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Critiques sur le theme : arabe (15)
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L'art de perdre

A l'Indépendance, Ali n'a pas le choix : lui et sa famille doivent quitter l'Algérie, ses relations avec l'armée française le désignant maintenant comme un traître à son pays. Au travers d'Ali, de son fils Hamid et de sa petite-fille Naïma, qui n'a jamais vu l'Algérie, Alice Zeniter peint une grande fresque familiale en trois actes sur le rapport au pays lointain - qu'il soit paradis perdu ou terre étrangère -, qui au fil des générations continue d'entraver ses personnages.

Ambitieux par sa forme, toujours limpide sans pour autant se départir d'honorables exigences vis-à-vis du style, comme par son fond, qui aborde avec un souci de nuance exemplaire un sujet qui traverse les sociétés française et algérienne depuis plus de 50 ans, L'Art de perdre n'a pas volé son Prix Goncourt des lycéens !
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Le Pays des autres, tome 2 : Regardez-nous ..

Aïcha, Selim, Selma, Sabah... Une nouvelle génération entre en scène dans ce deuxième tome du Pays des autres. Les parents, Mathilde et Amine, ont désormais assouvi leurs rêves d'embourgeoisement et de richesse. Ils regardent leurs enfants grandir, sous le portrait d'Hassan II qui trône fièrement dans leur domicile, symbole d'une nouvelle ère. Aïcha, de nature réservée, étudie la médecine à Strasbourg, et son frère cadet Selim termine difficilement son lycée. Tous deux assistent au bouillonnement des idées de Mai 68 : Aïcha s'éprend de ""Karl Marx""-Mehdi qui deviendra son mari, quant à Selim, il suit des hippies jusqu'à Essaouira pour fuir sa relation interdite avec Selma, sa tante. Quand ce dernier disparaît, ses protectrices, Mathilde et Selma, retrouvent les lettres qu'il a envoyées à Sabah, la fille de Selma... Où est-il ?
Leïla Slimani poursuit sa reconstitution historique du Maroc, où la fiction éclaire l'histoire jusqu'à ne produire qu'un seul et même récit. En plus de l'épisode des hippies d'Essaouira, nous découvrons les exactions d'Hassan II contre ses opposants, le coup d'État de 1971 avec, en filigrane, la corruption. C'est avec une écriture ciselée et toujours plus précise que l'autrice fait monter cette tension narrative qui unit les événements aux personnages et crée le suspens. Dans ce nouvel opus, les femmes se voient conférer une fois de plus le statut d'héroïnes.
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Saturne

4 mai 2019. Une femme aux yeux bleu roi interpelle Sarah Chiche après une conférence. Ses parents travaillaient dans la clinique des grands-parents de l'autrice. Elle a bien connu son père aussi. Elle lui dit : « Vous avez son sourire ». Cette brève rencontre joue comme un détonateur. Sarah Chiche repense à cette promesse qu'elle s'était faite d'écrire un livre sur tous ces personnages qui ont hanté son enfance. Elle élabore alors son récit de filiation. Sa famille a construit dans le temps un véritable empire médical à Alger puis en Normandie. La clinique attire les meilleurs médecins et l'argent coule à flot, mais le père de Sarah Chiche se détourne de cette réussite. Il refuse de devenir médecin, commence une relation avec une femme aux origines obscures et surtout meurt d'un cancer après avoir donné naissance à une fille.

Sarah Chiche tente de reconstituer les événements et les causes qui l'ont menée à une terrible dépression de 2002 à 2005 au moment où elle hérite, à la place de son père mort, de sa grand-mère. On comprend que le roman familial qu'elle a restitué pas à pas avec le lecteur permet de débusquer les origines de la mélancolie. Elle donne ainsi une forme à ce qui est pourtant obscur, insaisissable, intangible. Sans doute une parfaite démonstration du pouvoir de l'écriture qui, d'après Sarah Chiche, se situe justement là où intervient la mélancolie.
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La Maison indigène

