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Yvonne Davet (Traducteur)Mirèse Akar (Traducteur)
EAN : 9782070384037
416 pages
Gallimard (26/09/1991)
4.09/5   119 notes
Résumé :
Voici l'autobiographie de Vladimir Nabokov, dans l'édition révisée et augmentée parue aux États-Unis sous le titre Speak, Memory, an Autobiography revisited et comprenant la préface inédite de sa traduction russe. De toutes ses œuvres écrites en anglais, l'auteur n'a choisi de retraduire lui-même en russe que celles qui lui tenaient particulièrement à cœur : Lolita et Autres rivages. Livre nostalgique sur une Russie disparue, Autres rivages restitue avec une magie é... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai lu ce livre en russe (ma langue maternelle) quand j'avais dix-huit ans. Récemment je l'ai relu en français et voilà pourquoi. Depuis que je vis en France plusieurs fois j'ai essayé de faire découvrir à mes proches ou connaissances la littérature russe que ce soit Essenine ou Nabokov, mais ils ne se laissent pas séduire me disant « je ne suis pas littéraire » ou « c'est trop triste, la littérature russe », ou même « il ne se passe rien ! », « j'ai lu mais je n'ai rien retenu ! » du coup, je lis moi-même mes cadeaux recalés ! Heureusement, avec la même joie !
Je me rappelle que Nabokov, c'était ma première lecture déstabilisante ! J'ai commencé par hasard par le roman « La défense Loujine » que j'ai abandonné puis c'était le roman « Invitation au supplice » qui m'a même fait pleurer de malaise quoique je l'ai terminé ! Quand on ne connaît que le régime totalitaire où tout semble simple et carré (comme moi, à l'âge où je découvrais Nabokov, entre mes quinze et vingt ans), un récit se développant sur plusieurs couches de sens dans le labyrinthe d'une forteresse dérange forcément et détourne des convictions formées par la pensée unique. Ou tout simplement le fait d'être une adepte pieuse des classiques m'empêchait d'apprécier autre chose. Nabokov, c'était vraiment un écrivain « en biais » pour moi ! Je me permets ce calembour car « NABOK » signifie en biais, sur le côté, de travers !!!
Nabokov a été autorisé en Union Soviétique après Perestroïka. Mais il faisait partie des livres déficitaires (comme Merejkovski, Akhmatova, Boulgakov, tous les beaux livres) que seulement les privilégiés pouvaient acheter, il fallait faire partie des notables, faire partie du Parti, travailler dans une librairie, soudoyer un libraire ! Ou alors ou alors… comme mon père, il fallait apporter des tonnes de papier à recycler, préparer des paquets bien ficelés, faire la queue dans la nuit, dans le froid, sous la pluie, pour les déposer et répondre « Présent ! » Car c'était un club d'amateurs de lecture. Je sais que cela a l'air invraisemblable aujourd'hui mais ces pratiques ont eu lieu !
Après ces premières expériences de Nabokov, mon guide spirituel de l'époque (toujours le même qui surgit de mes autres critiques babelio, un professeur de musicologie, très littéraire) m'a conseillé les romans « le Don » et « Machenka » et cela étaient des lectures jubilatoires ! Ensuite j'ai lu « Autres rivages » où Nabokov s'est cristallisé pour moi en maître des feux follets, des mots-lueurs, lui-même un feu follet !
Il s'agit donc d'une autobiographie de Vladimir Nabokov (1899-1977, romancier, nouvelliste, poète, mais aussi traducteur et critique littéraire qui enseignait la littérature européenne dans plusieurs universités avant de connaître un succès international avec « Lolita »).
Le livre est inspiré par son épouse Véra. Les douze premiers chapitres sont consacrés à son enfance dans une famille cultivée et libérale de l'aristocratie de Saint-Pétersbourg avant la Révolution bolchevique. Les trois derniers chapitres retracent son exil de Russe blanc à Paris, Cambridge et Berlin jusqu'à son émigration aux États-Unis en 1940.
Toutes ses oeuvres publiées dans sa langue maternelle évoquent à travers le prisme de l'imagination le déracinement forcé de Nabokov, la mélancolie du quotidien de la communauté russe émigrée en Allemagne, les paysages d'une enfance heureuse, à jamais perdue. Dans le méta-roman le Don, (roman qui traite de l'écriture d'un autre roman), Fiodor Godounov-Tcherdyntsev, le héros principal, présente des caractéristiques biographiques de l'auteur tout comme Lev Glebovitch Ganine, personnage principal du roman « Machenka » ! Ils incarnent le même caractère dont je tombe folle amoureuse (amoureuse jusqu'aux oreilles, en russe !).
L'écrivain parle avec admiration de son père, pour lui, c'est un héros ! Son père était professeur de droit, criminologue et homme politique libéral connu, membre fondateur du Parti constitutionnel démocratique, élu à la première Douma d'État de l'Empire russe. C'était un opposant à l'autocratie, il était même arrêté quelques semaines. Après la révolution de février 1917, il était ministre sans portefeuille du gouvernement Kerensky. Appartenant à la noblesse russe il put offrir à Vladimir une enfance princière, dans des demeures princières et une instruction princière parfaitement trilingue (russe, anglais, français) ! Il offrit aussi à sa famille de nombreux séjours dans différents pays européens : Wiesbaden, Biarritz, Bad Kissingen etc. (Vladimir Nabokov décrit avec détails des lumières nocturnes qu'il apercevait par la fenêtre des trains de luxe, et je ne sais pas pourquoi mais le raffinement de ces passages du livre m'a beaucoup marquée !) Son père pratiquait le vélo dans ses propriétés, adorait jouer au tennis, s'adonnait à la chasse aux papillons, une passion qu'il transmit à Vladimir. Il possédait une collection fascinante de lépidoptères… Pour moi, c'était une lecture si palpitante que, depuis ma première lecture, j'en garde une parcelle au quotidien, une parcelle que rien ne supplante ! le père de l'écrivain mourut en 1922 assassiné par un extrême droite russe au cours d'un meeting politique à Berlin. Voilà pourquoi le thème de la mort du père, dans l'oeuvre de Nabokov, renvoyant à une souffrance vécue, est un thème si sensible.
La mère de l'écrivain qui se passionnait pour la cueillette des champignons et qui avait un goût vif pour les teckels, est décrite d'une façon très touchante. Elle n'avait que l'amour comme remède, comme foi, comme savoir ! Je suis émerveillée de la pureté des souvenirs de Nabokov lorsque je lis cela : « Aimer de toute son âme et, quant au reste, s'en remettre au destin, telle était la règle simple à laquelle elle obéissait. " Vot zapomni (N'oublie pas cela)", disait-elle, sur un ton de conspiratrice en attirant mon attention sur tel ou tel objet de son amour, à Vyra -- une alouette montant dans le ciel lait-caillé d'un jour couvert de printemps, des éclairs de chaleur prenant des instantanés d'une ligne d'arbres au loin dans la nuit, la palette de feuilles d'érable sur le sable brun, les empreintes cunéiformes des pas d'un petit oiseau sur la neige nouvelle. Comme si elle sentait que dans peu d'années, toute la part tangible de son univers périrait, elle cultivait un état d'attention extraordinaire... »
Il y a encore une pensée de ce livre qui m'a particulièrement marquée : « Je m'adresse aux parents : Ne dites jamais : « Allons, dépêche-toi », à un enfant. » Une phrase difficilement applicable (car il faut se socialiser !) mais j'y pense tout le temps ! Si on veut en faire un Nabokov, un Picasso ?!
Quoi dire d'autre ? Lisez vous-mêmes !


