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Critiques (919)
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Un certain M. Piekielny

C'est dans La promesse de l'aube que tout commence : Gary y mentionne "un certain M. Piekelny", seul voisin des Kacew, à Vilnius, à croire au destin mirobolant que la mère de l'écrivain prévoit pour son fils. Endossant avec malice le rôle galvaudé de l'écrivain-enquêteur à la recherche d'un bon sujet pour son "exofiction", Désérable se lance dans une enquête qui le mène aussi bien dans les remous de l'histoire contemporaine que dans les recoins de la mythomanie de Gary/Ajar. A la clé, c'est une réflexion maline et enlevée sur l'empreinte que laisse la littérature dans la réalité que propose Désérable, qui signe là une des plus belles réussites de Gallimard en cette rentrée.
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''Arrête avec tes mensonges''

C'est une histoire de jeunesse qui ne cesse de hanter l'oeuvre de Philippe Besson : son premier amour avec Thomas, un camarade de lycée. Pendant quelques mois, les deux adolescents vivent à l'abri des regards une passion contrariée par le sentiment de honte de Thomas et sa certitude que Philippe quittera leur petite ville de province pour un avenir brillant, tandis que lui restera sur place et reprendra l'affaire familiale. C'est cette histoire trop tôt avortée, reprise sous différentes formes dans bien des romans de Philippe Besson, qui est mise en scène dans Arrête avec tes mensonges. L'auteur y retrouve la trace de Thomas et reconstitue sa vie brisée par le silence et la pression sociale. D'ores et déjà un des romans les plus remarqués de 2017, Arrête avec tes mensonges est un hommage bouleversant à cet amour sacrifié et un témoignage indispensable sur l'homophobie la plus ordinaire.
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La Route

On ne sait pas vraiment ce qui s'est passé, ce qui a jeté l'homme et son jeune fils sur les routes. Toujours est-il qu'ils marchent, depuis des années, en direction du sud. Ils poussent un caddie où sont rassemblées leurs affaires. Ils ont froid et faim. Il leur faut trouver les moyens de survivre dans ce pays dévasté, d'échapper aux autres hommes qu'ils croisent parfois et qui sont de potentiels anthropophages. Dans cet environnement hostile, l'amour mutuel entre le père et l'enfant reste la dernière barrière face à la barbarie.
Roman post-apocalyptique à l'écriture envoûtante, La Route ravive chez le lecteur une angoisse primitive et le marque durablement.
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Quand tu écouteras cette chanson

En juillet 2021, Lola Lafon passe une nuit dans l'Annexe du Musée Anne Frank, où la jeune-fille vécut dans la clandestinité de juillet 1942 à août 1944, enfermée avec sept autres personnes, dans l'appartement où elle écrira son « Journal ». Confrontée aux fantômes de sa propre famille victime de la Shoah, Lola Lafon livre dans « Quand tu écouteras cette chanson » le récit subtil et profond de cette expérience d'heures solitaires passées dans le silence et le vide de l'Annexe. Elle y questionne non seulement sa propre histoire et son rapport à la judéité, mais elle y retrace surtout le destin du Journal et la façon dont l'oeuvre de la jeune Anne Frank a été détournée, spoliée, censurée - réduite à tort à un simple témoignage ou édulcorée dans des comédies musicales.
Dans la continuité d'autres textes de l'autrice, « La petite communiste qui ne souriait jamais » en 2014, ou « Chavirer » en 2020, elle décortique avec justesse les mécanismes d'usurpation de voix d'adolescentes qui ont été confisquées, niées dans leur singularité et leur talent.
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GPS

« Sandrine souhaite partager sa géolocalisation avec vous ». Cette unique phrase en quatrième de couverture est le prétexte, aussi bien narratif que formel et psychologique, de ce livre étonnant. Ariane part pour assister au mariage de sa plus vieille et chère amie, Sandrine. de s'y rendre en s'aidant du GPS de son téléphone la fascine et la trouble car, en la guidant sur l'écran, il la perd, littéralement, et floute son rapport au réel. Parvenue aux lieux de la fête, elle s'y sent déplacée, mal à l'aise, et s'en va tôt. Mais après le mariage, Sandrine, à rebours de sa trace numérique vibrante et voyageuse, ne répond plus. C'est le début d'une drôle d'enquête pour Ariane qui, rivée sur l'écran où le point rouge la mène, en fil d'Ariane d'un chemin de mémoire, retourne sur tous les lieux de leur passé commun.
Aussi drôle que profondément mélancolique, ce deuxième roman de Lucie Rico réussit toutes ses tentatives : l'enquête est palpitante, inquiétante, émouvante. La dérive d'Ariane n'en est que plus touchante, et le trouble induit questionne finement nos rapports au monde et à ses représentations.
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Le lac de nulle part

