AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782213617725
155 pages
Fayard (21/01/2004)
3.72/5   36 notes
Résumé :

" On ne meurt que du premier homme ",écrivait Colette en 1909, au moment de son divorce. Vingt-cinq ans plus tard, la blessure n'est pas encore refermée. Mes apprentissages (1936) en témoigne.

Si elle se penche sur ses premières années de femme, raconte ses souvenirs de jeune épousée et évoque des personnalités du milieu journalistique et du monde littéraire auxquels elle fut très tôt liée, Colette dresse surtout un saisissant réquisitoir... >Voir plus
Que lire après Mes apprentissagesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Récit des rencontres qui eurent pour effet de construire la "Colette" écrivain. La personne qui tient la place la plus important dans ce texte est Willy (Henry Gauthier-Villars) homme mûr qui l'épousa lorsqu'elle avait 20 ans. le portrait qu'elle brosse de cet individu n'est pas flatteur, mais certainement très réaliste : personnage grossier, volage, escroc qui signait des manuscrits dont il n'avait pas rédigé la moindre ligne employant pour cela une cohorte de "nègres" parfois très talentueux mais bien mal considérés et sous-payés, lorsqu'ils l'étaient.
Commenter  J’apprécie          290
"Mes apprentissages" porte sur la période du mariage de Colette avec l'éditeur Willy.

Elle relate sa vie conjugale de très jeune fille mariée à un homme plus âgé et très, mais vraiment très infidèle, qui l'enfermait plusieurs heures par jour pour la contraindre à l'écriture des Claudine et lui inspirait une frayeur sur la nature de laquelle elle ne s'explique pas clairement. Autorité, sans aucun doute, écrasement par une personnalité dominante, décisions unilatérales où la pauvre Colette s'est vue imposer force déménagements, trimballée comme un meuble, peu chaudement vêtue, peu chauffée, tout au moins au début de ce mariage qui dura treize ans, dans un Paris qu'elle détestait et où contracta à vingt ans une maladie dont elle faillit mourir (début de thiphoïde ? dépression ? plus probablement salpingite aigüe transmise par son coureur de mari)

Elle mena néanmoins (là-dessus elle s'étend moins, car c'est à mettre au bénéfice de son mari, ce qui n'est pas dans le ton du livre), une vie mondaine brillante, puisque le couple était familier des meilleurs salons parisiens, les mêmes qui recevaient Marcel Proust et Anatole France (entre autres).

Ce mari haut en couleur semble ne pas l'avoir rendue très heureuse. Il l'a affranchie sexuellement au-delà de ce qu'elle aurait souhaité en usant de son pouvoir d'homme mûr, sans pourtant qu'elle lui oppose une résistance farouche ; peut-être lui saura-t-elle finalement gré de l'avoir révélée à elle-même, notamment de lui avoir fait découvrir ses penchants saphiques. Mais il l'a incontestablement lancée dans la carrière littéraire qui sera toute sa vie, et elle a rencontré grâce à lui des amis fidèles : Marcel Schwob, Courteline, Paul Masson, Marguerite Moreno (qui sera sa meilleure amie, sa vie durant), Pierre Louÿs, Sacha Guitry, Jean de Tinan, Jean Lorrain, entre autres.

Le style est toujours aussi délicieux, l'auteure est sincère même si elle règle ostensiblement ses comptes avec ce mari qu'elle a aimé malgré tout et qui l'a quittée avant qu'elle ne le quitte, ce qui est toujours mortifiant. Il l'aurait également lésée sur ses droits d'auteur en abusant de son autorité de mari (on considère pourtant aujourd'hui que ce "Willy" n'aurait pas été aussi malhonnête que "Mes apprentissages" le laisserait entendre.)

"Mes apprentissages" se lit comme un roman, il en a le pouvoir d'évocation ; il est indispensable à la connaissance de la formation littéraire de Colette
Commenter  J’apprécie          160
Après avoir terminé ma lecture de Mes Vérités (recueil des entretiens radiophoniques que Colette accorda au journaliste André Parinaud en 1950), j'ai voulu relire Mes apprentissages, récit autobiographique de ses 12 années de mariage avec son premier mari, Willy, de 1893 à 1905.