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Dans « Autres rivages », récit autobiographique , Nabokov dit partir à la recherche de pistes où les courants thématiques du début de sa vie, notamment les puzzles, les échecs, les couleurs, les randonnées, l'exil…. qui structurèrent sa vie , et , qui, lui ouvrant des nouvelles voies lui permirent d'atteindre sa maturité créative. Selon lui l'objet d'un récit de mémoires est précisément ce point de rencontre, “ d'une forme d'art impersonnel et d'un récit de vie très personnel”. Mais le bonhomme est compliqué et ses dessins thématiques se perdent dans les digressions. L'abordant pour la première fois avec son « autobiographie », je m'y fraie comme dans un champs miné.
Déjà dans les premières pages il se lance dans un discours d'enfant gâté et arrogant. La Musique, Niet, «  une succession arbitraire de sons plus ou moins agaçants », La Peinture, Niet, enfin presque , vu que la mère s'y acharnera à le stimuler visuellement. Il grandit avec précepteurs et autres dans une maison avec cinquante domestiques que personne ne dirige ni ne surveille, car le père s'en fiche et la mère est occupée ailleurs à cueillir des champignons et lui offrir des crayons gigantesques avec lesquels il lui est impossible d'écrire. Toutes sortes d'articles de confort et d'agréments arrivent en procession régulière du magasin anglais de l'Avenue Nevski, à Saint-Petersbourg , la famille ne se lavant qu'au savon Pears, et ne mangeant au petit déjeuner que de la nourriture importée de Londres…. Et tout cela exprimé sur un ton désinvolte , trop désinvolte vu la personne intelligente , voir génie qu'il prétend être dans le contexte d'une enfance dans la Russie des Tzars , d'une pauvreté extrême. Et puis arrivent ses aïeules. Il semble en avoir plusieurs dans toutes les têtes couronnées de l'Europe, avec descriptions généalogiques fastidieuses. Enfant prodige il se souvient même des détails infimes de ses quatre ans, comme le grand-père qui avale des cailloux 😊…. nous sommes à la page 72 et l'ego du bonhomme est déjà au firmament , Dieu sait ce qui m'attend sur les 350 pages restantes, avec un sens de l'humour ( qu'il pense avoir) aussi douteux que le personnage 😊….

