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William Olivier Desmond (Traducteur)Jorge Semprun (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070393817
464 pages
Gallimard (24/10/1995)
4.33/5   29 notes
Résumé :
Un monde à part est un témoignage. Mais il est aussi de la littérature. Albert Camus, dans un raccourci saisissant, affirmait que le livre devait être lu « autant pour ce qu'il est que pour ce qu'il dit ».
Ce qu'il dit, c'est l'expérience terrible des victimes des prisons et des camps de travail soviétiques, ce qu'il est, c'est une œuvre littéraire parfaitement maîtrisée qui porte l'empreinte d'un écrivain véritable.

Condamné, en 1939, à cinq a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Un monde à part est un récit autobiographique mais aussi un ouvrage littéraire, comme le souligne Jorge Semprun dans sa préface. Publié en 1951 en Angleterre, il n'est paru en France qu'en 1985 grâce à l'intervention de Jorge Semprun. En effet, ce livre est autant un essai qu'une étude sociologique et politique, y intégrant les diverses problématiques psychologiques, humanistes et morales, le tout écrit dans une forme particulièrement raffinée mais où le style poétique dans ce cas me semble décalé. Son action se déroule dès la fin de l'été 1940 et prend fin en juin 1945. Sa narration est chronologique. Il décrit son parcours dans les différentes prisons, puis dans les camps ; en catégorise les groupes, les « ourkas » ou criminels endurcis (souvent endoctrinés à la politique soviétique en prison), qui étaient les plus à craindre pour les « bieloroutchkis » ou prisonniers politiques qui étaient leur cible privilégiée. Puis, en fonction du déroulement de la guerre et des épisodes d'affrontement inversés, les nationalités ennemies de l'URSS fluctuèrent dans les camps et sa population fut le produit de la nature du conflit. En 1940 : Polonais, Ukrainiens de l'ouest, Russes blancs, juifs de Pologne, Baltes du nord ; en 1941 beaucoup d'Allemands, très mal traités !
Il explique les conditions de travail, épuisantes pour chacun, mortelles pour le travail en forêt. La distribution de nourriture étant conditionnée au rendement imposé mais impossible à réaliser, les conséquences de la malnutrition étaient la pellagre, la cécité nocturne, fatales à terme. Les évasions demeuraient des « tentavives ». Dans les camps mixtes, la situation des femmes ressemblait à l'enfer au quotidien. Il témoigne l'état de deshumanisation des individus dans lequel la direction des camps les maintenait. Dans ce lieu de perdition imposée, les détenus abrutis d'épuisement par le travail, ravagés par les maladies liées à la faim, au froid, conduits au désespoir par l'absence de perspective de liberté, souvent au dérangement psychique, s'abandonnaient. En plus de son potentiel productif à exploiter au maximum, casser la psychologie de l'humain était l'objectif à atteindre, il le fut pour beaucoup d'entre eux. Malgré sa jeunesse et sa bonne condition physique à l'arrivée, Herling connaitra le scorbut, osera une grève de la faim pour contester sa non libération après les accords Sikorski-Maïski, et sera libéré le 19 janvier 1942. Il rejoindra l'armée Polonaise en formation nommée Deuxième Corps Polonais, sur le territoire soviétique, commandée par le général Anders. Il fera la campagne d'Italie et participera à la Bataille de Monte Cassino.
Dans l'épilogue p297 à 304, son témoignage me déstabilise beaucoup par rapport au contenu du livre. Il juge. Il juge un ancien prisonnier du camp (qu'il avait connu dans la prison de Vitebsk et dont il tait l'identité), qu'il revoit à Rome, juif polonais, qui a dénoncé 3 autres prisonniers (allemands), pour sauver sa peau. Comment, lui, témoin/acteur dans ces lieux se permet-il l'absence de pardon à son ex-compagnon de misère. Dans la situation identique, quelle aurait été sa décision ? A mon avis, cet aveu indigne de lui est en totale incohérence avec sa phrase p164 : J'en suis arrivé à la conviction qu'un homme ne peut être humain que lorsqu'il vit dans des conditions humaines et qu'il n'y a pas de plus grande absurdité que de le juger sur des actions qu'il commet dans des conditions inhumaines.
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Gustaw Herling, Polonais d'origine, a été arrêté en 1940 par le N.K.V.D. (police politique d'U.R.S.S.), puis a passé deux années dans les prisons et camps de concentration Soviétiques du Goulag, suite au Pacte Germano-Soviétique entre Hitler et Staline de 1939.