Le titre de son récit pourrait laisser penser que l'écrivaine va s'expliquer sur la genèse de Colette, femme de lettres, or son récit est avant tout orienté sur Willy, le "cas Willy", sous la forme d'un véritable procès à charge.
Les infidélités de Willy et l'exploitation commerciale qu'il a fait du talent de Colette et de sa personne-même sont plus que connus, mais Colette s'épanche avec force détails et éléments de preuve sur ce qu'il lui a fait subir et sur le fonctionnement de ses multiples ateliers d'écriture dans lesquels travaillaient ses "nègres". Ces souvenirs ne sont d'ailleurs pas toujours fidèles à la réalité et peuvent être quelque peu "arrangés" par Colette en fonction de ce qu'elle a préféré taire ou de l'image qu'elle a souhaité laisser d'elle-même ou de Willy à ses lecteurs.

Bien qu'elle s'en défende et qu'elle publie ce texte 30 ans après avoir quitté Willy, on ressent toute l'amertume d'une blessure mal cicatrisée : il est vrai qu'aux infidélités fréquentes de Willy, à l'enfermement quotidien (à clé !) dans une petite pièce où elle devait écrire pendant 4 heures, à la spoliation de ses premiers livres uniquement signés par Willy, se sont ajoutées de nombreuses humiliations et vexations qui n'ont fait qu'aviver les souffrances de Colette. En véritable marketeur avant l'heure, Willy eut le génie d'exploiter de manière extrêmement inventive et moderne l'immense succès parisien des premiers Claudine : cartes postales avec les photos de Colette et Polaire en Claudine, apparition sur la scène d'un sosie de Willy incarnant le bedonnant Maugis (personnage de Claudine à Paris), et surtout exhibition de Colette et d'une "doublure", toutes deux déguisées en Claudine par Willy partout où il allait. La première doublure fût évidemment Polaire, première interprète de Claudine sur scène et aux dires de Colette l'unique, la meilleure, inoubliable, mais elle sera suivie de nombreuses "twins" comme les appelait Willy.

Dans son récit, Colette reste tout aussi pudique sur sa souffrance qu'elle l'était avec sa mère, Sido, à qui elle cachait la vérité dans ses lettres, l'habillant de gais mensonges sur son mariage et sa vie quotidienne. Sa libération, son "évasion" ne sont pas très détaillées : Colette évoque la vision d'une voyante qui l'aurait encouragée à quitter le domicile conjugal, une invitation de Willy à se lancer dans le théâtre, qu'elle aurait comprise comme une mise à la porte. Mais si elle a sans doute longtemps ruminé cela, la décision ne fut pas facile à prendre et probablement pas de son fait selon la passionnante notice analytique de Jacques Dupont que l'on peut lire dans la Pléiade : il est vrai qu'à l'époque Colette n'avait absolument aucune indépendance financière, les revenus de ses romans étant intégralement touchés par Willy.

Ce récit est aussi un témoignage unique et passionnant sur le milieu artistique de la Belle Epoque et de cette vie mondaine où se croisait une faune interlope, depuis les cocottes comme la belle Otéro jusqu'à la célèbre danseuse Mata-Hari, en passant par Boldini qui fit un magnifique portrait de Willy avec sa canne et son chapeau à bords plats et des écrivains parnassiens ou décadents comme Catulle Mendès ou les dandys à réputation sulfureuse Pierre Louÿs et Jean Lorrain.

Challenges Plumes féminines 2023
Challenges Non fiction 2023
Challenge Multi-défis 2023
Commenter  J’apprécie          100
Le sous-titre "Ce que Claudine n'a pas dit" donne le ton. Voici donc la jeune Gabrielle (quelque peu "Claudine") au temps de "ses apprentissages" amoureux et littéraires. Dans ce court livre, Colette nous confie ce qu'elle veut bien.
Que ses relations avec le premier homme aimé "Willy" (Henry Gauthier-Villars) furent tourmentées, difficiles, troubles.
Nous la suivons depuis le départ de son village, jeune épousée de vingt ans en passant par son arrivée à Paris, introduite directement dans la bohème littéraire et musicale, dans le monde journalistique par le "bon Willy" pour arriver à la naissance de son écriture et de sa participation en tant que nègre dans les "ateliers" de son mari jusqu'à leur séparation.
De logis en logis, de noms parvenus jusqu'à nous (Debussy, Pierre Louys...), de noms quelque peu oubliés (Jean Lorrain, Marcel Schwob...), nous parcourons les débuts de Colette et des "Claudine", livres et créations théâtrales avec Polaire dans le rôle ambigu de la jeune héroïne scandaleuse créée par Colette, "pimentée" sous l'impulsion de Willy.
Nous la suivons dans ses villégiatures (anecdote savoureuse à Belle-Isle) et aux Monts-Boucons (Franche-Comté) qui inspireront Casamène dans la "Retraite sentimentale".
L'écrivain règle ses comptes avec son Pygmalion.
Il est donc intéressant de lire ce témoignage et ensuite de se référer, soit aux commentaires de la Pléiade, soit à l'excellente et complète biographie de Claude Pichois et d'Alain Brunet qui analysent avec une grande rigueur cette période et les relations particulières entre Colette et Willy.

Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
"Tiens, dit M. Willy. Je croyais que je les avais mis au panier."
Il ouvrit un cahier, le feuilleta :
"C'est gentil..."
Il ouvrit un second cahier, ne dit plus rien - un troisième, un quatrième...
"Nom de Dieu ! grommela-t-il, je ne suis qu'un c..."
Il rafla en désordre les cahiers, sauta sur son chapeau à bords plats, courut chez un éditeur... Et voilà comment je suis devenue écrivain.
Commenter  J’apprécie          270
(...) J'ai des amis de trente ans qui ne m'ont jamais vu une larme aux cils...
"Vous, pleurer?" s'étonnent-ils. Ils me regardent en plein visage, par-dessus ou par-dessous leurs lunettes, imaginent avec effort, là, entre l'oeil et le nez, là, au coin de la bouche, le trajet de mes larmes... "Vous, pleurer? C'est trop drôle!" Ils en éclatent de rire, et moi aussi, car en somme les larmes publiques sont le fait d'une sorte d'incontinence, qu'on n'a pas le temps, lorsqu'elle vous saisit, de courir cacher derrière un pan de mur. Peut-être à cause de la peine que je me suis donnée pour les refouler, j'ai horreur d'elles.
Commenter  J’apprécie          140
Le jour de notre première rencontre, Polaire était habillée comme une jeune fille, de bleu marine, ou de vert foncé. Ses fameux cheveux courts - non point noirs mais d'un châtain naturel -, elle les laissait repousser, et les nouait en catogan. Sauf le bistre des paupières, la gomme des longs cils merveilleux, un rouge un peu violacé sur les lèvres, elle n'était fardée que de son propre éclat intermittent, d'une lueur proche des larmes dans ses yeux sans bornes, d'un sourire étiré, douloureux, de toutes les vérités pathétiques qui démentaient son diabolique sourcil circonfexe, sa cheville irritante de chèvre, les sursauts d'une taille-serpent, et proclamaient lumineuses, humides, tendres, persuasives, que l'âme de Polaire s'était trompée de corps.
Commenter  J’apprécie          80
Les demeures des Liane, des Line, des Maud, des Vovonne et des Suzy (tenez ces diminutifs pour prénoms inventés) furent d'un luxe "écrasant", je veux le croire puisqu'il s'agissait bien, pour chacune, d'écraser quelque autre. Deux salons valaient mieux qu'un, et trois que deux, dût la majesté céder devant le nombre. Le style étouffant n'était pas près de sa fin, et l'on suffoquait de meubles. Les crémaillères se pendaient à l'étuvée. Songez que je parle là d'une époque où le luxe traitait l'hygiène intérieure et le sport en petits serviteurs. Tel boudoir "arabe" n'avait pas de fenêtre. La carrosserie automobile prenait humblement conseil du grand modiste et se réglait sur la hauteur des chapeaux. Je vois encore la Mercedes bleue de Mme Otero, boîte à aigrettes et à plumes d'autruches, limousine si étroite et si haute qu'elle versait mollement aux virages.
Commenter  J’apprécie          60
Ce qu'il faudrait écrire, c'est le roman de cet homme-là. L'empêchement est qu'aucun être ne l'a connu intimement. Trois ou quatre femmes tremblent encore à son nom - trois ou quatre que je connais. Puisqu'il est mort, elles cessent peu à peu de trembler. Quand il était vivant, j'avoue qu'il y avait de quoi.
Nous sommes assez nombreux à posséder chacun une petite idée personnelle de M. Willy. Ceux qui ne l'ont presque pas connu l'appellent : "le bon Willy". Ceux qui ont eu, d'un peu près, affaire à lui, se taisent. Anecdotes, références, je me suis forcée de parler de cet homme-là, quoique, comme dit Tessa, ce ne soit vraiment pas "un sujet de conversation". Mais son nom est lié à un moment, à un cas de la littérature moderne, et au mien.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Sidonie-Gabrielle Colette (43) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sidonie-Gabrielle Colette
« Chéri » de Colette lu par Julie Pouillon l Livre audio
autres livres classés : autobiographieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (118) Voir plus



Quiz Voir plus

Sidonie gabrielle Colette

Le père de Colette est

Facteur
Ecrivain
Capitaine
Journaliste

13 questions
193 lecteurs ont répondu
Thème : Sidonie-Gabrielle ColetteCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..