Ce livre dont le titre original est « Speak, Memory » regroupe en faites une série d'articles de magazines écrits à l'origine pour Harper's et le New Yorker, lorsque Nabokov avait besoin d'argent pour compléter ses maigres revenus d'enseignant. Quel paradoxe , n'est-ce-pas ? de plus l'arrogant Nabokov même avec ce genre, l'autobiographie, a voulu se distinguer , “ Ce sera un nouveau genre d'autobiographie, ou plutôt un nouvel hybride entre autobiographie et roman. Elle se rapprochera de ce dernier car elle aura une intrigue précise. Diverses strates de mon passé formeront, en somme, les rives entre lesquelles s'écoulera un torrent d'aventure physique et mentale. Ceci impliquera la peinture de pays, personnes et modes de vie nombreux et variés….Ce sera une succession de brefs extraits, du genre essai, qui, avec un élan soudain, formeront quelque chose de très bizarre et dynamique: les ingrédients apparemment innocents d'un breuvage tout à fait inattendu .” Inattendu ? Franchement je préfère de loin les autobiographies « Non inattendues  » mais passionnantes, d'écrivains comme Elias Canetti, Doris Lessing , deux auteurs nobelisés, écrites sans prétention avec humilité. de plus ici , Nabokov avec son dernier chapitre XVI qu'il a éliminé dans sa dernière version mais présent dans mon édition, scie la branche sur laquelle il reste assis tout au long des 15 chapitres, faisant basculer l'ouvrage du côté de la pure fiction . Décidément à force de sophistications, faisant constamment hésiter le lecteur sur le statut des chapitres qui constituent le livre , entre nouvelles, donc fiction, ou anecdotes autobiographiques , donc véridiques , il perd finalement de sa crédibilité de ses propres soins. Mais, mais….j'ai trouvé que ce chapitre XVI était en faites le chapitre le plus passionnant du livre, et là j'ai un peu raboté de mon antipathie pour le personnage, qui effectivement est très complexe.

Cette lecture je le dois à mon ami babeliote Creisi ( @creisifiction) , dont l'excellent billet a fini par me convaincre à lire un auteur à vrai dire dont je n'ai rien lu dû à mon aversion à ses différents propos mégalo et sa critique acerbe de Dostoievski qui perso j'aime beaucoup. Et finalement je ne suis pas déçue vu que le bonhomme s'est révélé comme je le pressentais 😊. Il a écrit un livre qui s'intitule « La vraie vie de Sebastian Knight » , que je n'ai pas lu, mais vu le titre je pense qu'il aurait mieux fait d'écrire aussi par la suite le sien «  La vraie vie de Vladimir Nabokov », pour récupérer et sauver Sa Vraie Vie de la fiction 😁. Une première rencontre en demi-teinte avec un romancier lépidoptériste ou plus simplement dit, assassin de papillons 😁! Et quand je pense qu'on a même donné son nom à un papillon et qu'il s'en vante dans le livre, j'enrage. C'est peut-être pour cela qu'il abhorre Freud , car si ce dernier avait pu un peu creuser cette passion ou plutôt obsession du sieur pour les papillons que , à ce qu'il dit, personne à part ses parents n'a jamais compris , Dieu sait ce qu'il en aurait révélé sur son moi profond 😁??? de plus il ambitionne être le précurseur d' espèces nouvelles et quand il apprend que tel papillon a déjà été répertorié par un Tel, il se venge de ce un Tel en lui donnant le rôle d'un aveugle dans un de ses romans. Je ne sais vraiment pas s'il faut en rire ou en pleurer , en tout cas toute cette arrogance et mépris envers autrui n'ont sûrement pas facilité sa vie.

Un livre quand même interessant vu son parcours de vie de la Russie aux États Unis, passant par Londres et Berlin, et le nombre d'anecdotes infinies qu'il enguirlande d'une prose élaborée , même si je pense qu'elles ont été largement abreuvées de son imagination fertile, du moins dans les détails 😊( p.243 il n'a que 12 ans mais apparemment il a déjà ingurgité tout Pouchkine, Lermontov et Tolstoi …., petit génie.)

