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Critiques sur le theme : voyages (50)
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Khat : Journal d'un réfugié

A ces figures anonymes que l'on croise, errantes, sur les rives de nos ports européens, et que l'on désigne par l'euphémisme de « migrants », Ximo Abadía redonne une voix et une identité, à travers Natan, un jeune réfugié érythréen qui nous raconte son histoire. A quatre ans, il fuit la dictature de son pays avec son père pour se rendre en Ethiopie, laissant derrière lui sa mère, qui aide d'autres personnes à partir, et qu'il ne reverra pas. Natan, par des mots simples, décrit son quotidien, la faim qui tord le ventre, l'exclusion, la violence de la rue et l'oppression des régimes autoritaires, la débrouille pour survivre, mais aussi la solidarité, les copains, la radio trouvée dans une décharge, qui apporte la joie dans le foyer de tôles et de cartons. Un jour, il faut de nouveau fuir, c'est une question de vie ou de mort : quitter son père, gagner la Libye, et traverser l'océan jusqu'en Europe.
Le trait est enfantin, de grands aplats de couleurs vives tracés au pastel, qui épousent la simplicité d'un discours dénué de pathos. Les sensations et les états intérieurs dominent: le orange, à la fois soleil brûlant du désert et feu vital, le noir qui obscurcit les pages suggérant la torture physique, et la désespérance morale du personnage. Sans ce choix d'un dessin naïf et presque abstrait, l'histoire serait insoutenable. A travers la couleur, c'est l'humanité qui l'emporte encore.
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Alpha : Abidjan-Gare du Nord

Alpha est ébéniste à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Il pense à sa femme et à son fils partis pour Paris, dont il est sans nouvelle. Alors il prend la route : direction Gao, au Mali, dans une camionnette surchargée dont les passagers espèrent rejoindre l'Europe. Puis il poursuit son voyage vers le nord, alternant trajets en voiture dans le désert, arrêts involontaires dans des camps de réfugiés, et petits boulots mal payés. Son chemin croise celui d'autres « aventuriers » : Antoine, un Camerounais qui rêve de jouer pour le FC Barcelone, Abebi, une Nigériane contrainte de se prostituer pour survivre, et Augustin, un petit garçon que leur confie sa soeur. le texte écrit à la première personne est accompagné de dessins sobres dans lesquels dominent le noir et le blanc. Ce roman graphique d'une grande pudeur donne ainsi à voir et à ressentir les espoirs, puis les désillusions, des migrants d'Afrique subsaharienne – une détresse dont profitent militaires corrompus, passeurs malhonnêtes et trafiquants en tout genre. le récit interroge aussi les responsabilités individuelles face aux mesures répressives et à la coopération entre États : l'Europe aux côtes si lointaines est omniprésente dans les demandes absurdes des consulats, dans les circuits touristiques aperçus en cours de route, et dans les contrôles instaurés par les pays du Maghreb en échange d'une « aide au développement ».
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Le Mississippi dans la peau

Comme il l'avait fait 30 ans auparavant, Eddy L.Harris descend tout le Mississippi en canoë, du Minnesota à la Louisiane. L'Amérique a changé, mais les tensions raciales ont encore connu une recrudescence sous l'ère Obama. A travers les rencontres faites en chemin, il cherche à mesurer le véritable tempérament de son pays. Ses pensées suivent le fil de sa navigation et il partage ses réflexions sur les paysages qui bordent le fleuve, les changements, les disparitions d'espèces, la pollution. le texte regorge de détails sur l'histoire industrielle du Mississippi, les mythes qui l'ont façonnée, les expéditions des explorateurs, les crues terribles d'un fleuve parfois dangereux.
Passionné d'Histoire, Eddy L.Harris évoque le passé pour mieux comprendre la violence de son pays, du massacre des Indiens à la ségrégation. Il constate que l'Amérique d'aujourd'hui reste obsédée par la question raciale. Pourtant, plusieurs passages témoignent de gestes de solidarité, d'une passion partagée pour ce fleuve mythique, de rencontres émouvantes. L'auteur s'interroge sur ce qui fait l'identité et l'appartenance à un pays à l'aide de considérations sociologiques, économiques et géographiques. On embarque sans hésiter pour ce récit de voyage passionnant au fil de l'eau, entre H.D. Thoreau pour l'ode à la nature sauvage et James Baldwin pour la réflexion sur le racisme.
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Moby Dick

