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EAN : 9782070322879
192 pages
Gallimard (12/02/1985)
3.46/5   98 notes
Résumé :
« Si un homme attribue tout ou partie des malheurs du pays et de ses propres malheurs à la présence d'éléments juifs dans la communauté, s'il propose de remédier à cet état de choses en privant les juifs de certains de leurs droits ou en les écartant de certaines fonctions économiques et sociales ou en les expulsant du territoire ou en les exterminant tous, on dit qu'il a des opinions antisémites. Ce mot d'opinion fait rêver... » Jean-Paul Sartre.
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Sartre a écrit ce livre à la fin de la deuxième guerre mondiale, en se focalisant principalement sur l'antisémitisme français et chrétien. Sa première démarche est de démontrer que l'antisémitisme n'est pas une opinion mais une passion. Dans ce mot d'opinion il entend une signification assez stricte en excluant tout goût irrationnel, qui ne se base sur rien de concret et dont on ne peut pas débattre. Un antisémite est avant tout un être passionné à qui on ne peut pas faire entendre raison. le but de Sartre est bien sûr d'empêcher les antisémites de se réfugier derrière la liberté d'opinion. Cette acception du mot d'opinion aurait mérité, à mon avis, un plus large développement qui aurait pu déboucher sur des questions essentielles, sur le droit et même sur une certaine « moralité démocrate ». Mais Sartre a préféré faire du Sartre, c'est-à-dire de la psychologie synthétique et l'essentiel du livre est consacré à la description psychologique de l'antisémite, puis du juif. Ainsi, on apprendra que l'antisémite est non seulement un être passionné et irrationnel, mais aussi un homme qui refuse d'envisager sa condition humaine. L'antisémite a peur de ses responsabilités et de sa solitude. Quant au juif, il est surtout juif à cause du regard porté sur lui : « le juif est un homme que les autres hommes tiennent pour juif ». Toutes ces descriptions psychologiques sont loin d'être dénuées d'intérêt et je les crois assez justes. Seulement, elles pourraient être appliquées à un grand nombre d'hommes et de femmes pas forcément antisémites ou juifs. Ses portraits à charge ne nous disent rien de fondamental sur l'antisémitisme. Alors, finalement, quelle est la réponse de Sartre à la question juive ? A long terme, pour qui connait l'idéologue Sartre, sa solution n'a rien de surprenante. A court terme, l'éducation et la répression étant insuffisantes, il préconise la constitution d'une « ligue » pour défendre les juifs et la solidarité de tous ceux qui ne sont pas antisémite, car : « Pas un français ne sera en sécurité tant qu'un Juif, en France et dans le monde entier, pourra craindre pour sa vie. » Un essai qu'il faut lire mais remettre dans son contexte. Il a été écrit à la fin de la deuxième guerre mondiale et concerne particulièrement l'antisémitisme français et chrétien. La situation des juifs n'a pas évolué depuis cinquante ans, elle s'est métamorphosée et beaucoup de réflexions de Sartre sur les juifs ne sont plus du tout valables à notre époque. Sartre effleure, parfois, des questions sur la constitution des communautés, l'exclusion ou le rapport à soi et aux autres qui mériteraient aujourd'hui d'être approfondies.
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Certes, Sartre ne se livre à aucune méditation sur la Shoah dans ce livre écrit en 1946 - peu différent en cela de ses contemporains.
Certes encore, il ne connaît manifestement ni l'histoire du peuple juif, ni sa culture, ce qui l'amène à dire que le Juif est le simple produit de l'antisémitisme.
D'où sa solution : supprimons l'antisémitisme (en bâtissant la "société sans classes"), et le "problème juif" disparaîtra de lui-même.
Ces bémols énoncés, il y a quand même de belles choses dans ces "Réflexions".
L'analyse de l'antisémitisme y est lumineuse : c'est la peur (de la modernité, de l'autre, de l'étranger) qui explique l'antisémite.