« Stendhal , Balzac et Zola trois détestables médiocrités de mon point de vue. » 😁 Nabokov
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"Il y a cela de vrai dans l'«art pour l'art» : on se met à sa table et l'on goûte le pur arbitre, un arbitre pour lequel la nécessité de lois internes est un sel, parce qu'il fait naître de nous seuls un ordre et un choix exempts de toute extériorité brutale, un ordre et un choix qui jaillissent, palpitants, de notre conscience même.» (Cesare Pavese)

Pour reprendre une formule que l'on voit souvent passer sur le site à propos de «monstres sacrés» tels par exemple, Joyce ou Proust, je dirais à mon tour qu'avec Nabokov le lecteur n'aurait pas à craindre de devoir «gravir une montagne» : d'entrée de jeu, on en est directement propulsé à un sommet !!
Il serait ensuite question de savoir plutôt comment s'y tenir en équilibre, ou de comment s'y acclimater sans trop de risques de tomber en hypoxie...!
Car Nabokov, c'est le génie littéraire par excellence, et sa prose, dotée d'une aptitude particulière à éblouir et à subjuguer, respire cette même atmosphère enivrante et potentiellement vertigineuse des grandes altitudes.
Aussi, par la maîtrise avec laquelle il sait faire plier la langue aux seuls caprices de sa création, son oeuvre se situe-t-elle au-dessus de toute considération extérieure à elle-même, soumise uniquement à l'impératif de ses «lois internes».

Avec un art consommé de la focalisation, avec la précision optique d'un observateur derrière son microscope, ouvrageant ses motifs en ramifications complexes, l'écrivain s'amuse volontiers à les superposer, à quelquefois les disposer en spirales («la spirale est un cercle spiritualisé [qui) a cessé d'être vicieux, rendu libre»), ceux-ci s'exilant alors momentanément du fil narratif -fenêtres s'ouvrant du plus petit et contingent sur l'horizon immense d'une «synchronisation cosmique» - avant d'y être replongés quelques lignes plus tard, parés d'une coloration et d'une profondeur de vue nouvelles et surprenantes !
Croisant instantanéité, simultanéité et intemporalité, par exemple à partir d'un pétale de fleur qui tombe en tournoyant, ou d'une gouttelette de pluie glissant sur une feuille d'arbre, la plume, d'une beauté qui laisse souvent pantois, se révélera également, à l'occasion d'un exercice d'un genre d'ordinaire aussi sans surprises et formaté tel l'autobiographie, un puissant catalyseur de sensations et d'images, susceptibles de ravir le lecteur vers d'insolites hauts-plateaux intérieurs sans pour autant être dans la sur-démonstration ou dans une esthétisation artificielle.

Avec l'obstination, la patience et la rigueur de l'entomologiste, passion héritée de son père et dont il sera par ailleurs largement question dans ces mémoires couvrant pratiquement deux tiers de sa vie -depuis sa naissance, en 1899, et son enfance aristocratique à St Pétersbourg (pas moins d'une cinquantaine de domestiques au service de sa famille!), jusqu'à à son départ précipité pour les États-Unis durant la guerre, en 1940-, Nabokov a construit une oeuvre romanesque à l'architecture aussi complexe que son parcours de vie, rebelle à toute catégorisation, avant tout très personnelle et cérébrale.
Même si celle-ci n'exclut pas les comportements impulsifs chez ses personnages, les idées obsédantes, les transports amoureux et les extases des sens, l'auteur ne semble pas, en effet, avoir accordé beaucoup de place, ni à l'analyse psychologisante, ni aux conventions enfermant le roman dans un registre «réaliste» ou «irréaliste», ni d'ailleurs à toute autre forme de contrainte ou bien-pensance, et encore moins à toute guimauve sentimentale !

L'on serait d'autre part tenté de supposer que les récits de Nabokov aient été également conçus quelque peu à l'image de cette autre passion, les échecs, et notamment de ces «problèmes d'échecs» qu'il avoue avoir composé en grande quantité pendant sa jeunesse, leur consacrant presque autant de temps et d'énergie qu'à la littérature !