Lorsque Ishmaël se sent un peu déprimé, il s'embarque. Il a ainsi navigué sur maints navires de la marine marchande. Mais le jour où il s'engage sur un baleinier, de nombreux indices lui font penser que cette fois-ci, le voyage sera une aventure. C'est que son capitaine, Achad, n'a qu'un seul but : se venger de Moby Dick, la baleine blanche qui a emporté sa jambe lors de leur dernière confrontation.
Histoire d'une vengeance qui tourne mal, Moby Dick nous entraîne dans les cales d'un navire américain du milieu du XIXe siècle et nous livre tous les secrets des baleines et de la manière dont on les chassait à cette époque. Melville livre un récit encyclopédique, mais aussi mythique : Moby Dick apparaît comme un véritable monstre des mers et il prend des allures de Léviathan sous la plume du romancier américain. Un livre au goût salé de la mer qui regorge de scènes fabuleuses où la pêche prend des allures d'épopée.
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Le lac de nulle part

Dans les conditions extrêmes du Nord canadien, un père invite ses deux enfants adultes à faire du kayak et à camper durant un mois. Quelles sont les raisons d'une telle invitation ? le père souhaite-t-il se racheter d'une longue absence ? Revivre les randonnées familiales du passé ? Après s'être séparé de sa femme, Bill ne voyait en effet ses enfants qu'aux grandes vacances. Les relations entre Bill et Al, sa fille, sont tendues, alors que celles avec son fils Trig sont plus complices. Les défaillances de leur père en termes d'organisation font douter ses enfants quant à l'issue de cette expédition : ils craignent d'être perdus ou bloqués par la neige.
Malgré la beauté des paysages et la vie au grand air, le père ne parvient pas à se rapprocher de ses enfants. Mais le silence se brise avec la glace : cette excursion est le révélateur de secrets enfouis. Il est intéressant de voir comment l'auteur fait se rencontrer les territoires de l'intime avec ceux des grands espaces. Dans la tradition du « nature writing », Pete Fromm dévoile avec une grande délicatesse la résilience de deux jeunes adultes aux prises avec la nature.
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Les abeilles grises

Au coeur du Donbass, Sergueïtch et Pachka sont les derniers habitants d'un village situé dans la "zone grise", sur la ligne de front où s'opposent, depuis 2014, l'armée ukrainienne et des séparatistes prorusses. Bien qu'"ennemis d'enfance", les deux cinquantenaires s'entraident pour survivre face au manque d'électricité et de nourriture, mais aussi pour surmonter leur solitude. le printemps arrivant, Sergueïtch installe ses six ruches à l'arrière de sa vieille voiture et part à la recherche d'un endroit éloigné des bombardements. Il s'arrête d'abord dans un village paisible du sud de l'Ukraine, puis va en Crimée rejoindre un ami tatar, lui aussi apiculteur. La joie de vivre de Sergueïtch ne faiblit pas, bien que la guerre le rattrape toujours, quand des checkpoints barrent sa route ou que des agents du FSB surveillent ses allées et venues.
À travers le portrait de cet homme solitaire et rêveur, Andreï Kourkov évoque une population ukrainienne prise dans une guerre civile qu'elle a du mal à comprendre. le conflit est vu, non pas du point de vue des soldats, mais de celui des civils qui continuent leur vie, malgré tout. Ce voyage, au fil des prairies où le héros pose ses ruches, devient par ailleurs un hymne à la nature et aux plaisirs simples, malgré une guerre latente.
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L'Amérique entre nous

Récit d'une traversée intime et géographique, ""L'Amérique entre nous"" nous fait suivre le voyage d'un couple qui parcourt les Etats-Unis pendant trois mois. Sur leur chemin, des paysages somptueux, des villes gigantesques qu'ils sillonnent entre émerveillement et désillusions, des rencontres surprenantes mais aussi, de l'attente, de l'ennui, des disputes parfois. Tandis qu'elle interviewe des stars hollywoodiennes pour le compte du journal qui l'emploie, il photographie la faune en tant que reporter animalier.
Mais ce voyage est aussi et surtout une enquête sur la possibilité de l'amour libre : la narratrice, qui aime deux hommes à la fois, compte sur cette expérience hors du temps pour confronter son couple à une nouvelle proposition, cette possibilité qu'elle explore entre exaltation et blessures, doutes et ténacité. Un voyage pour vivre et affirmer une trajectoire de femme libre.
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Etat des lieux