Il y critique également (en contradiction avec lui-même, d'ailleurs), l'assimilationnisme démocratique, qui ne voit dans le Juif que l'homme et lui demande purement et simplement de s'intégrer.
Et puis, comme toujours chez Sartre, à côté des systèmes idéologiques (il s'est pratiquement toujours trompé !), ces fulgurances de style et de pensée...
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"Si le Juif n'existait pas, l'antisémite l'inventerait."
Ce livre a été écrit à une époque où avoir des propos antisémites était une opinion.
Ce qui, à juste titre, choque Poulou.
Nous sommes après la guerre.
Le philosophe, lui, parle d'une passion.
Irrationnelle donc.
Il a interrogé, dit-il, un grand nombre d'antisémites pour comprendre...
Cherche dans L Histoire une explication à ce ressentiment.
Malheureusement, l'antisémitisme est toujours présent, mais j'ai l'impression que le musulman est celui qui, aujourd'hui, fait figure de bouc-émissaire....
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Rédigé par Sartre en 1944, moment charnier où la France vient d'être libérée mais que l'horreur des camps n'a pas encore été révélée. Sartre, dans cet ouvrage, ne souhaite pas disserter sur le judaïsme qu'il ne prétendait pas connaître mais sur l'antisémitisme qui venait de prendre forme et qui avait découlé sur les persécutions de Vichy. de plus, il réalise ce livre puisqu'il a fait le constat navrant que cet antisémitisme ne s'est pas arrêté à la Libération. Ses derniers mots sont, en effet, un appel à réfléchir à cette discrimination puisque l'antisémitisme « n'est pas un problème juif: c'est notre problème ». Sa thèse principale est de démontrer que « le juif » est une créature de « l'antisémite ». Il faut donc étudier l'antisémitisme non du côté des juifs mais de leur persécuteur, l'antisémite. Il affirme ainsi que pour mettre un terme à l'antisémitisme, ce n'est pas le Juif qu'il faut changer mais l'antisémite. Il dresse ainsi le portrait de ce dernier dans un chapitre que j'ai trouvé vrai, caustique et pertinent encore aujourd'hui. Néanmoins, les autres chapitres m'ont moins convaincus car il dresse le portrait du démocrate et du juif. Ces portraits m'ont parus très réducteurs, simplistes et pas très pertinents. D'autant qu'il use de termes, à mon avis, trop généralistes et superficiels. Cependant, cet essai, en beaucoup d'aspects, reste d'actualité et peut s'appliquer, à mon avis, à toutes personnes victimes de discrimination.
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Ce livre n'est pas le portrait du Juif. Si le sujet du livre est sur la question juive, ce n'est pas que les juifs sont un problèmes, mais parce qu'ils ont un problème : celui de l'antisémitisme. Pour quelles raisons? Jalousie, paresse... ? Des raisons valables? Non, elles sont même fausses. Il s'agit plutôt de raisons médiocres à la taille de l'antisémite. Finalement, à partir de cette réflexion, Jean-Paul Sartre, pose le problème de la discrimination raciale en général. "L'antisémitisme, en un mot, c'est la peur devant la condition humaine. L'antisémitisme est l'homme qui veut etre roc impitoyable, torrent furieux, foudre dévastatrice: tout sauf un homme."En effet, dans l'oeuvre de Sartre il s'agit du retournement du stigmate: "Le Juif est un homme que les autres hommes tiennent pour Juif", il est surdéterminé.
En guise de conclusion, la liberté du Juif, nous concerne tous en tant qu'aucun " Français ne sera libre tant que les Juifs ne jouiront pas de la plénitude de leurs droits."
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Mais il ne faudrait pas croire que sa médiocrité lui fasse honte : il s'y complaît au contraire ; je dirai qu'il l'a choisie. Cet homme redoute toute espèce de solitude, celle du génie aussi bien que celle de l'assassin : c'est l'homme des foules ; si petite que soit sa taille, il prend encore la précaution de se baisser, de peur d'émerger du troupeau et de se retrouver en face de lui-même.