À savoir : comment en l'occurrence, en quelques déplacements astucieux sur l'échiquier du jeu littéraire auquel s'invite le lecteur, mettre ce dernier mat !!!
Dans l'ouvrage en question, issu -permettez-moi le raccourci facile !- d'une série de «problèmes » littéraires publiés d'abord séparément, puis repensés, retravaillés, complétés et réunis en un seul volume dans les années 1960, et que l'auteur nous présente d'ailleurs comme le résultat d'un «montage de souvenirs personnels» (sic), lorsque sera évoquée plus en détail cette passion dévorante pour les «problèmes d'échecs», on pourra y déceler une certaine similitude entre sa manière de décrire le processus présidant à la composition d'un problème de la sorte et, d'autre part, ce qui relèverait de l'invention littéraire typiquement nabokovienne :
«Une inspiration de type quasi musical, quasi poétique, ou, pour être tout à fait exact, poético-mathématique.»

Glissements subits de sens entre domaines et disciplines différentes, abolition momentanée de la géométrie spatio-temporelle à laquelle nous sommes habitués en tant que lecteurs bien disciplinés, jeux de correspondances savants, entre situations, entre faits et évènements distants, quelquefois ornés de mots en provenance de champs lexicaux assez éloignés, ou bien d'anagrammes, font également partie des tactiques de déstabilisation utilisées face à l'adversaire-lecteur, dont le grand-maître ne se priverait pas complètement ici en abordant son histoire de vie et la genèse de sa vocation littéraire.

Le vrai poète, dit-il, «serait capable de penser à plusieurs choses à la fois». Et - citant le mot qu'il attribue à l'un de ses grands (et rares) amis, le philosophe Vivian Bloodmark (à vous de jouer...!) -, au contraire de l'homme de science qui «voit tout ce qui arrive en un point donné de l'espace », « sentirait », lui, «tout ce qui peut arriver en un point donné du temps».


Mais alors, qu'est-ce qu'il en résulterait en définitive, s'agissant là tout de même, non pas d'une «fiction», mais d'une «autobiographie» ?

Autres Rivages, située aux antipodes de tout registre ou ton confessionnels, ne ressemble pas, on s'en doutera bien au bout de quelques pages, à une autobiographie classique. Et l'auteur, guère disposé à déroger aux lois fondamentales ayant guidé jusque-là l'élaboration de son oeuvre fictionnelle.

Nabokov m'aura, quant à moi, laissé le sentiment d'avoir, consciemment ou pas, «crée», à partir de sa vie, une fiction hybridée, dans laquelle d'une certaine manière il figurerait davantage au titre de personnage que d'«agent» de son histoire, avec la distance que cela comporterait.
Un livre d'images en quelque sorte, suspendues dans le temps, plutôt qu'un essai autobiographique «actif» faisant des allers-retours constants entre passé et présent. Et dans lequel, comme dans ses romans, toute dimension critique, d'introspection ou de "psychologie" dans le sens large, tout «repentir», toute tentative de justification ou d'explication par rapport aux choix existentiels de ses personnages, occuperaient aussi une place secondaire, pour ne pas dire quasiment inexistante, si bien que, me trouvant échec encore une fois en cette fin de partie, je me verrais demander de quel homme pouvait bien s'agir au fond, sous l'ombre magistrale du jeu de l'écrivain (?)

Quoi qu'il en soit, ce «montage de souvenirs personnels» peut paraître extrêmement réservé quant aux mobiles intimes et aux sentiments profonds de l'homme, proportionnellement à la richesse et profusion de détails servant d'enluminure aux différentes épisodes qui y sont évoqués par l'écrivain. Détails qui dans une large mesure, me semble-t-il, seraient matériellement impossibles à extraire de la seule mémoire en tant que «catalogue d'images». Et bien que l'auteur ait l'air de les présenter comme provenant d'authentiques souvenirs, il est difficile d'imaginer que certains passages ne relèveraient plutôt d'un trompe l'oeil astucieux entre traces mnémoniques et pure fiction, telle cette longue évocation où, dans un wagon-restaurant, et du fait d'«amalgamations optiques» de la nuit approchante, le petit Vladimir aurait vu défiler sous ses yeux des images géométriques aussi élaborées et sophistiquées que : « (…) le wagon en train d'être rapidement enfoncé, garçons titubant et tout, dans la gaine du paysage, cependant que le paysage lui-même exécutait une série compliquée de mouvements, la lune diurne s'entêtant à marcher de pair avec nos assiettes, les lointaines prairies s'ouvrant à la façon d'un éventail, les arbres proches s'élançant vers la voie sur d'invisibles escarpolettes, des rails parallèles se suicidant tout à coup par anastomose, un talus d'herbe nictitante s'élevant, s'élevant, s'élevant, jusqu'à ce que l'on fît dégorger au petit témoin de vitesses diverses sa portion d'omelette à la confiture de fraises.(!!)

N'y a-t-il de quoi se demander à quelle sauce l'auteur aurait trempé sa petite madeleine?

