"Le moins que l'on puisse dire c'est que, dans Sodome et Gomorrhe, les yeux du narrateur, Marcel, se dessillent. Au tout début, pour commencer. Alors qu'il s'attarde dans l'escalier de service de son immeuble, il est témoin d'une scène hallucinante entre le baron de Charlus et le giletier Jupien. Les deux ne se connaissent pas, mais dès qu'ils se croisent, ils sont soudainement attirés l'un par l'autre. Comme le bourdon trouve instinctivement le chemin de l'orchidée qu'il va polliniser, nous dit
Proust. La suite pourrait presque être censurée si ce n'était pas de la littérature. Pour le narrateur, c'est la découverte de ce qu'il appellera désormais les “hommes-femmes”.
Mais dans ce livre, il est aussi question d'amours lesbiens. Lors d'un bal au Casino de Balbec, le docteur Cottard fait remarquer au narrateur qu'Albertine, dont il est amoureux, danse avec une jeune femme. Cela a l'air innocent, lui dit-il, mais ça ne l'est pas. Les doutes du narrateur vont s'accroître lorsque Albertine lui dira qu'elle connaît Mlle de Vinteuil, dont les moeurs sont jugées particulièrement suspectes. C'est l'épisode qui clôt le roman et qui débouche sur La Prisonnière, où le narrateur, pour conjurer sa peur que son amoureuse lui échappe, lui demandera de vivre chez lui et essayera de contrôler chacune de ses sorties.
Sexe et amour. Amour et sexe. Ce résumé succinct fait ressortir à quel point ces deux thèmes se croisent et s'entrecroisent dans l'oeuvre de
Proust. Mais les quelques 500 pages de Sodome et Gomorrhe s'ouvrent aussi, telles autant de paperolles, sur bien d'autres aspects."