Dans les conditions extrêmes du Nord canadien, un père invite ses deux enfants adultes à faire du kayak et à camper durant un mois. Quelles sont les raisons d'une telle invitation ? le père souhaite-t-il se racheter d'une longue absence ? Revivre les randonnées familiales du passé ? Après s'être séparé de sa femme, Bill ne voyait en effet ses enfants qu'aux grandes vacances. Les relations entre Bill et Al, sa fille, sont tendues, alors que celles avec son fils Trig sont plus complices. Les défaillances de leur père en termes d'organisation font douter ses enfants quant à l'issue de cette expédition : ils craignent d'être perdus ou bloqués par la neige.
Malgré la beauté des paysages et la vie au grand air, le père ne parvient pas à se rapprocher de ses enfants. Mais le silence se brise avec la glace : cette excursion est le révélateur de secrets enfouis. Il est intéressant de voir comment l'auteur fait se rencontrer les territoires de l'intime avec ceux des grands espaces. Dans la tradition du « nature writing », Pete Fromm dévoile avec une grande délicatesse la résilience de deux jeunes adultes aux prises avec la nature.
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Une sortie honorable

En 1950, l'armée française vient de subir une lourde défaite en Indochine, dans la ville de Cao Bang. Une voix discordante se fait alors entendre à l'Assemblée Nationale : celle de Pierre Mendès France. Il propose de négocier avec l'ennemi, les communistes du Viêt-Minh, afin d'abandonner cette guerre qui coûte beaucoup trop à la France. Sa proposition suscite un tollé et des réactions parfois indécentes, et il faudra finalement quatre ans à la France pour sortir de ce conflit qui se prolongera ensuite pendant près de vingt ans avec l'armée américaine.
Dans Une Sortie honorable, Éric Vuillard revient sur les décisions politiques qui ont conduit la France à continuer à dépenser des millions de francs dans une guerre qui était perdue d'avance. La veine satirique de l'auteur nous confronte à une réalité qui fait froid dans le dos : qu'est-ce qui pousse un gouvernement à s'entêter dans un conflit dispendieux en argent et en vie humaine ? Vuillard propose plusieurs pistes et met par exemple en avant l'importance des matières premières dans l'économie, notamment le caoutchouc produit en Indochine à base d'hévéa. Mais il s'interroge surtout sur un concept qui pourrait être retiré de la balance : l'honneur.
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A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

"Le moins que l'on puisse dire c'est que, dans Sodome et Gomorrhe, les yeux du narrateur, Marcel, se dessillent. Au tout début, pour commencer. Alors qu'il s'attarde dans l'escalier de service de son immeuble, il est témoin d'une scène hallucinante entre le baron de Charlus et le giletier Jupien. Les deux ne se connaissent pas, mais dès qu'ils se croisent, ils sont soudainement attirés l'un par l'autre. Comme le bourdon trouve instinctivement le chemin de l'orchidée qu'il va polliniser, nous dit Proust. La suite pourrait presque être censurée si ce n'était pas de la littérature. Pour le narrateur, c'est la découverte de ce qu'il appellera désormais les “hommes-femmes”.
Mais dans ce livre, il est aussi question d'amours lesbiens. Lors d'un bal au Casino de Balbec, le docteur Cottard fait remarquer au narrateur qu'Albertine, dont il est amoureux, danse avec une jeune femme. Cela a l'air innocent, lui dit-il, mais ça ne l'est pas. Les doutes du narrateur vont s'accroître lorsque Albertine lui dira qu'elle connaît Mlle de Vinteuil, dont les moeurs sont jugées particulièrement suspectes. C'est l'épisode qui clôt le roman et qui débouche sur La Prisonnière, où le narrateur, pour conjurer sa peur que son amoureuse lui échappe, lui demandera de vivre chez lui et essayera de contrôler chacune de ses sorties.
Sexe et amour. Amour et sexe. Ce résumé succinct fait ressortir à quel point ces deux thèmes se croisent et s'entrecroisent dans l'oeuvre de Proust. Mais les quelques 500 pages de Sodome et Gomorrhe s'ouvrent aussi, telles autant de paperolles, sur bien d'autres aspects."
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Le tram de Noël