Ou si l'écrivain ne prendrait pas une place trop importante par rapport à celle de l'homme «se souvenant» tout simplement, la beauté de la langue à celle d'émotions à l'état pur?

«J'ai souvent remarqué que, une fois attribué aux personnages de mes romans, tel détail de mon passé, dont j'avais précieusement gardé le souvenir, dépérissait dans le monde factice où je venais de si brusquement le placer. Il s'attardait bien encore dans mon esprit, mais c'en était fini de sa chaleur personnelle, de son attrait rétrospectif, et bientôt il s'identifiait plus étroitement avec mon roman qu'avec mon moi antérieur, où il avait jusqu'alors paru si bien à l'abri de l'intrusion de l'artiste »

En essayant ainsi de mettre provisoirement de côté l'envoûtement que la prose magnifique de Nabokov aura encore une fois provoqué chez le lecteur que je suis, l'autoportrait de l'homme me paraîtrait finalement quelque peu « «lisse», secondaire en tout cas par rapport à des tableaux qui, quoiqu'exécutés de main de maître, sont pour la plupart dépourvus d'une véritable dimension de remémoration et de relecture susceptible de remettre en perspective le passé depuis le moment présent, autrement que sous une forme «poético-mathématique»...

Ne faudrait-il pas, d'un autre côté, entendre cependant comme un faible aveu, «en négatif», cette dissonance intime qu'on croit entrapercevoir par moment entre l'homme dont le paradis de l'enfance fut une fois pour toutes saccagé par la révolution bolchéviste, et celui qui décida ensuite de se reconstruire une nouvelle identité en exil, en parfaite autarcie, en parfait apatride ? Quoi penser sinon, lorsque, expéditif, celui-ci déclare ne pas regretter un seul instant ce qui lui était arrivé ? («Cette cassure dans ma propre destinée me procure, quand j'en fais l'examen rétrospectif, une secousse syncopale que je ne voudrais pour rien au monde n'avoir pas connue» / «Le mal du pays a toujours été chez moi quelque chose de voluptueux»(!)
Aucune trace explicite, donc, de fêlures ou blessures plus importantes qu'un tel arrachement aurait pourtant forcément laissées chez un individu, en tout cas «normalement» constitué...

Défensif ? Il ne faudrait surtout pas lui poser une telle question, quitte à entendre encore une fois l'une de ses fameuses diatribes contre les théories «fumeuses» de celui qu'il traitera ici, encore une fois, très outrageusement d'ailleurs, de «Charlatan de Vienne»!!!

Ce sera du reste essentiellement en négatif qu'on pourra appréhender quelque chose de notre Vladimir : un homme pas spécialement modeste quant à ses dons et aptitudes en général («possédant à perfection depuis ma prime enfance l'anglais et le français», etc. etc..), pas forcément sympathique (Bounine ne l'aura certainement pas invité une deuxième fois au restaurant!), pas commode non plus (mais on le présumait peut-être avant même de feuilleter ces mémoires...), pas vraiment sociable ou prêt à faire des concessions (ses propos, entre autres, sur la communauté d'expatriés russes sont à ce titre fort exemplaires), pas très porté sur les liens d'amitié (il ne s'était fait aucun vrai ami, nous dit-il, parmi ses hôtes allemands et français avant d'émigrer aux États-Unis!) ni sur les manifestations émotionnelles en général (oubliant y compris de prévenir et de dire adieu à son frère Sergueï, en 1940, lors de son départ intempestif de Paris pour les États-Unis, frère qu'il ne reverra plus vivant, mort peu de temps après dans un camp de concentration en Allemagne..), pas tendre du tout dans ses jugements critiques envers ses compères (« Stendhal, Balzac, Zola, trois détestables médiocrités » !!), très distant, enfin, de toute prise de position politique ou engagement idéologique…

Nabovok, l'homme, se serait-il en réalité exilé dans une «Nabokovie» reculée ? Terre d'accueil d'accès interdit aux curieux voulant s'y hasarder, réservée en principe exclusivement à Vera, sa femme, à qui il vouait un véritable culte (il s'adressera souvent à elle par des «tu» émergeant subitement au milieu de ces mémoires, comme si au fond le tout lui était destiné !), ainsi qu'à leur enfant-roi, Dimitri, dont il se souviendra conduire la poussette royale à travers des squares mythiques européens, dans un passage ressemblant à un de ces tableaux hors lois de la gravité de Chagall, les seuls vis-à-vis desquels il se permettra d'ouvrir complètement les portes du coeur et, sans aucune crainte d'être mièvre, d'employer des tournures telles cette «explosion silencieuse d'amour », leur déclarant par la même occasion, haut et fort cette fois-ci, «un infini de sentiment dans une existence finie».

