parties, nous assener certaines réalités qu'il est trop souvent si commode, en Europe ou dans d'autres pays épargnés par la guerre, de négliger ou même d'ignorer, en laissant s'installer les tristes sentiments de l'égoïsme et du chacun pour soi (quand ce n'est pas quelques phobies irrationnelles de l'ordre des remplacements ou autres délires systématiques) : si des centaines de milliers de fuyards, hommes, femmes et enfants, quittent tout pour risquer leurs vies dans des chemins de traverse minés ou à bord d'embarcations toujours au bord du naufrage, c'est bien avant tout, et presque uniquement, parce qu'ils sont confrontés à la réalité de la guerre et de la destruction, parce que leurs enfants sont enrôlés de force dans des combats qui ne sont en réalité pas les leurs, parce que leurs maisons brûlent et que leurs moyens de subsistance sont pillés – pas pour le plaisir de venir goûter à la précarité dantesque des camps de réfugiés construits à la hâte comme autant de prisons pour faire semblant d'accueillir. Réalité pourtant connue mais pourtant aussi perpétuellement effacée : c'est ce que « C'est beau, la guerre », par les voix des fuyards d'un pays imaginaire qui emprunte ses caractéristiques fondamentales aux mosaïques des conflits irakien et syrien, vient nous rappeler cruellement et néanmoins en réelle beauté.

Le phénomène migratoire contemporain est certainement l'un des sujets sur lesquels, loin des rapports officiels de l'UNHCR ou des ONG les plus dévouées, les autrices et les auteurs d'Europe et de Méditerranée se sont le plus naturellement mobilisés ces dernières années, puisant dans les ressources de leur art pour donner à ressentir et à penser, loin du sentiment de repli identitaire et d'un faux confort économique dont trop de médias et de politiques voudraient néanmoins nous abreuver, les réalités de la guerre, de la fuite vers la survie, et du cortège catastrophique qui l'accompagne, depuis les bombes, les meurtres et les famines jusqu'aux camps d'internement et aux rejets en passant par les traversées, les accidents et les noyades.

Après les précurseurs Erri de Lucale dernier voyage de Sindbad », 2003), Serge Quadruppani (« Les Alpes de la Lune », 2000), Vladimir LortchenkovDes mille et une façons de quitter la Moldavie », 2006) ou Andreï Ivanovle voyage de Hanumân », 2010), le prétendu « choc migratoire » de 2015 a poussé davantage d'autrices et d'auteurs à nous aider à saisir de quoi il retourne réellement : Denis LemassonNous traverserons ensemble », 2016), Velibor Čolić (« Manuel d'exil », 2016), Davide EniaLa loi de la mer », 2017), Patrick ChamoiseauFrères migrants », 2017), Marielle MacéSidérer, considérer », 2017), Patrick K. Dewdney (« Écume », 2017), Claude Favre (« crever les toits, etc », 2018), Emmanuel RubenTerminus Schengen » et « le coeur de l'Europe », tous deux en 2018), Laurent KloetzerIssa Elohim », 2018), Léo HenryL'autre côté », 2019), Marie Cosnay (« If », 2020), ou encore Dominique DupartLa vie légale », 2021), pour ne citer que celles et ceux présents sur ce blog, se sont tour à tour penchés, en poésie ou en fiction, en témoignage ou en analogie, sur l'autre fuyant la mort et la misère en devant l'affronter plus que jamais. Comme Alain GiorgettiLa nuit nous serons semblables à nous-mêmes », 2020) à sa propre manière, Youssouf Amine Elalamy a tenté et réussi le pari d'une synthèse provisoire, tentant d'englober ce phénomène humain et politique dans toutes ses dimensions, avant, pendant et après, en prenant le parti d'une narration étagée usant d'un sens épique de la farce macabre qui s'approche par moments de l'humour volodinien du désastre. le résultat en est naturellement bouleversant, dérangeant, redoutable – et salutaire.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Mon épouse avait éveillé ma curiosité pour "C'est beau la guerre" de Youssouf Amine Elalamy. Et effectivement, que c'est beau la guerre sous cette plume.
Le roman est divisé en 4 parties : la première place la barre très haut avec un style qui décrit le théâtre d'une guerre sans doute inspirée du conflit syrien avec une force vibrante dans les mots mais aussi dans le point de vue adopté. Les deux autres parties, un peu plus feutrées amènent à s'approprier ce qu'implique l'exil forcé. Plus que des mots, l'auteur parvient à mettre des émotions sur ce que peuvent vivre les migrants. La dernière partie, dénote davantage, laissant place aux portraits de femmes écorchées par la guerre, des vies brisées à reconstruire y compris pour le narrateur.
Au final, un roman que je reverrai de redécouvrir lors d'une lecture publique, tant j'ai eu de plaisir à le lire à voix haute, même si j'ai parfois eu l'impression de lire quatre romans différents.
Envie de lire d'autres romans de cet auteur en tout cas. Et vite.
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Cela commence par la description d'une ville où la guerre a pris ses quartiers. L'auteur est comme l'oeil de la caméra qui se pose sur des objets, des êtres humains, des débris. Et puis une affiche, celle du « Docteur » que le narrateur aimerait recouvrir de peinture blanche. Ce Docteur, qu'on devine, est surnommé ainsi, ironiquement, en référence à sa formation de base. Ici il n'y a plus de noms, ni de pays, juste des prénoms d'exilés, qui souhaitent retrouver un proche que la guerre a emportée, et que le narrateur, acteur, tentera de faire revivre, en les « incarnant ». L'écriture poétique m'a aidée à lire plus facilement, ces pages d'une violence terrible. Ce n'est pas une histoire gaie, mais d'amour il est beaucoup question, et j'ai été particulièrement touchée par les portraits de femmes atteintes dans leur chair. Un livre coup de poing jusqu'aux dernières pages, qui a de quoi interpeller.
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Sous l'emprise d'une dictature, la guerre peut être sanglante et poétique à travers les phrases de Youssouf Amine Elalamy. Mais quand tout ce que vous connaissez n'est plus que ruines, que votre pays n'est plus qu'un cimetière où plus personne ne meurt de vieillesse, il ne vous reste que la fuite, l'exil. Traverser la Méditerranée dans le plus profond silence pour tenter de survivre et débarquer sur une plage d'un autre monde, entre baigneurs et bikinis. Et là, pour soulager la douleur des réfugiés, tenter de réparer les vivants.
Lire « C'est beau, la guerre », c'est comme lire plusieurs romans en un. S'émouvoir jusqu'aux larmes de la souffrance et s'émerveiller du pouvoir des mots.