Le soir de Noël, un tram s'enfonce dans les quartiers pauvres de l'est de Rome. Des passagers montent les uns après les autres, tous misérables, déracinés et seuls. Ils ne le savent pas encore, mais un nouveau-né a été abandonné dans ce tram et ils vont bientôt former autour de lui une bien étrange crèche.

Dans la lignée du cinéma italien néoréaliste d'après-guerre, ce beau roman de l'écrivain sicilien Giosuè Calaciura brosse un portrait à la fois âpre et plein de douceur du nouveau sous-prolétariat romain. le tram lancé dans la nuit est une métaphore de de l'absurdité de notre société en bout de course. le récit fait ouvertement référence aux Contes de Noël de Charles Dickens, et revisite la nativité dans son sens premier : une naissance inattendue, sous le signe de la pauvreté et de l'exil.
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Le Hussard sur le toit

On ne manque pas d'occasions, en 2020, de (re)lire le Hussard sur le toit, que ce soit pour sa terrible description d'une épidémie de choléra qui se répand comme une traînée de poudre, ou pour commémorer le 50e anniversaire de la disparition de l'écrivain de Manosque.

Devenu le héros le plus célèbre de l'oeuvre de Giono, Angelo, jeune aristocrate italien aussi bagarreur que romantique, traverse une Provence écrasée sous une chaleur accablante et dévastée par la terrible maladie qui laisse les rares survivants dans un climat de peur permanente. Grand roman d'amour et d'aventure, le Hussard sur le toit concentre en la figure d'Angelo les grandes valeurs des héros de Giono - le courage de l'individu et le triomphe de la vertu face à l'adversité collective. On y retrouvera aussi, malgré la grande noirceur induite par l'épidémie, l'incomparable luminosité de l'écriture de Giono, chantre sans équivalent de sa Provence natale.
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Chronique d'une mort annoncée

Que s'est-il réellement passé au lendemain du mariage entre le riche Bayardo San Román et Angela Vicario, quand Santiago Nasar est assassiné par les frères d'Angela ? Vingt-sept ans plus tard, le narrateur, un ami de Santiago présent ce jour fatidique revient pour reconstituer les circonstances qui ont conduit à la tragédie. Il interroge les personnes présentes : pourquoi, alors que le meurtre fut maintes fois annoncé, n'a t-il pu être évité ? Peu à peu la vie de ce village côtier se dessine et le portrait de Santiago apparaît à travers les récits des différents personnages. Si beaucoup savaient, si certains ont essayé de l'avertir, d'autres espéraient-ils sa mort ? Les personnages se dévoilent, chacun donne sa version des faits, on découvre les violences subies par les femmes, les mariages arrangés, les préjugés, les superstitions, le poids des traditions. On devine les pressions exercées sur les frères, obligés de défendre l'honneur de leur famille, exigeant un coupable. Et on est intrigués par Angela : pourquoi a t-elle dénoncé Santiago ? Tenant à la fois de la chronique journalistique et de l'enquête policière, le roman étonne par son rythme, par une vérité toujours insaisissable, des détails macabres et une implacable fatalité.
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Le Ghetto intérieur

Wincenty ou Vicente ? Héros de ce récit, hanté par la culpabilité et la mémoire des siens, Vicente est un émigré argentin, fraîchement arrivé dans les années trente, quinze ans avant la conflagration mondiale. Wincenty, d'origine juive polonaise, a quitté l'Europe pour fuir l'antisémitisme et assumer son indépendance. Mais l'histoire le rattrape : la persécution des juifs dans le ghetto de Varsovie, les lettres de plus en plus rares et douloureuses de sa mère. Pourra-t-il échapper à la culpabilité, lui qui n'a pas su la faire venir en Argentine ? Wincenty se mure dans un silence honteux proche de l'agonie. le narrateur intervient alors pour redonner au récit une perspective historique : ce que son grand-père ne pouvait savoir, ce dont les journaux ne parlaient pas. En remontant le fil d'un silence et d'une culpabilité qui ont traversé les générations, Santiago H. Amigorena signe un récit éminemment personnel, magnifique roman familial en forme de leçon d'histoire.
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Les nourritures terrestres - Les nouvelles ..