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Il y a dans les mots « une belle Juive » une signification sexuelle très particulière et fort différente de celle qu'on trouvera par exemple dans ceux de « belle Roumaine », « belle Grecque » ou « belle Américaine ». C'est qu'ils ont comme un fumet de viol et de massacres. La belle Juive, c'est celle que les Cosaques du tsar traînent par les cheveux dans les rues de son village en flammes.
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Il a choisi aussi d'être terrible. On craint de l'irriter. Nul ne sait à quelles extrémités le porteront les égarements de sa passion, lui le sait : car cette passion n'est pas provoquée du dehors. Il la tient bien en main, il la laisse aller tout juste comme il veut, tantôt il lâche la bride, tantôt il tire sur les rênes.
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Ce mot d'opinion fait rêver... C'est celui qu'emploie la maîtresse de maison pour mettre fin à une discussion qui risque de s'envenimer. Il suggère que tous les avis sont équivalents, il rassure et donne aux pensées une physionomie inoffensive en les assimilant à des goûts.
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Ainsi, le Juif est en situation de Juif parce qu'il vit au sein d'une collectivité qui le tient pour Juif. Il a des ennemis passionnés et des défenseurs sans passion. Le démocrate fait profession de modération ; il blâme ou admoneste pendant qu'on met le feu aux synagogues. Il est tolérant par état ; il a même le snobisme de la tolérance, il l'étend jusqu'aux ennemis de la démocratie : ne fut-il pas de mode, dans la gauche radicale, de trouver du génie à Maurras ? Comment ne comprendrait-il pas l'antisémite. Il est comme fasciné par tous ceux qui méditent sa perte. Et puis peut-être a-t-il au fond de lui-même comme un regret de la violence qu'il s'interdit. Et surtout la partie n'est pas égale : pour que le démocrate mît quelque chaleur à plaider la cause du Juif, il faudrait qu'il fût manichéiste lui aussi et qu'il le tînt pour le Principe du Bien. Mais comment serait-ce possible ? Le démocrate n'est pas fou. Il se fait l'avocat du Juif parce qu'il voit en lui un membre de l'humanité ; or, l'humanité a d'autres membres qu'il faut pareillement défendre, le démocrate a fort à faire : il s'occupe du Juif quand il en a le loisir ; l'antisémite n'a qu'un seul ennemi, il peut y penser tout le temps ; c'est lui qui donne le ton. Vigoureusement attaqué, faiblement défendu, le Juif se sent en danger dans une société dont l'antisémitisme est la tentation perpétuelle. Voilà ce qu'il faut examiner de plus près.
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Vidéo de Jean-Paul Sartre
Cycle Autour de Minuit Anne Simonin, Les silences du Silence de la mer Conférence du mercredi 10 août 2022, qui s'est tenue dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022
À propos du Silence de la mer, première publication en 1942 des Éditions de minuit, alors clandestines dans la France occupée, Sartre écrivit, à la Libération, que ce « conte agréable et un peu languissant sur la guerre en 1939 » n'intéresserait plus personne dans l'avenir : « Il paraît que les bananes ont meilleur goût quand on vient de les cueillir ; les ouvrages de l'esprit pareillement doivent se consommer sur place. » La disqualification fit son effet. le Silence de la mer fut rangé parmi les livres de second rang, ceux qui doivent aux circonstances ou au marché un statut transitoire de chef-d'oeuvre. On tentera ici une tout autre lecture du Silence : une lecture matérielle. On traitera le Silence de la mer moins comme un texte que comme un objet, en interrogeant les différentes traces que porte la première édition du livre, tiré alors à moins de 400 exemplaires (la dédicace, l'imprimeur, le papier, etc.), avec l'idée que les « bananes sèches » pourraient bien conserver le goût d'une autre idée de la littérature
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