En 1930, l'architecte Léon Claro est chargé de bâtir une réplique idéale de maison traditionnelle algérienne pour honorer le centenaire de l'Algérie française. En plein coeur d'Alger, il conçoit une bâtisse composite, qui multiplie les emprunts à diverses esthétiques orientalistes pour parvenir à un simulacre d'authenticité. Elle reste pendant quelques décennies un symbole de l'entreprise coloniale française en Afrique du nord, visitée aussi bien par Albert Camus que par Le Corbusier.
Ce lieu à l'authenticité douteuse devient pour Claro, petit-fils de l'architecte, un symbole de son rapport distant et réticent à son histoire familiale, un lieu encombré de fantômes et d'arrangements avec la réalité. S'il sacrifie à quelques passages obligés du genre du récit généalogique, Claro compose avec La Maison indigène un récit mémoriel singulier : un texte à facettes et à tiroirs qui tente de remettre de l'ordre dans une histoire où de grands témoins, de Camus à Jean Sénac en passant par Visconti, permettent de dessiner par contraste les silhouettes des figures insaisissables que sont le grand-père et le père de l'auteur. Sans sentimentalisme, Claro rend ainsi un hommage réservé mais émouvant à ces deux absents, enfin autorisés à s'extraire de sa mémoire cadenassée.
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L'enfant de sable

Inspiré d'un fait réel, L'Enfant de sable est l'histoire d'un père qui décide arbitrairement que sa huitième fille, né Zahra, sera un garçon. Désormais prénommé Ahmed, il/elle est élevé dans la dureté, le simulacre et la violence. C'est une question d'honneur, de virilité aussi. Mais au fil des ans, la féminité évacuée d'Ahmed refait peu à peu surface : son corps meurtri s'exprime, ses certitudes s'effritent… La voix du conteur, ensorcelante et fragmentaire, devient celle d'un combat, celui d'assumer qui l'on est, au-delà du carcan social, patriarcal et familial.
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Attaquer la terre et le soleil

Dans un court texte au style magistral, semblable à un conte cruel, Mathieu Belezi revient sur le destin d'une poignée de colons lors de la conquête française de l'Algérie, entre 1830 et 1847. En faisant alterner deux récits - deux cris -, celui de Séraphine, jeune mère de famille pauvre venue s'installer dans une concession agricole, et celui d'un soldat embarqué dans une escalade de violence, c'est tout le tragique et l'horreur de cette campagne coloniale que l'auteur nous dépeint.
La rudesse de la vie des colons et leur épuisement, la barbarie de la colonisation, la perte d'humanité, les destins brisés sont donnés à entendre par une écriture féroce et visuelle, à la rythmique puissante. Un récit édifiant, qui prend aux tripes et rend compte avec précision de la folie conquérante et des mensonges originels de la colonisation.
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Sur les traces d'Enayat Zayyat

Qui était Enayat Zayyat ? de cette autrice égyptienne, la poétesse et universitaire Iman Mersal ne connaissait que son unique roman « L'amour et le Silence », publié en 1967, quatre ans après sa mort. Touchée par son écriture sensible, Iman Mersal souhaite en savoir plus sur cette jeune femme et comprendre pourquoi elle s'est donné la mort à seulement vingt-six ans. À l'aide de témoignages de proches et d'amies d'Enayat, dont l'actrice Nadia Lutfi, d'archives publiques et privées ou de journaux intimes, l'autrice mène cette enquête pendant plusieurs années. Petit à petit, nous découvrons l'histoire d'Enayat, son enfance et son éducation à l'école allemande, son mariage malheureux, et ses aspirations d'écriture.
Plus qu'une biographie, c'est l'histoire d'une recherche patiente et minutieuse, au fil des sources, pour reconstituer la vie d'une femme. Iman Mersal nous fait parcourir les rues du Caire, à la recherche d'une place, d'une tombe ou d'un centre d'archives, et nous plonge dans la vie politique, sociale et culturelle de l'Egypte des années 1950 et 60. L'autrice parvient parfaitement à réhabiliter la vie et l'oeuvre de sa consoeur et il est souvent touchant de voir, au fil des pages, des photos de la jeune Enayat, souriante.
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Le Pays des autres