Allongée sur une falaise qui n'est autre que le langage lui-même, Rima a soif de silence. Elle rejette le trop plein des discours qui l'entourent, qu'ils soient médiatiques, politiques ou fictionnels. Son constat est sans équivoque : il y a trop de mots. Certes, ceux-ci la constituent et donnent consistance au monde, mais ils lui pèsent et la parasitent. Pourtant, le présent l'assaille, et dans les plis et interstices du réel, quelque chose s'allume, la falaise devient ville et Rima s'y engouffre. Un texte poétique court et dense, à l'écriture extrêmement maîtrisée. Au gré d'une rythmique entêtante, Marie Rousset nous invite à une réflexion sur le langage et par le langage. Un travail d'orfèvre, et une belle invitation à découvrir la poésie contemporaine.
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La rose des vents

Nous sommes en Russie au XIXème siècle. le lieutenant de vaisseau Nevelskoï se voit confier une mission secrète : partir à bord d'un faux navire marchand, le Baïkal, vers la Sibérie orientale et explorer l'embouchure du fleuve Amour. Il doit ainsi assurer la suprématie militaire de la Russie dans cet endroit stratégique où Chinois, Britanniques et Français tentent également de s'implanter. Nevelskoï a des soutiens, étant l'ancien précepteur du fils du tsar Nicolas 1er, mais il affronte une rude concurrence : des espions, des bandits ou encore les populations autochtones. L'action est donc pleine de péripéties, de rebondissements ; on est joyeusement entraîné dans le sillage des navires et des hommes de mer. Roman jubilatoire, enlevé, on y retrouve avec grand plaisir tous les codes du roman d'aventures. L'auteur ayant placé son intrigue dans la Russie du XIXème siècle, on se délecte de retrouver l'atmosphère des grands romans russes de cette époque. La rose des vents devient alors une véritable allégorie de la destinée de chaque être humain, suivant chacun son propre vent dominant.
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La définition du bonheur

Clarisse est sensuelle avec sa peau brune et sa tignasse blonde qui ébouriffe sa silhouette. Pétillante, virevoltante, folle même parfois. Elle a trois garçons, vit à Paris et passionnément l'amour avec des hommes qu'elle n'arrive pas à garder. Eve, elle, plus bretonne que méditerranéenne, yeux clairs, taches de rousseur, a une beauté moins piquante. Elle a deux filles et vit à New York avec son rassurant mari, mais entre eux le désir se meurt un peu. La prouesse de Catherine Cusset en balayant 45 années de ces deux vies, c'est de nous attacher à ces deux personnages tout en entretenant le suspense sur ce qui les relie. Dans un style clair, assez factuel mais sensible, ce roman au féminin est magnifiquement construit. Chaque chapitre est une oeuvre en soi et conduit à un dénouement où tout prend forme et sens, comme à la fin d'un puzzle. Un roman intelligent, consistant et qui se lit pourtant avec gourmandise.
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Un mois à Sienne

Après avoir écrit un très beau livre sur la disparition de son père, opposant au régime de Kadhafi, Hisham Matar décide d'aller passer un mois à Sienne, seul, pensant y retrouver une certaine paix intérieure. Il parcourt les rues de la ville, visite les musées, médite sur les piazzas ou au cimetière, fait des rencontres. Il nous raconte ces expériences en quinze petits chapitres dans lesquels nous découvrons des pages très touchantes sur l'art de la conversation, la douceur de la parole, le vivre-ensemble. Mais ce récit nous montre surtout son impossibilité à faire son deuil, son besoin vital de dialoguer avec les morts, ceux des tableaux comme ceux de la vraie vie.
Accompagnant son texte de reproductions de tableaux et de descriptions des toiles les plus fameuses ou bien les plus mystérieuses de l'école siennoise, l'auteur interroge les rapports entre la foi, l'art et la littérature. Un mois à Sienne nous offre ainsi une très belle réflexion sur la peinture, ses pouvoirs, ses leçons. Comment regarde-t-on un tableau ? Y cherche-t-on des indices sur soi ? L'art peut-il nous aider à conjurer nos peurs les plus intimes ?
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Les confluents