Ce témoignage de Gustaw Herling porte principalement sur ses horribles conditions de détention dans le camp de Yertsevo, faisant parti du complexe de Kargopol dans les forêts du Grand Nord entre 1940 et 1942.

Comme dans de nombreux camps de l'immense « archipel du Goulag », ce sont les prisonniers eux-mêmes qui construisaient leurs propres baraquements et camps, dans des conditions terribles d'existence et par des températures atteignant régulièrement les : -30°, -40°…, camps dans lesquels ils étaient enfermés et où, souvent, ils mouraient.

Ces prisonniers déshumanisés préféraient : faire la grève de la faim, s'automutiler (se casser une jambe, se sectionner un ou des doigts), tomber gravement malade, voire se suicider, plutôt que de travailler dans des conditions inhumaines d'esclavagisme.
Cette déshumanisation de l'immonde régime totalitaire communiste, continuait après la mort de ces innocents, par le négationnisme de ses victimes, comme en témoigne l'auteur (page 284) :

« La mort dans les camps répand une autre forme d'effroi : son anonymat. Nous n'avions aucune idée de l'endroit où les morts étaient enterrés, et ne savions pas, lorsqu'un prisonnier décédait, si seulement un certificat de décès était rédigé ».

Dans l'épilogue de cet ouvrage, l'auteur cite une phrase qui résume parfaitement toute l'ignominie engendrée par le régime communiste.
En effet, lors d'une discussion avec un ancien co-détenu, torturé par ses propres remords, celui-ci se confia à Gustaw Herling en lui disant ceci (pages 457 et 458) :

« Seigneur ! cette manie de vouloir liquider leurs victimes en respectant les formes légales est certainement le plus grand cauchemar de tout le système soviétique… Il ne leur suffit pas de tirer une balle dans la tête de quelqu'un, non : ce quelqu'un doit lui-même demander poliment qu'on lui fasse un procès. Il ne suffit pas d'impliquer quelqu'un dans la plus sinistre des fictions, non : il leur faut des témoins pour l'authentifier. le N.K.V.D. ne me cacha pas que mon refus serait synonyme de retour aux travaux généraux… Il me fallut choisir entre ma mort et celle de ces quatre hommes… ».
« … J'ai choisi. Je n'en pouvais plus de la forêt, et de ce combat quotidien avec la mort ; je voulais vivre. J'ai signé. Deux jours plus tard, ils furent abattus au-delà du périmètre du camp ».

Tragiquement, on retrouve cette terrible description du totalitarisme communiste à travers de très nombreux témoignages de survivants (liste non exhaustive d'ouvrages, ci-dessous).