En 1944, Mathilde l'alsacienne rejoint la terre promise de son mari Amine près de Meknès au Maroc. Cette terre aride les engage dans un labeur sans concession. Lorsque Mathilde comprend la condition imposée aux femmes de ce pays, elle inscrit sa fille Aïcha dans une école chrétienne pour lui assurer une instruction. Aïcha se débat alors entre sa famille pauvre et ses camarades issues de familles bourgeoises. À la mort de son père, Mathilde souhaite retourner en Alsace pour y vivre libre, mais la résignation l'emporte à la faveur de son mari, tandis qu'ont lieu les premiers massacres de colons. Elle trouve finalement son salut dans la création d'un dispensaire.
C'est sur fond d'épopée historique - la décennie qui précède l'indépendance marocaine - que la narratrice nous livre les monologues intérieurs d'une mère et de sa fille. Leur destin s'oppose à celui des hommes de leur famille, fiers et violents. Dans une noirceur qui va crescendo au fil des pages, la narratrice décrit la misère, les croyances ancestrales et l'ignorance des populations. Comment Aïcha se relèvera de cette situation ? À suivre, dans deux autres tomes, qui seront publiés dans les années à venir.
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La chambre de l'araignée

Au moment où il ose enfin prendre la main de son amant Abdelaziz en pleine rue, une autre main se pose sur l'épaule d'Hani : celle d'un policier venu l'arrêter. Ce même jour, le 11 mai 2001, cinquante-deux autres homosexuels sont interpellés à la sortie d'un bar du Caire. Ils passeront plusieurs mois en prison, subissant brimades et humiliations physiques. Sorti de cet enfer, Hani raconte les années qui l'ont précédé, depuis ses premiers émois sexuels.
Racontant crûment la vie de Hani et de ses amants de passage, Mohammed Abdelnabi fait un état des lieux de la condition homosexuelle en Egypte. Persécutés par la police, objets d'un tabou absolu, les héros d'Abdelnabi sont pourtant en silence les acteurs d'une véritable révolution sexuelle. Malgré la profonde noirceur de son propos, La chambre de l'araignée parvient à donner une individualité à chacun de ces hommes de l'ombre, et à saluer avec retenue leur capacité à former une communauté face à une société hostile.


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Le village de l'Allemand ou le journal des ..

A l'origine, il y a deux frères, Rachel et Malrich, nés d'une mère algérienne et d'un père allemand. Elevés ensemble dans une cité de banlieue parisienne, l'aîné a réussi son intégration sociale là où l'autre ne jure que par la révolte. Dès les premières pages du récit, pourtant, Malrich nous apprend que Rachel a mis fin à ses jours. le fondement de cet acte, inexpliqué et violent, se trouve au croisement des journaux intimes des deux frères, entre secret familial et barbarie collective.
Au coeur du Village de l'Allemand, il est une voix qui s'élève : celle, brûlante et insoumise, de l'écrivain. En reliant la Shoah (sujet tabou en Algérie), la guerre civile algérienne et la situation des banlieues françaises, Boualem Sansal trace une histoire frontale des grandes ignominies. du nazisme à l'islamisme, tous les fanatismes font des ravages : il y a urgence à les dire, les dénoncer, les combattre.
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Tous les hommes désirent naturellement savoir

Nina Bouraoui se remémore sa jeunesse à Paris, dans les années 80, quand elle fréquentait les boîtes de nuit réservées aux femmes. En parallèle, elle replonge dans son adolescence à Alger, y cherchant l'origine de son homosexualité. le récit alterne ainsi entre sa vie parisienne, ses rencontres, le sentiment de honte et de haine de soi qu'elle y a ressenti, et les souvenirs de son enfance heureuse en Algérie. Jusqu'à ce qu'un soir, en boîte, une jeune fille se mette à l'obséder.
Ce roman initiatique est marquant par sa profonde sincérité, par un regard sur soi parfois dur et par le portrait juste d'une époque et du milieu de la nuit. La beauté du texte tient aux nombreuses sensations et réminiscences qui traduisent le trouble, les désirs de l'autrice, mais aussi la nostalgie de son enfance. Nina Bouraoui interroge son identité sexuelle et témoigne de la peur de l'homophobie qui l'oblige à se cacher. Elle dépeint sans fard des femmes en quête d'amour, confrontées au rejet de leurs proches, au mal de vivre, à la tentation du suicide ou à l'alcool. Mais elle évoque aussi la complicité avec sa mère, femme rejetée par sa famille pour avoir épousé un Algérien, et révèle le lien existant entre ses premiers émois amoureux et son désir d'écriture : les impressions jadis consignées dans un journal ont été la source de ce texte fort et poétique sur l'acceptation de soi.
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Impasse des deux palais