Lien : https://deslivresetnous.lepo..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Après chaque raid, il y avait beaucoup de gens autour des gravats ; tout le monde cherchait des corps. En fouillant bien au milieu des morts, on tombait parfois sur une voisine, un ami d’enfance, le boulanger du coin ou son propre fils que l’on réussissait tout de même à reconnaître à sa coupe de cheveux, à sa tache de naissance, à sa dent cassée ou à sa chemise à fleurs. On prenait le temps de lui caresser les cheveux parce que, encore plus que les vivants, les morts ont besoin d’être rassurés. Compter les morts, les identifier, était notre façon de les pleurer et surtout de les sauver, si tant est que l’on puisse sauver un mort. Après chaque attaque, nous nous empressions de récupérer les corps avant que les fossoyeurs ne débarquent avec leurs chiens hargneux renifleurs de sang, ne leur fassent les poches, ne les dépouillent et ne les empilent les uns sur les autres comme un tas de bois mort ou un simple amas d’ordures prêtes à être incendiées, et dont il ne resterait plus à la fin qu’un amoncellement de crânes blancs entassés comme des pierres. Tout en y mettant le feu, ils continuaient à discuter entre eux, à rire de leurs blagues comme si de rien n’était. À force d’être mortes, les victimes, elles, se laissaient faire et ne bougeaient pas le petit doigt.
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On se relève et on voit cette jeune maman assise sur une banquette, les jambes croisées, les yeux retournés comme si elle avait cherché à voir ce qui se passait derrière elle. Elle tient son bébé dans les bras et lui donne le sein. La petite bouche suce et tire vers elle le liquide blanc qui coule doucement du téton de la maman. Le bébé continue à téter et ne sait toujours pas qu'elle a reçu une balle dans le dos. On regarde et on attend ce moment où la mère se transformera en ange et où l'enfant ne se nourrira plus que de lumière.
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Dieu que c’est beau, la guerre vue du ciel. On largue une bombe et on la voit fleurir en poudre de lumière. Jamais un arbre n’aura poussé aussi vite, jamais ses palmes n’auront eu un tel éclat. Seulement voilà, moi, la guerre, je ne l’ai jamais vue d’en haut, seulement d’en bas, et chaque arbre de feu, chaque palme qui pousse emportent avec eux une mère, un fils, un mari, un visage, des jambes, un bras. Une maison brûle, deux maisons brûlent, trois maisons brûlent, puis le quartier entier. Un pays en feu. Des forêts, des clairières, des champs, des collines, des montagnes, des parcs, des écoles, des cinémas, des théâtres, des mosquées, des églises, des jardins, des routes, des chemins, des villages, des villes. Ma ville. Bombardée, détruite, incendiée, rasée. Ma ville, atteinte d’une étrange maladie qui, jour après jour, s’en prenait à son corps, l’attaquait et le brûlait jusqu’à n’en laisser que des ruines. Ma ville ne ressemblait plus à ma ville ; on aurait dit un château de sable piétiné par une horde d’enfants. Toute chose a une couleur et la guerre c’est tout gris. Au premier coup de feu, les couleurs s’envolent et se dispersent d’un coup comme des oiseaux que l’on aurait fait fuir avec le bruit. Et même quand le ciel brûle ou que le sang coule, la guerre c’est tout gris. D’un gris qui, tout comme les cendres, garde en lui le souvenir du feu.
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Encerclée depuis quelques jours, notre ville ressemblait à un manège qui tournait tournait tournait, avec les avions qui montent et qui descendent et les feux qui s’allument, orange rouge orange rouge. Et lorsque les avions disparaissaient enfin dans le ciel, des corps gisaient un peu partout comme des petits chevaux de bois tombés de leurs ressorts. Certains avaient perdu une patte ou deux, d’autres avaient la tête de travers ou la crinière brûlée ; d’autres encore étaient légèrement abîmés, avaient perdu leurs couleurs et semblaient seulement dormir. Tous étaient morts. Après les premiers bombardements, on ne croyait déjà plus au paradis et on n’avait plus besoin de chercher à quoi pouvait ressembler l’enfer.
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Ce n'étaient pas ses vêtements que j'enfilais, c'était sa peau.
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Vidéo de Youssouf Amine Elalamy
Sortie de C'est beau, la guerre de Youssouf Amine Elalamy aux éditions Au diable vauvert Teaser video
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