En 1897, André Gide n'a pas trente ans. Alors qu'il vient de se marier, il compose Les Nourritures terrestres, livre solaire aux accents prophétiques célébrant le désir. Dans un grand mouvement de libération face aux valeurs étriquées inculquées par sa famille, Gide affirme dans ce livre de jeunesse, avec une ferveur unique dans son oeuvre, la primauté de la sensation physique sur la connaissance, de la sensualité sur la morale. Son écriture, mêlant aphorismes et envolées lyriques, exhorte un lecteur fictif, Nathanaël, à se rendre disponible à la beauté du monde. Gide se fait ici guide spirituel, développant une éthique hédoniste subtile, qui fait du dénuement et d'un désir raisonné la véritable plénitude : “que toute émotion sache te devenir une ivresse. Si ce que tu manges ne te grise pas, c'est que tu n'avais pas assez faim”.
Quelques centaines d'exemplaires seulement s'écoulent dans les années qui suivent sa publication, mais Les Nourritures terrestres est devenu depuis un classique dans lequel, de génération en génération, d'innombrables lecteurs ont reconnu leur soif d'absolu.
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Les Furtifs

Dans les villes de 2041, nul ne peut plus prétendre à l'anonymat. Réalité augmentée, publicités ciblées, “expériences premium” destinées aux plus aisés : tout y est fondé sur la reconnaissance de l'identité de chacun, à chaque instant. Dans cet univers de surveillance continue, une légende urbaine commence à prendre de l'importance : il existerait une espèce inconnue, capable d'échapper au regard humain et à toutes les technologies en se déplaçant à grande vitesse et en s'adaptant par des mutations quasi-instantanées à son environnement. Ces mystérieux Furtifs sont au coeur des recherches d'une unité militaire secrète, le Récif, où vient d'entrer Lorca Varèse, convaincu que la disparition de sa fille de quatre ans a un rapport avec l'existence de ces créatures insaisissables. Récit polyphonique à six narrateurs, Les Furtifs est une aventure du langage autant qu'une épopée de science-fiction. Au travers de ces six voix bien distinctes, Alain Damasio déploie toute l'étendue de sa virtuosité stylistique, forgeant une langue mouvante, instable, en proie à des mutations poétiques qui reflètent le rapport sensible au monde des furtifs et de cette poignée de personnages qui, en les approchant, s'imprègnent de leurs capacités. Autour de ce passionnant exercice d'équilibriste, Damasio construit un récit riche en rebondissements et d'une puissance visuelle fulgurante, où s'entremêlent un univers SF fortement politique, qui interroge la privatisation galopante de tous les espaces publics, et une forme de merveilleux héritée du conte, propre à réenchanter notre rapport au monde et à remettre en question la place que s'y est octroyée l'humanité.
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Terminus Berlin

Après plus de trente ans d'exil en Amérique, l'écrivain Lesche retrouve son pays natal, l'Allemagne. Lui qui a connu le ghetto et a échappé de peu à la déportation découvre un pays profondément transformé, qui, après la chute du Mur, s'offre éperdument au capitalisme et au consumérisme. Un pays où, pourtant, les fantômes de la Shoah restent omniprésents et où le fascisme ne demande qu'à refleurir. Mettant en scène un fidèle alter-ego de l'auteur, Terminus Berlin revient sur la genèse de plusieurs de ses livres tout en évoquant cette période-charnière de sa vie que fut le retour en Europe. Ce dernier roman en forme de bilan comblera les lecteurs des grands romans d'Hilsenrath, de Nuit au Conte de la dernière pensée. Les autres découvriront un auteur à l'humour ravageur, dont la lucidité face aux aspects les plus sombres de la morale et de l'histoire humaine reste, quelques mois après sa disparition, des plus précieuses.
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