Odeur du temps / Jean d'Ormesson de l'Académie française
le présent recueil est une sélection parmi les milliers de chroniques que
Jean d'Ormesson a publiées de 1969 à nos jours essentiellement dans
Le Figaro Littéraire, Magazine et quotidien. Dans son style toujours aussi moqueur et plein d'humour, l'auteur nous fait connaître au départ ses chers ennemis qu'il aime en les ridiculisant avec cette langue dont il sait si bien user en polémiste qu'il est ; parlant par exemple du critique
Bernard Frank, il écrit : « J'espère que son amitié, toujours proche de la traitrise, et son talent malheureux à force de perfidie trouveront encore souvent à s'occuper de moi. Il ne m'en voudra pas trop si je ne lui réponds guère. » Attaque mais toujours à fleuret moucheté !
Un chapitre pour
Gabriel Matzneff qui pour l'auteur irrite mais séduit et prête souvent à rire, mais est rarement médiocre car il sert avec éclat la cause des lettres classiques et de la langue française. Un autre pour
Patrick Besson avec pour titre « la gloire du voyou », un écrivain plein de talent. Et puis l'historien
Ernst Kantorowicz, le physicien
Louis de Broglie qui unifia les théories corpusculaire et ondulatoire de la lumière, le neurologue et écrivain
Jean Delay, le philosophe
Raymond Aron, la philosophe
Jeanne Hersch, …etc.
Puis il nous fait part de son amour pour la littérature, de l'art et de la vie en général. Éternel optimiste et voyageur,
Jean d'Ormesson nous communique sa joie de vivre. Il nous fait partager son immense culture, et trouve les mots pour nous inciter à découvrir si ce n'est déjà fait les oeuvres de ses auteurs préférés. Et pour commencer bien évidemment
Chateaubriand qu'il commente avec passion ; pour lui,
Chateaubriand nous offre une oeuvre « qui ne périra pas tant qu'il y aura des hommes pour comprendre, pour aimer et pour lire, parce qu'elle donne à la diversité et à l'éparpillement de l'histoire et de la vie l'unité de la foi, de la beauté et de l'intelligence. » D'Ormesson cite également –Éric
Orsenna,
Philippe Labro,
Alexandre Jardin,
J.M.G. le Clezio. Et surtout
Oliver Sacks pour son roman « L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau ». Sans oublier
Marc Fumaroli. Et sur un ton humoristique de citer un certain Joubert, contemporain
De Chateaubriand « qui a écrit une absence d'oeuvre qui vaut mieux que beaucoup d'oeuvres ! » En effet il a écrit des milliers de pages sans jamais terminer quoi que ce soit !
Et l'auteur de remarquer que « le grand inconvénient des livres nouveaux est de nous empêcher de lire les anciens ! » Cela ne l'empêche pas de disserter sur
Balzac,
Proust,
Zola qu'il a lu évidemment. Et sur Mauriac, « un homme d'ordre qui n'en avait jamais fini de se pencher avec fièvre sur les désordres de l'âme. » Sont également cités et commentés
Borges, Nimier,
Aragon,
Marguerite Yourcenar,
Kleber Haedens,
Pierre Combescot. Puis il évoque
Juliette Récamier et
Madame de Staël, ces femmes qui ont illuminé l'histoire, l'une d'une grande beauté mais quasiment muette, grand amour
De Chateaubriand, l'autre femme de lettres et tournée vers le discours.
Dans un chapitre suivant,
Jean d'Ormesson évoque les lieux mythiques et les pays fondateurs : Istanbul, la Grèce, Rome …etc. À propos de la Grèce il écrit : « le propre de la Grèce, c'est qu'elle est d'emblée universelle. » C'est à l'historienne
Jacqueline de Romilly que l'auteur donne la parole ensuite pour parler des différents domaines où les grecs ont joué un rôle de créateurs et de pionniers, indéfiniment imités : pour l'histoire,
Hérodote et
Thucydide, pour la médecine
Hippocrate, pour la tragédie,
Eschyle,
Sophocle,
Euripide, pour la, philosophie, Socrate et
Platon, pour le mathématiques Euclide, Pythagore, Archimède,Thalès, Hipparque, Aristarque.
Jean d'Ormesson nous fait l'éloge du livre à sa façon qui serait aussi la mienne : « Dans une civilisation abrutie par une musique débile et par une télévision la plupart du temps consternante, lire et écrire restent parmi les activités les plus capables d'élever les hommes au-dessus de la banalité quotidienne...Pour le plaisir comme pour l'éducation, pour le divertissement comme pour le savoir ou la méditation, le livre est irremplaçable. » Il nous cire ensuite quelques uns des seigneurs de la littérature. Il n'oublie pas non plus les éditeurs et les libraires ainsi que
Bernard Pivot à qui il rend un vif hommage pour la qualité de ses émissions télévisuelles de naguère. le cinéma, les peintres, les grandes écoles, l'
Académie Française avec l'arrivée de la première femme au Quai Conti,
Marguerite Yourcenar, constituent les chapitres suivants Et puis les souvenirs de ses parents avec des lignes très émouvantes quand il parle de sa mère.
L'état de la langue française est une préoccupation pour
Jean d'Ormesson qui se demande ce qu'elle va devenir sous les outrages, sous l'indifférence des jeunes, sous les importations abusives, sous les emprunts continuels. Elle est loin l'époque où l'on parlait le français à la cour de
Catherine II de Russie, et en Allemagne sous Frédéric II. Selon l'auteur, la source du problème vient de la qualité de l'enseignement : « On a parfois le sentiment que l'école qui n'apprend plus à écrire, n'apprend même plus à lire, ni d'ailleurs à compter, ni à comprendre, ni à penser. Les méthodes nouvelles semblent moins efficaces que la bonne vieille dictée et la poésie apprise par coeur et les tables de multiplication …etc. »
Un livre de 470 pages, qui fourmille d'anecdotes, comme la girafe de Charles X ou l'élection de
Marguerite Yourcenar à l'
Académie Française, de faits historiques et de références de lecture, des journées à
Roland-Garros, un retour à Venise et sa Douane de Mer, de voyages à Borobudur et Dubrovnic, une bible ou un livre de chevet c'est selon le goût de chacun, le tout dans un style somptueux.