Dans les années 2010, Liouba, journaliste franco-russe, fait des reportages sur la façon dont les humains vivent dans leur environnement et s'y adaptent. Au fil de ses voyages, elle rencontre un bédouin qui plante une forêt en plein désert, une activiste voulant protéger une forêt boréale en Russie, et Talal, un photojournaliste qui, comme elle, sillonne le monde pour donner voix aux migrants. En 2040, Aslam, dernier habitant d'une île en Indonésie, tente de la protéger de la submersion, pendant que sa soeur essaie d'alerter les instances sur l'urgence climatique.
Ces deux récits alternent habilement dans ce premier roman d'Anne-Lise Avril, avec un style lent et gracieux, des descriptions attentives et poétiques. L'autrice donne leurs lettres de noblesse à des endroits reculés et aux personnages qui y vivent humblement, et montre la beauté d'un monde fragilisé par les changements environnementaux : le désert, de plus en plus aride, fleurit après la pluie.
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Ultramarins

“D'accord”. Quand la commandante d'un cargo traversant l'Atlantique prononce ces deux mots, elle s'étonne de sa réponse. Comme si quelqu'un d'autre avait parlé à sa place. Elle accorde ainsi aux hommes qu'elle a sous sa direction une chose très simple, mais contraire à tout protocole : une baignade en plein milieu de l'Atlantique, après avoir coupé les radars et arrêté l'énorme porte-container. Une petite entorse au règlement qui va cependant générer bien des doutes par la suite : des phénomènes étranges sont observés sur le navire. L'autorité de la seule femme à bord en est affectée. La confiance des marins n'est plus aussi ferme qu'auparavant. Une panne inexplicable semble même mettre en péril le voyage.

Avec Ultramarins, Mariette Navarro nous plonge dans l'ambiance du grand large, dans l'univers prosaïque des marins, et dans les pensées d'une commandante qui, dans le doute, se rappelle que si elle et son équipage sont en pleine mer, c'est avant tout parce qu'ils ont été ""rejetés par la terre”. En convoquant dans son récit les mythes du Vaisseau fantôme et autres triangles des Bermudes, l'autrice donne à son récit un tour angoissant qui rend le lecteur d'autant plus attentif à sa fin. Nous n'en dirons rien, si ce n'est qu'il y aura des larmes. Des larmes de commandante. Larmes de désespoir? Larmes de joie? Des larmes salées comme de l'eau de mer.
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Robinson Crusoé

Au début du livre, Robinson a 19 ans et ne tient plus en place : il veut voyager. Contre l'avis de son père, il devient marin. Après de multiples tempêtes et aventures qui auraient pu lui coûter la vie, il devient propriétaire d'une florissante plantation au Brésil. Robinson allait devenir riche et, peut-être, heureux. Mais il est rattrapé par sa “folle inclination de courir le monde”. Il reprend la mer vers l'Afrique, mais le navire doit changer de cap et se perd dans un maelström. Robinson se retrouve seul survivant sur une île dans les Caraïbes où il passe de nombreuses années sans rencontrer aucun humain. Il apprend à vivre seul et à se réjouir des découvertes qu'il fait pour pallier le manque. Quelle joie lorsqu'après maintes déconvenues, il arrive à planter du blé et à faire du pain! Puis, un jour, il découvre sur la plage la trace d'un pied qui n'est pas le sien...
Cette histoire extraordinaire est l'occasion pour Defoe de réfléchir sur la capacité de l'homme à s'adapter aux catastrophes et à la solitude, ce qui résonne singulièrement pour nous en temps de Covid. Dans un discours édifiant mais jamais donneur de leçon, le romancier anglais nous montre que l'homme s'adapte et que le bonheur est d'abord une façon de considérer les choses.
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The White Darkness

En 2015, Henry Worsley laisse derrière lui femme et enfants pour se lancer dans une expédition risquée : la traversée à pied de l'Antarctique en solitaire. Cet ancien militaire n'en est pas à son coup d'essai : fasciné par les exploits d'Ernest Shackleton, grand explorateur du Pôle Sud, il a déjà mis à plusieurs reprises ses pas dans les siens, notamment lors d'une traversée du continent en équipe. Mais cette expédition, au cours de laquelle il devra traîner seul son équipement sur plus de 1600 kilomètres, est un défi inédit, qui le confrontera à ses propres limites.
The White Darkness, sous ses airs de récit d'aventure traditionnel mêlant une évocation des paysages sublimes de l'Antarctique à des portraits d'hommes à la force d'âme phénoménale, se révèle plus profond et plus émouvant que prévu. C'est que David Grann n'y élude ni la part de folie destructrice qui entre dans le désir de se mesurer à cette ultime frontière qu'est le Pôle, ni le coût de ces aventures pour ceux qui, la peur au ventre, attendent à l'autre bout du globe qu'un père ou un mari rentre, en espérant que cette fois ce soit pour de bon.
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