![]() |
"Ils me regardent quand je passe à -La Grande Librairie-...Leur fille est "dans le poste "! Mon père me demande parfois comment marchent mes livres, de la même manière qu'il demanderait à un paysan du coin combien il a vendu sa vache. Pour eux, j'ai deux métiers, professeur et écrivain. En même temps, ils ont bien conscience que le matériau même de mes livres est leur monde, ce monde même dont ils m'ont toujours dit qu'il était déjà fini; ils savent qu'une trace s'est inscrite dans mes livres. "(p. 90) Un volume d'entretiens , passionnant acquis sur les terres de l'auteure, dans le Cantal, alors que j'étais invitée chez des amis en septembre dernier (2019), entre Murat et Neussargues...Je l'ai lu d'une traite ce dimanche (5 avril 2020). Il a prolongé très heureusement un texte âpre que je viens de finir de cette écrivaine, "Les Derniers Indiens"... Cela m'a permise d'approfondir l'univers et la sensibilité de Marie-Hélène Lafon. Marie-Hélène Lafon... répond au question de l'éditeur, Fabrice Lardreau, sur de multiples sujets: son enfance, les diverses influences de ses montagnes cantaliennes sur ses écrits, son travail d'écrivain, sur le célibat des paysans, restés seuls sur l'exploitation familiale, sur ce monde paysan finissant,les auteurs admirés, dont Faulkner, Julien Gracq, Bergougnioux, etc., l'austérité de la montagne, commune au travail de l'Ecriture… de très beaux passages sur la marche. "C'est une déclaration d'amour évidemment. Déclaration d'amour à l'île première. Les îles cependant, sont faites pour être quittées. On s'invente ailleurs, on s'arrache. On le doit, on le peut, on le fait, on l'a fait, je l'ai fait. Arrachement et attachement ne se séparent pas. " (p. 95) Marie-Hélène Lafon y parle évidemment du décalage social, d'être selon ses mots un "transfuge social"... comme Annie Ernaux, même si leur vécu est autre ...Je retranscris un extrait qui est très explicite sur ce tiraillement social... même si il existe une différence primordiale entre les deux femmes. Marie-Hélène Lafon n'a jamais eu honte de son milieu paysan... bien au contraire ! "Claire, le personnage de mon roman -Les Pays-, qui a une dimension autobiographique assez explicite, franchit une limite que j'ai moi-même franchie; issue d'une famille paysanne du cantal, elle devient professeure de lettres classiques à Paris. Cependant, elle n'écrit pas. Il me semble que l'acte d'écrire induit une séparation supplémentaire avec le milieu d'origine. (…) C'est un exercice de "haute solitude", comme on parle de "haute montagne". J'ai le goût de cette haute solitude, de la jubilation et du vertige qu'elle procure, liés pour moi à l'acte d'écriture, et pour pouvoir écrire le pays premier, il faut en être parti." (p. 92) Ce volume est complété fort judicieusement par des extraits de "Lectures montagnardes", appréciées par l'auteure, débutant par la magnifique chanson de Jean Ferrat "La Montagne", suivie de Alexandre Vialatte, "Chronique des justes altitudes" (1967), Julien Gracq, " Carnets du grand chemin" (1992), Jean Giono, "Ennemonde et autres caractères" (1968), Luc Lang, " Au commencement du septième jour" (2016), Philippe Jacottet, "A la lumière d'hiver, suivi de Pensées sous les nuages" (1994) Je ne voudrais pas oublier de louer l'austérité ou plus exactement la sobriété de la maquette...très réussie, tellement évocatrice de la terre et de la nature… Une couleur brune égayée par le titre , le nom de l'auteure, ainsi qu'un dessin à l'encre violette... Un moment de découverte précieux et très émouvant...J'aborderai désormais les textes de Marie-Hélène Lafon, avec une attention accrue... + Lire la suite |
Le livre qui a bouleversé Leïla Slimani n'est autre que "L'insoutenable légèreté de l'être" de Milan Kundera. Derrière la fascination de ce titre, l'auteure raconte que "c'est un livre qui a totalement changé le rapport avec son corps". Nous pourrions parler du génie de ce romancier et pourtant, pour Marie-Hélène Lafon, "en ce qui me concerne, chez Kundera, je n'entends à peu près rien. (...) Pour moi, cela n'a pas de corps".
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/