Confer également les précieux témoignages sur le thème du Totalitarisme, de :
Alexandre Soljénitsyne (L'archipel du Goulag) ;
Alexandre Soljénitsyne (Une journée d'Ivan Denissovitch) ;
Jacques Rossi (Qu'elle était belle cette utopie !) ;
Jacques Rossi (Le manuel du Goulag) ;
Evguénia S. Guinzbourg (Le vertige Tome 1 et le ciel de la Kolyma Tome 2) ;
Margarete Buber-Neumann (Déportée en Sibérie Tome 1 et Déportée à Ravensbrück Tome 2) ;
Iouri Tchirkov (C'était ainsi… Un adolescent au Goulag) ;
Boris Chiriaev (La veilleuse des Solovki) ;
Malay Phcar (Une enfance en enfer : Cambodge, 17 avril 1975 – 8 mars 1980) ;
Sergueï Melgounov (La Terreur rouge en Russie : 1918 – 1924) ;
Zinaïda Hippius (Journal sous la Terreur) ;
Jean Pasqualini (Prisonnier de Mao) ;
Kang Chol-Hwan (Les aquariums de Pyongyang : dix ans au Goulag Nord-Coréen) ; – Aron Gabor (Le cri de la Taïga) ;
Varlam Chalamov (Récits de la Kolyma) ;
Lev Razgon (La vie sans lendemains) ;
Pin Yathay (Tu vivras, mon fils) ;
Ante Ciliga (Dix ans au pays du mensonge déconcertant) ;
David Rousset (L'Univers concentrationnaire) ;
Joseph Czapski (Souvenirs de Starobielsk) ;
Barbara Skarga (Une absurde cruauté) ;
Claire Ly (Revenue de l'enfer) ;
Primo Levi (Si c'est un homme) ;
Primo Levi (Les naufragés et les rescapés : quarante ans après Auschwitz) ;
Harry Wu (LAOGAI, le goulag chinois) ;
Shlomo Venezia (Sonderkommando : Dans l'enfer des chambres à gaz) ;
Anastassia Lyssyvets (Raconte la vie heureuse… : Souvenirs d'une survivante de la Grande Famine en Ukraine) ;
François Ponchaud (Cambodge année zéro) ;
Sozerko Malsagov et Nikolaï Kisselev-Gromov (Aux origines du Goulag, récits des îles solovki : L'île de l'enfer, suivi de : Les camps de la mort en URSS) ;
François Bizot (Le Portail) ;
Marine Buissonnière et Sophie Delaunay (Je regrette d'être né là-bas : Corée du Nord : l'enfer et l'exil) ;
Juliette Morillot et Dorian Malovic (Evadés de Corée du Nord : Témoignages) ;
Barbara Demick (Vies ordinaires en Corée du Nord) ;
Vladimir Zazoubrine (Le Tchékiste. Récit sur Elle et toujours sur Elle).
Lien : https://totalitarismes.wordp..
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L'exergue cite Dostoïevski "Souvenirs de la maison des morts". c'est ce qui m'a donné envie de lire ce livre, très bien écrit.
Il passe deux ans dans un camp soviétique , expérience qu'il raconte dans ce livre.
Il compare le stalinisme à une religion (çà m'a beaucoup frappée) avec les prisonniers de la "maison des morts" excommuniés de la vie politique.
Terrible, non, la comparaison ?
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Ce livre n'a pas la notoriété qu'il mérite. C'est un témoignage exceptionnel sur la vie dans les camps de travail soviétique, aussi fort que les Récits de la Kolyma et l'Archipel, mais par un non russe.
C'est la préface de J. Semprun qui m'a incitée à en démarrer la lecture et je n'ai pas été déçu.
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Pour tout connaitre de la vie dans les camps de concentration soviétiques . Saluer par Primo Levi
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
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Les huit ourkas du baraquement retrouvèrent leur fraternité, qui jusqu'à la fin de mon séjour dans ce camps, ne fut pas une seule fois troublée par le moindre résidu d'un sentiment humain.
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Le principe de base de la législation soviétique est que personne n'est innocent. Le résultat est que la condamnation finale est toujours, dans une certaine mesure, le fruit d'un compromis ; on s'arrange pour que l'accusé prenne conscience "de ne pas avoir été arrêté pour rien", ce qui permet au NKVD de cultiver sans retenue le mythe de son infaillibilité.
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j'en tirai la conclusion que si l'espoir arrive à être le seul sens qui reste à une existence, sa réalisation peut parfois devenir un tourment insupportable.
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