À travers dix-neuf autrices et auteurs, un parcours inventif, lucide et joyeux au coeur de la langue littéraire et de ses défilés obscurs et productifs.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/07/22/note-de-lecture-
la-langue-et-ses-monstres-christian-prigent/
Il a déjà été évoqué sur ce même blog, à propos du «
le Théâtre des Paroles » de
Valère Novarina, du «
le Roi vient quand il veut » de
Pierre Michon, du «
Cannibale lecteur » de
Claro, ou peut-être du « La littérature inquiète » de Benoît Vincent, la manière dont certaines autrices, certains auteurs, relativement rares, tout en faisant oeuvre de critique littéraire pointu, argumenté et souvent décisif, font simultanément de la mise en pratique, de la littérature en action, déployée sous nos yeux. Avec son «
La Langue et ses monstres » publié en 1989, et réédité en 2014 chez
P.O.L.,
Christian Prigent s'inscrit sans aucun doute au coeur de ce cercle restreint et salutaire, à toujours identifier de visu comme de facto.
En décortiquant finement la langue – en jouant lorsque nécessaire à l'intérieur de l'espace ouvert entre la version originale et sa traduction -, et les dispositifs mis en oeuvre à travers elle, de
Gertrude Stein, de
Lucette Finas, de e.e. cummings, de
Vladimir Maïakovski, de
Vélimir Khlebnikov, de
W.S. Burroughs, de
Marcelin Pleynet, de
Jean-Pierre Verheggen, de
Claude Minière, de
Hubert Lucot, de
Valère Novarina, de
Pierre Jean Jouve, d'
Antonin Artaud, de
Francis Ponge (en osant l'incision qui mesure son écriture aussi au fil de son évolution politique), de
Pier Paolo Pasolini, de Jude Stéfan (occasion aussi d'une magnifique fausse digression à propos du véritable préjugé que peut fort bien secréter alors, pour telle ou telle écriture, le fait d'être publiée par telle ou telle maison d'édition), de
Bernard Noël, d'Éric Clemens, ou enfin de
Christophe Tarkos,
Christian Prigent ne se contente pas de provoquer – au sens le plus fort du terme – une féroce envie de lecture à son tour, ni de montrer dans l'intimité du mot et de ses agencements les projets volontaires – et moins volontaires le cas échéant – qui s'y agitent avec force, il élabore sous nos yeux une poétique à facettes, où le disjoint et le cohérent s'affrontent de manière pas toujours si feutrée, et constitue quasiment en direct une forme de guide de l'expérimentation, de l'absence de résignation littéraire, et de la volonté d'aller de l'avant, de ne jamais abandonner la tension qui doit habiter la langue.
Et la saveur de certains titres ou intertitres (Nous ne savons pas lire, de l'anthropophagie communautaire, le signe du singe, du corps intenable, Zorro arrive, La scène dans les oreilles, Péter la forme, Rien ne va plus, le réel nous les brise [menu], de quoi c'est fait,…) est là aussi qui nous rappelle, pour notre délectation, à quel point le lecteur pointilleux et le théoricien ici en action ne sont jamais très éloignés de l'auteur de «
La Vie moderne » ou des « Enfances Chino ».
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