Quant à Nabokov, l'écrivain, comme on le sait, après un périple qui, de St Pétersbourg, en passant par Londres, Cambridge, Berlin, Paris, le conduirait à une longue parenthèse américaine, finirait par s'installer en Suisse, pays hôte, neutre s'il en est!

Mais tout bien considéré, qu'importe, n'est-ce pas, tout ceci ?

Car si cela avait été autrement, est-ce que Nabokov aurait-il été Nabokov, et sa prose dégagé cet irrésistible magnétisme propre aux grands fauves indomptables ou, en plus vénéneux et équivoque, à ces grands brigands de jadis, sans toit ni loi, devenus depuis légende ?

Échec et mat !!!



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Dans Autres rivages, rédigé après guerre et complété et amendé à de fréquentes reprises jusqu'en 1966, Vladimir Nabokov relate son enfance à Saint Pétersbourg et à la campagne, et sa vie de jeune exilé après la révolution de 1917 jusqu'à son départ pour les Etats-Unis en 1940.
Les deux premiers tiers du livre sont consacrés à l'histoire de ses ancêtres et aux souvenirs précis qu'il a conservés de sa vie dans une famille d'aristocrates cultivés et éclairés, maniant plusieurs langues, sillonnant les contrées européennes et alternant les séjours entre l'ancienne capitale de la Russie et un vaste domaine rural situé à 70 kilomètres de cette dernière.
Nabokov se remémore une enfance paisible et choyée, près de la nature et auprès de parents présents et aimants, occupant, pour certains d'entre eux, de très hauts postes dans l'administration et au gouvernement. le personnel de maison est nombreux et les enfants sont éduqués à la maison par de multiples précepteurs, anglais, français et allemand. Nabokov est un petit garçon heureux, curieux, doté d'une grande capacité d'observation, bientôt passionné par les papillons qu'il collectionne, passion qu'il entretiendra toute sa vie.
La prise de pouvoir par les bolchéviques contraint la famille à se réfugier à Berlin, où son père est assassiné.
Le monde de l'intelligentsia libérale russe a disparu et l'écrivain n'aura de cesse de le recréer dans ses romans.
Le dernier tiers du livre, plus émouvant et moins distancié, peut-être ajouté plus tard, retrace ses années d'exil, à Cambridge où il poursuit ses études, à Berlin et Paris avec sa femme Vera et son fils. le travail de mémoire a changé. Les émotions sont palpables. Il s'agit moins, dans cette partie du livre, de reconstituer un passé dans un pays qu'il ne reverra jamais que d'évoquer ses années de galère et ses débuts littéraires dans une Europe frappée par la montée de l'hitlérisme.
Au delà de l'évocation des périodes de sa vie, c'est la genèse de sa vocation d'écrivain qui est livrée dans cette autobiographie, un écrivain démiurge, maître absolu de la reconstitution d'un univers et de personnages enfuis, un écrivain entomologiste, féru de stratégies et de problèmes de jeux d'échecs, un écrivain cosmopolite, trilingue, et enfin un écrivain formaliste et poète qui pensait par images et qui nous offre ici de somptueuses pages.