Imaginez le Caire dans les années 1920 : Naguib Mahfouz y raconte les péripéties de la vie d'une famille de commerçants aisés, le père tyrannique et hypocrite, sa femme soumise, ses deux filles à marier, ses trois fils aux caractères dissemblables et le cercle d'amis et compagnons de plaisir. Grâce à son grand art de la description, il donne vie à des personnages profondément humains, décrits avec acuité psychologique, détails savoureux et sensuels ainsi qu'une touche d'humour.
Impasse des deux palais est le premier volet d'une saga familiale évoquant le destin de l'Egypte à une époque charnière, où cohabitent le poids de la tradition et les premiers mouvements de lutte pour l'indépendance.
Naguib Mahfouz est le premier écrivain de langue arabe à avoir obtenu le prix Nobel de littérature en 1988. La trilogie du Caire comprend Impasse des deux palais (1956, 1988 chez Lattès pour la traduction française), le Palais du désir et le Jardin du passé.
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Sensible

Nedjma Kacimi a un père algérien et une mère française. A partir de cette double identité, l'auteur interroge dans Sensible les impensés de l'héritage de la guerre d'Algérie, le racisme systémique en France, les discriminations dont sont victimes au quotidien les français racisés.
La force de Sensible est de mêler adroitement le récit personnel de l'autrice, notamment de très belles pages sur son enfance, à une réflexion sociologique et historique, le tout dans une langue très percutante, drôle et irrévérencieuse. A la limite de la forme poétique, la langue se tord pour suivre tour à tour l'indignation, la colère mais aussi l'espoir dont Nedjma Kacimi fait preuve dans ce texte. Un livre salvateur dans les débats actuels sur l'identité nationale.
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Celui qui est digne d'être aimé

Comment vivre son homosexualité en tant que jeune marocain ? La question est centrale dans l'oeuvre à la fois intime et intensément politique d'Abdellah Taïa. Ahmed, le héros de Celui qui est digne d'être aimé, n'envisage qu'une issue : l'exil vers la France, perçue comme une terre de liberté par opposition à son pays natal où aucun droit n'est garanti pour les LGBT.

Au fil d'un roman épistolaire ramassé, économe et précis, la vie d'Ahmed se dévoile à rebours, depuis son âge mûr qui le voit regretter son incapacité à s'attacher aux hommes qui traversent sa vie jusqu'aux rudes années d'enfance. Entre le Maroc et la France, c'est l'histoire d'une violence sans cesse renouvelée, qu'évoque Abdellah Taïa : la violence physique subie au village natal puis la violence symbolique qui s'exerce en France sur celui qui est considéré par les hommes comme un objet sexuel exotique à manipuler et dominer. Enfermé dans les rôles que d'autres lui assignent, Ahmed est un personnage aux abois, infiniment émouvant, qui questionne aussi bien l'homophobie que le racisme de nos sociétés dites progressistes.
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Ce vain combat que tu livres au monde

Qui mieux que Fouad Laroui pouvait parler de radicalisation et de terrorisme avec subtilité et même une pointe d'humour ? Il publie aux Editions Julliard l'histoire de Malika et Ali, un couple en plein déchirement. Discrimination, tentation du repli sur la religion, mauvaises fréquentations... Une spirale qui happe Ali, et dont Malika tente en vain de l'extraire.

Instructif, engagé, Ce vain combat que tu livres au monde permet de comprendre certains mécanismes de l'enfermement mental que constitue toute forme de radicalisation. Et parvient à ménager des moments de légèreté, grâce notamment au talent exceptionnel de Fouad Laroui pour les dialogues !
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