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Les après-midi où le ciel était couvert, toute seule dans la bruine, ma mère, portant un panier (que quelqu'un avait taché de bleu violacé à l'intérieur avec des myrtilles), partait faire un grand tour à la recherche de champignons. Vers l'heure du dîner, on la voyait déboucher des profondeurs brumeuses d'une allée du parc, petite silhouette enveloppée d'un manteau et encapuchonnée de laine brun verdâtre, toute constellée d'innombrables gouttelettes de bruine qui lui faisaient un nimbe de buée. Au moment où, sortant de dessous les arbres qui pleuraient, elle s'approchait et m'apercevait, son visage offrait une expression étrange, triste ; à croire qu'elle avait eu bien peu de chance ; mais je savais que c'était la béatitude tendue, jalousement contenue, du collectionneur heureux.
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Un instant plus tard mon premier poème fusa. Qu'est-ce qui le déclencha ? Je crois le savoir. En l'absence de tout vent, du fait simplement de son poids, une goutte de pluie, brillant comme un luxe parasite sur une feuille en forme de coeur, en fit plonger la pointe, et ce qui avait l'aspect d'une gouttelette de mercure exécuta un brusque glissando en suivant la nervure centrale, et alors, ayant perdu son lumineux fardeau, la feuille soulagée se redressa. "Lisse, diamant, glisse, soulagement" - l'instant qui suffit à tout cela pour se produire me sembla être non tant une fraction du temps qu'une fissure dans le temps, un battement de coeur manquant, aussitôt remboursé par un crépitement de rimes. Je dis bien : "crépitement", car lorsqu'on souffla une rafale, les arbres se mirent à dégoutter tous à la fois, imitant la récente pluie torrentielle aussi grossièrement que la strophe que déjà je murmurais ressemblait au spasme d'émerveillement auquel j'avais été en proie quand, l'espace d'un instant, coeur et feuille n'avaient plus fait qu'un.
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J'assiste avec plaisir à l'exploit suprême de la mémoire, à cet usage magistral qu’elle fait des harmonies innées lorsqu'elle rassemble au bercail les tonalités interrompues et errantes du passé. Je me plais à imaginer, quand j'embrasse le passé d'un coup d'œil rétrospectif, comme couronnement et résolution de ces accords cacophoniques, quelque chose d'aussi permanent que la longue table que, aux jours d'anniversaires et de fêtes en été, l’on dressait au-dehors pour le chocolat du goûter, dans une allée de chênes, de tilleuls et d'érables, à l'endroit où elle débouche sur l'espace sablé et aplani du jardin proprement dit qui séparait le parc de la maison. Je revois la nappe et les visages des personnes assises participant aux jeux de lumière et d'ombre sous un mouvant et fabuleux feuillage, exagéré, sans aucun doute, par le même pouvoir de commémoration passionnée, de perpétuel retour, qui me fait toujours m'approcher de cette table de festin en venant du dehors, des profondeurs du parc -non de la maison- comme si l'esprit, afin de revenir là, devait s'y prendre avec les pas silencieux d'un enfant prodigue nu-pieds, défaillant d'émotion.
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Les trois arches d'un pont à l'italienne, franchissant le cours d'eau étroit contribuaient à former, avec l'aide de leurs répliques dans l'eau presque parfaite et presque sans rides, trois ovales exquis. À son tour, l'eau jetait une tache de lumière fine comme de la dentelle sur la pierre des intrados, sous lesquels notre petite embarcation passait en glissant. Çà et là, perdu par un arbre en fleur, un pétale lentement descendait en tournoyant, tournoyant, tournoyant, et, en ayant l'étrange sentiment de voir quelque chose que ni un fidèle, ni un spectateur fortuit ne devrait voir, on surprenait son reflet qui rapidement -plus rapidement que le pétale ne tombait- s'élevait à sa rencontre ; et pendant une fraction de seconde, on avait peur que le tour ne ratât, que l’huile bénite ne s'enflammât pas, que le reflet fit défaut et que le pétale ne s'éloignât en flottant, tout seul ; mais chaque fois la délicate union avait lieu, avec la magique précision d'un mot de poète rencontrant à mi-chemin son souvenir à lui, ou celui du lecteur.

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Depuis l'âge de sept ans, toutes mes sensations par rapport avec un rectangle de lumière de soleil encadré par la fenêtre, ont été commandées par une passion unique. Si mon premier regard du matin était pour le soleil, ma première pensée était pour les papillons qu'il engendrait. Il y avait eu, à l'origine de cela, un incident assez banal. Sur le chèvrefeuille surplombant le dossier sculpté d'un banc, juste en face de l'entrée principale, l'ange qui me guidait ( et dont les ailes évoquaient celles du Gabriel de Fra Angelico, moins les franges de style florentin) m'indiqua un visiteur d'une espèce rare, une splendide créature jaune pâle avec des taches noires et des crénelures bleues, et un ocelle vermillon sur chaque queue noire bordée de jaune de chrome.Tout en sondant la fleur inclinée à laquelle il était suspendu, il ne cessait d'agiter, par saccades nerveuses, ses grandes ailes, et mon désir de le posséder devint irrésistible.
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Oui, je m’enorgueillis d’avoir discerné dès cette époque les symptômes de ce qui est si manifeste aujourd’hui, où une sorte de cercle de famille s’est peu à peu formé, unissant les représentants de toutes les nations, de gaillards bâtisseurs d’Empire dans leurs clairières de jungle, les policiers français, l’innommable produit allemand, les bons vieux faiseurs de pogromes, russes ou polonais, assidus aux offices divins, le maigre lyncheur américain, l’homme aux dents gâtées qui fait gicler des histoires chauvines au bar et aux w.-c, et, en un autre point de ce même cercle infra-humain, ces impitoyables automates aux visages de papier mâché, vêtus de pantalons curieusement larges et de vestons aux épaules carrées que l’État soviétique commença d’exporter autour de 1945, après plus de deux décennies d’élevage sélectif et de confection sur mesure durant lesquels la mode masculine à l’étranger avait eu le temps de changer…


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